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Sites et sols pollués : un décret définit une typologie des usages

Le décret du 19 décembre 2022 relatif à la définition des types d'usages dans la gestion des sites et sols pollués précise, d'une part, les notions d' « usage » et de « réhabilitation », et détermine, d'autre part, une typologie des usages des terrains.

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Droit de l'Environnement N°318
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°318
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Sites et sols pollués : un décret définit une typologie des usages
Arnaud Gossement
Avocat associé, docteur en droit, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
   

Le Gouvernement a publié, au Journal officiel du 20 décembre 2022, le décret du 19 décembre 2022 relatif à la définition des types d'usages dans la gestion des sites et sols pollués. Ce décret a été pris pour l'application de l'article 223 de la loi "climat et résilience" du 22 août 2021. Pour mémoire, cet article 223 a été rédigé à partir de deux articles qui avaient été auparavant insérés dans une proposition de loi déposée le 17 mai 2021 (1) au Sénat. Proposition de loi notamment défendue (2) par des membres de la commission d'enquête sénatoriale, présidée par le sénateur Laurent Lafon, « sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols ». L'objectif de cette commission (3) d'enquête était « d'évaluer l'ampleur de la pollution des sols consécutive à des activités industrielles et minières en France, ainsi que la capacité des pouvoirs publics à identifier et prévenir les risques que cette pollution présente pour la santé des populations et l'environnement ». Cette commission d'enquête a abouti à un rapport, déposé le 8 septembre 2020 par la sénatrice rapporteure Gisèle Jourda puis à cette proposition de loi qui n'a pas été discutée. Gisèle Jourda et plusieurs autres sénateurs ont toutefois déposé deux séries d'amendements sur le projet de loi « climat et résilience » lors de sa première lecture au Sénat, en juin 2021. La première série (4) d'amendements était issue de l'article 3 de la proposition de loi précitée et avait pour objet de définir (5) « la notion d'« usage » en matière de sites et sols pollués, en clarifiant son articulation avec l'« usage » au sens du code de la construction et de l'habitation et avec la « destination » au sens du code de l'urbanisme, et en instaurant une typologie précise des types d'usage ». La deuxième série d'amendements avait pour objet, quant à elle, de reprendre le contenu de l'article 10 de la proposition de loi précitée, de manière « à soumettre obligatoirement à l'examen de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) les analyses conduites par les bureaux d'études certifiés ou équivalents et préalables à la délivrance de l'attestation de mise en œuvre des obligations de diagnostic et de mesures de gestion pour les sites situés en SIS ou sur les terrains d'anciennes ICPE. » Ces dispositions ont été conservées dans le texte de l'article 223 de la loi « climat et résilience » telle que promulguée. Le décret d'application du 19 décembre 2022 qui est l'objet du présent commentaire, précise et unifie d'une part la définition des notions d' « usage » et de « réhabilitation » (I), et établit d'autre part une typologie des usages des terrains (II).

I. La définition unique des notions d'usage et de réhabilitation au sein des polices des installations classées et des sites et sols pollués

Le décret du 19 décembre 2022 comporte notamment une définition de l'usage qui suppose, pour son étude, de revenir à la définition de la notion de « réhabilitation » (B) telle qu'inscrite dans la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 (A).

