La Commission européenne a finalement publié mardi 17 juin sa feuille de route qui ouvre des pistes pour définir les perturbateurs endocriniens (dans le cadre des règlements biocides et pesticides).
Cruciale pour l'établissement d'un cadre réglementaire, cette dernière était attendue depuis la fin de l'année 2013. La Suède avait notamment menacé la Commission de la poursuivre en justice si cette dernière n'accélérerait pas le mouvement. Elle a été rejointe dans cette revendication par la France, le Danemark, la Belgique, l'Autriche et la Pologne lors du dernier Conseil des ministres européens de l'Environnement.
Certains ont notamment pointé le rôle des lobbies des industries chimiques dans le retard de l'adoption de cette définition. "La feuille de route proposée par la Commission arrive très en retard sur le calendrier réglementaire initialement prévu par les législations sur les biocides et les pesticides, regrette Michèle Rivasi, députée européenne du groupe des Verts/ALE, membre du groupe de travail sur la stratégie française pour les perturbateurs endocriniens (SNPE) de 2014."Il ne faudrait pas qu'un accord sur le traité transatlantique (TTIP) ou encore sur la nationalisation de l'autorisation des OGM soit trouvé avant l'entrée en vigueur des critères", ajoute-t-elle.
Une ouverture pour les PE ?
L'enjeu sur ces questions est de ne laisser aucune ouverture aux perturbateurs endocriniens. En effet, le Conseil de l'Union européenne s'est prononcé, jeudi 12 juin, en faveur de la possibilité donnée aux Etats membres de restreindre ou d'interdire sur leur territoire la culture d'OGM. Des négociations en seconde lecture devrait être engagées au début de l'automne avec le Parlement.
Le problème, selon Les Verts ? Si ce texte arrive avant l'entrée en vigueur des critères sur les PE, il pourrait ouvrir la porte par exemple à des OGM qui produisent leurs propres pesticides. Et une autorisation de mise sur le marché d'un pesticide est délivrée pour une durée maximale de dix ans (dans la limite de la validité de l'autorisation de la substance active).
De la même manière, le TTIP pourrait exiger de l'UE d'accorder une reconnaissance mutuelle aux produits chimiques considérés comme sans risques aux Etats-Unis. Les discussions sur ce traité sont toutefois encore loin d'être achevées.
Quatre options présentées
La feuille de route de la Commission européenne présente quatre options pour les critères retenues. La première ne prévoit aucun changement : les éléments contenus dans les règlements biocides et pesticides continueront de s'appliquer. La seconde envisage de se reposer sur la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que sur le Programme international sur la sécurité des substances chimiques et d'intégrer une évaluation des risques. L'option trois s'appuie également sur cette définition mais en introduisant des catégories supplémentaires qui, selon la Commission, viendront l'étayer : une catégorie perturbateurs endocriniens, une de présumés perturbateurs endocriniens et enfin celles des substances endocriniennes actives.
La quatrième proposition se réfère toujours à la définition de l'OMS mais en introduisant le niveau de dose comme élément de caractérisation des dangers représentés par les perturbateurs endocriniens.
"Définir les perturbateurs endocriniens en prenant le niveau de dose comme critère (…) est aujourd'hui clairement devenu un non-sens scientifique, réagitMichèle Rivasi, cela fait suffisamment longtemps maintenant que nous savons qu'en matière de système hormonal, ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la période d'exposition".
Certains estiment que ces propositions constituent un retour en arrière par rapport aux règlements biocides et pesticides.
"Deux des trois options envisagées ajoutent l'évaluation des risques et la prise en compte d'éléments socio-économiques dans la prise de décision pour règlementer les PE, affaiblissant de manière scandaleuse l'efficacité de ces règlements pour protéger la santé humaine et l'environnement", a déploré Générations Futures.
D'un point de vue économique, la Commission assure que chacune des quatre options ne devrait pas impacter le budget européen au delà de 5 millions d'euros.
Dans le même temps, une étude de l'Alliance environnement santé estime le coût sanitaire de l'exposition aux perturbateurs endocriniens jusqu'à 31 milliards d'euros.
"Un abandon de l'approche basée sur le danger au profit de l'évaluation du risque des PE serait un vrai scandale et un déni de démocratie car c'est cette option que le Parlement européen et le Conseil avaient adoptée en 2009", souligne François Veillerette, Président de PAN Europe et porte-parole de l'ONG française Générations Futures.
Une consultation publique devrait être lancée dans le courant de l'année 2014.