A. La définition de la notion de « réhabilitation »

Cet article 223 de la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a pour objet de clarifier les notions d' « usage » et de « réhabilitation » dans le lexique employé pour les polices (6) des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et des sites et sols pollués. Et ce pour organiser notamment la cessation d'activité (7) des installations industrielles. Pour ce faire, cet article impose en premier lieu le terme unique de « réhabilitation » en lieu et place de l'expression « remise en état » dans la rédaction des articles L. 512-17 du code de l'environnement, relatif à la responsabilité de la « société mère » de l'exploitant et L. 516-1 du même code, relatif à l'obligation de constitution de garanties financières par les exploitants de certaines installations déterminées par décret en Conseil d'État. Le travail d'harmonisation n'est toutefois pas tout à fait achevé car les articles R. 515-106, R. 515-17 et R. 515-108 du code de l'environnement relatifs aux éoliennes font encore référence à la « remise en état » alors que ces dernières sont bien des ICPE. En deuxième lieu, la définition de la « réhabilitation » est désormais inscrite dans un nouvel article L. 556-1 A du code de l'environnement : « (…) la réhabilitation d'un terrain est définie comme la mise en compatibilité de l'état des sols avec, d'une part, la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1 et, d'autre part, l'usage futur envisagé pour le terrain. » Il convient donc de souligner que la notion de « réhabilitation » est liée à celle d'« usage ». L'usage futur du terrain qui fera l'objet de la réhabilitation envisagée devra ainsi être défini à partir de la typologie des usages qui est désormais établie par le décret du 19 décembre 2022. Reste qu'un effort supplémentaire de définition serait précieux pour bien déterminer le sens et la portée des notions de « terrains » ou de « sols » par exemple. De même, le rapport de « mise en compatibilité » mériterait lui aussi d'être précisé pour que ce travail de clarification ne revienne pas au juge administratif.

B. La définition de la notion d' « usage »

La notion d'usage (8) est fondamentale pour la définition et l'exécution de la politique nationale de prévention et de gestion des sites et sols pollués. Cette politique nationale « vise à prévenir et réduire la pollution des sols et des sous-sols et à assurer la gestion des pollutions existantes. Elle participe d'une gestion équilibrée et durable des sols et sous-sols et tient compte des adaptations nécessaires au changement climatique ». Et elle est, en effet, définie et mise en œuvre (9) conformément à plusieurs principes dont le suivant : « L'évaluation du risque fondée sur les usages du site, la connaissance des sources, vecteurs et cibles d'exposition et le respect de valeurs de gestion conformes aux objectifs nationaux de santé publique. » La notion d'usage n'avait jusqu'alors pas été clairement définie en droit positif ni même dans la jurisprudence. L'article 223 de la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 impose une définition unique de cette notion, également inscrite à l'article L. 556-1 du code de l'environnement : « (…) l'usage est défini comme la fonction ou la ou les activités ayant cours ou envisagées pour un terrain ou un ensemble de terrains donnés, le sol de ces terrains ou les constructions et installations qui y sont implantées. / Les types d'usages au sens du présent chapitre sont définis par décret. » Cette définition est assez complexe, faute, de nouveau, de définition claire des termes employés comme ceux de « fonction », de « terrains » ou de « sol ». La rédaction même de la définition n'est pas idéale et appelle un travail de décomposition de la phrase. Il convient ainsi d'en comprendre que l'usage correspond, soit à une « fonction », soit à une activité » qui peut être « en cours » ou « envisagée » pour : « un terrain », ou « un ensemble de terrains ». Toutefois, la « fonction d'un sol » gagnerait à être définie. Aux termes de ces dispositions, un décret devait être publié pour définir les types d'usages à prendre en compte : tel est l'objet du décret du 19 décembre 2022. À noter, ce décret est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Son article 13 précise que les demandes d'autorisation déposées avant cette date et les cessations d'activité notifiées avant cette date continuent d'être régies par les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables.

II. La définition unique des types d'usages à prendre en compte

Le décret du 19 décembre 2022 a pour objet principal, à son article 1er, de définir les types d'usages suivants, aux termes d'un nouvel article D. 556-1 A du code de l'environnement. Il convient de décrire cette typologie (A) puis d'en étudier le champ d'application (B).

A. Le contenu de la typologie des usages

Le décret du 19 décembre 2022 insère un nouvel article D. 556-1 A au sein du code de l'environnement qui comporte une liste des différents types d'usage de terrains à prendre en compte, notamment lors d'une demande d'autorisation environnementale ou de cessation d'activité d'une ICPE. Cette liste comprend 8 catégories d'usages et n'est donc pas exhaustive car la dernière de ces catégories est intitulée « autres usages », à préciser au cas par cas :

-   1° Usage industriel, pouvant comprendre un bâti (y compris des entrepôts), des infrastructures industrielles et, le cas échéant, des aménagements accessoires, tels que des bureaux ou des places de stationnement associés à l'activité industrielle ;

-   2° Usage tertiaire, correspondant notamment aux commerces, aux activités de service, aux activités d'artisanat ou aux bureaux ;

-   3° Usage résidentiel, comprenant un habitat individuel ou collectif, et, le cas échéant, des jardins pouvant être destinés à la production non commerciale de denrées alimentaires d'origine animale ou végétale ;

-   4° Usage récréatif de plein air, correspondant notamment aux parcs, aux aires de jeux, aux zones de pêche récréative ou de baignade ;

-   5° Usage agricole, correspondant à la production commerciale (notamment au sein d'exploitations agricoles) et non commerciale (notamment au sein de jardins familiaux ou de jardins partagés) d'aliments d'origine animale ou végétale, à l'exception des activités sans relation directe avec le sol ;

-   6° Usage d'accueil de populations sensibles, correspondant aux établissements accueillant des enfants et des adolescents de façon non occasionnelle, aux établissements de santé et établissements et services sociaux et médico-sociaux, et aux éventuels aménagements accessoires, tels que les aires de jeux et espaces verts intégrés dans ces établissements ;

-   7° Usage de renaturation, impliquant une désartificialisation ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité des sols, notamment des opérations de désimperméabilisation, à des fins de développement d'habitats pour les écosystèmes ;

-   8° Autre usage (à préciser au cas par cas).

Ces catégories appellent les observations suivantes.

En premier lieu, il apparaît que cette typologie, qui devrait avoir pour effet de rapprocher les qualifications des sols opérées en droit de l'environnement, en droit de l'urbanisme et en droit de la construction, aura aussi pour mérite de faire remonter dans la hiérarchie des normes la discussion de la question de la qualification et de la gestion des terrains ou sols en fonction de leur usage. Cette typologie permet de décrire plus finement l'état des sols, de l'usage sensible à l'usage non sensible. En deuxième lieu, pour chacune de ces catégories, il appartiendra ensuite à l'État de préciser les indicateurs et critères à prendre en compte pour identifier chaque usage et y parvenir. Par ailleurs, on remarquera notamment la définition de l'usage de « renaturation » qui correspond à une notion récente en droit de l'environnement et qui devrait prochainement (10) faire l'objet d'un cadre juridique important en droit de l'Union européenne. Cette notion de « renaturation », récente en droit positif, est également présente dans le décret du 27 décembre 2022 qui précise les conditions de localisation des zones préférentielles de renaturation dans le Scot et le PLU. Enfin, le décret du 19 décembre 2022 précise que lorsque plusieurs usages sont envisagés sur un même site, un zonage détaille leur répartition géographique.

B. Le champ d'application de la typologie des types d'usages

Le décret du 19 décembre 2022 apporte deux séries de précisions quant au maniement de cette typologie des usages : il précise dans quels cas l'exploitant d'une ICPE ou le tiers demandeur doit prendre en compte cette typologie, et définit le sens et la portée de la notion de « changement d'usage ».

En premier lieu, le décret du 19 décembre 2022 détermine les cas dans lesquels la typologie des usages, désormais définie à l'article D. 556-1 A du code de l'environnement, doit être prise en compte par l'exploitant ou par le tiers demandeur qui souhaite se substituer à lui. Premier cas (11) , cette typologie des usages doit être prise en compte par l'exploitant lors de la cessation d'activité d'une ICPE soumise au régime de l'autorisation ou de l'enregistrement ainsi que dans les deux cas suivants. D'une part, lorsque l'arrêté d'autorisation ou d'enregistrement ne détermine pas le ou les usages des terrains concernés. D'autre part, à défaut de décision du préfet dans le délai de deux mois à compter de la réception du mémoire de réhabilitation ou en l'absence de transmission du mémoire, l'usage retenu (12) est un usage appartenant à la même catégorie de la typologie des usages prévue par le I de l'article D. 556-1 A que celui de la dernière période d'exploitation des installations mises à l'arrêt définitif. Deuxième cas (13) , cette typologie des usages doit être prise en compte lors de la composition du dossier de demande d'autorisation environnementale relative à une ICPE. Il en va de même (14) pour le dossier de demande d'enregistrement. Troisième cas (15) , le tiers demandeur qui souhaite se substituer au dernier exploitant et réaliser les travaux de réhabilitation de tout ou partie d'un terrain ayant accueilli une installation classée mise à l'arrêt définitif doit lui aussi prendre en compte cette nouvelle typologie des usages. Quatrième cas (16) , cette typologie doit être prise en compte par les exploitants des ICPE ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, sur demande du préfet.

En deuxième lieu, le décret du 19 décembre 2022 insère un nouvel article R. 556-1 B de manière à préciser les trois cas dans lesquels il y a « changement d'usage », au sens de l'article L. 556-1 du code de l'environnement. Pour mémoire, cet article L. 556-1 a trait aux conséquences juridiques d'un changement d'usage des terrains ayant accueilli une installation classée mise à l'arrêt définitif et régulièrement réhabilitée. Pour ces terrains, aux termes de l'article R. 556-1 B, un changement d'usage peut être qualifié dans les quatre hypothèses suivantes. Première hypothèse : lorsque le type d'usage projeté est différent (17) du type d'usage antérieur défini lors de l'autorisation environnementale ou de l'enregistrement  (18) des installations classées à implanter sur un site nouveau ou lors de la cessation d'activité des installations classées (19) soumises à autorisation environnementale ou à enregistrement. Deuxième hypothèse : pour les projets comportant plusieurs usages : il y a « changement d'usage », lorsque l'un au moins des types d'usages définis lors de l'autorisation ou de l'enregistrement ou lors de la cessation d'activité est différent du type d'usage antérieur. Troisième hypothèse, il y a également « changement d'usage » lorsque le type d'usage projeté est identique au type d'usage antérieur mais modifie le « schéma conceptuel » (20) à transmettre à l'Agence régionale de santé (ARS) par rapport à l'usage utilisé dans le mémoire de réhabilitation (21) ou pour la définition des mesures de gestion prescrites au tiers demandeur pour une installation classée qui n'a plus d'exploitant connu (22) . Quatrième hypothèse : l'usage projeté et l'usage antérieur relèvent d'un « autre usage », au sens du 8° de la typologie des usages de terrains déterminée à l'article D. 556-1 A, mais sont différents l'un de l'autre.

En conclusion, le décret du 19 décembre 2022 est certainement utile en ce qu'il devra contribuer, principalement, à une meilleure définition des conditions de réhabilitation des terrains industriels. Reste que ce travail réglementaire devrait être poursuivi de manière à définir l'ensemble du lexique à mobiliser.

1. Proposition de loi n° 594 (2020-2021), 17 mai 2021, visant à refonder la politique de gestion et de protection des sites et sols pollués en France2. Rapp. Sénat n° 700 (2019-2020), 8 sept. 2020, fait au nom de la commission d'enquête, sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols3. V. exposé des motifs proposition de loi n° 594 (2020-2021) op. cit.4. V. par ex. Amendement n° 1759 rect., 13 juin 20215. V. Ibid., exposé des motifs6. C. env., art. L. 511-1 et suiv.7. C. env., art. L. 556-1 et suiv.8. C. env., art. L. 241-19. Ibid.10. Proposition règl. n° COM(2022) 304 final, 22 juin 2022, sur la restauration de la nature11. C. env., art. R. 512-39-2, R. 512-46-26, R. 512-66-112. C. env., art. R. 512-39-213. C. env., art. D.181-15-214. C. env., art. R. 512-46-415. C. env., art. R. 512-7616. C. env., art. R. 512-39-517. C. env., art. D. 181-15-2 (11°)18. C. env., art. R. 512-46-4 (5°)19. C. env., art. R. 512-39-2, R. 512-46-26, R. 512-66-1 ou R. 512-7620. C. env., art. R. 556-2 (5°)21. C. env., art. R. 512-39-3, R. 512-46-27, R. 512-7822. C. env., art. R.512-79

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