"La stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) sera publiée à l'été 2018. Elle vise à réduire puis à stopper d'ici 2030 l'impact des importations françaises sur les phénomènes de déforestation, de dégradation des forêts tropicales, de conversion d'écosystèmes et de changement d'affectation des sols indirect." Telle est l'action n° 34 du plan biodiversité présenté par le gouvernement mercredi 4 juillet.
La veille, le ministère de la Transition écologique soumettait au public (1) le projet de stratégie (2) , qui avait été annoncé lors de la présentation du plan climat il y a un an. Il rappelle à cette occasion les enjeux liés à la déforestation : réduction de la superficie forestière mondiale d'une surface équivalente à celle de la Grèce entre 1990 et 2015, production agricole et élevage comme première cause de déforestation, responsabilité des pays européens dans plus du tiers de la déforestation.
Les types de production pointés du doigt sont variables selon les régions : l'élevage bovin et la production de soja en Amérique latine, les plantations de palmiers à huile en Asie du Sud-Est, le cacao en Afrique. "Les fronts de déforestation pour l'ensemble de ces productions s'étendent désormais à de nouvelles régions", relève toutefois le projet de stratégie. Selon une étude de la Commission européenne datant de 2013, le soja représentait 60% des importations de produits à risques, l'huile de palme 12% et le cacao 78%.
"Une prise de conscience collective"
Que prévoit la stratégie pour stopper la dégradation ? "Une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée constitue une prise de conscience collective qui insuffle une dynamique fédératrice des acteurs autour d'un même objectif. Celle-ci devrait faciliter, et doit accélérer, la mobilisation de l'Etat français et des parties prenantes pour parvenir à faire évoluer les approvisionnements des entreprises tout en restant dans le cadre d'un dialogue constructif et partenariat avec les pays producteurs", explique le document tout en diplomatie. Il faut dire que certains de ces pays producteurs, comme la Malaisie et l'Indonésie, ont menacé de mettre fin à leurs commandes militaires.
En d'autres termes, le gouvernement mise sur les engagements volontaires plutôt que sur des contraintes réglementaires ou fiscales. "La stratégie ne doit pas verser dans l'interdiction aveugle", avait prévenu Alexandra Bonnet du ministère de la Transition écologique lors d'une table ronde organisée fin mai à l'Assemblée nationale.
Dans le cadre du plan biodiversité, le gouvernement précise ses intentions : pousser les entreprises à intégrer dans leur démarche RSE un axe de lutte contre la déforestation et développer des indicateurs spécifiques aux approvisionnements "zéro déforestation", créer une plateforme publique/privée pour centraliser les engagements des acteurs et alerter de façon ciblée les entreprises responsables de la déforestation.
"Promesses de certifications controversées"
Cette démarche basée sur le volontariat pose question alors même que l'Etat ne donne pas l'exemple en la matière. Le 16 mai dernier, il donnait le feu vert à la bio-raffinerie Total de La Mède qui importera chaque année plus de 300.000 tonnes d'huile de palme. "Il s'agissait simplement de respecter l'engagement du gouvernement précédent vis-à-vis de Total. Il y avait des emplois à la clé. J'ai tout de même réussi à faire passer le tonnage d'importation d'huile de palme de 650 à 350", justifie Nicolas Hulot dans une interview accordée au Parisien.
Le ministre de la Transition écologique se félicite en revanche de l'accord européen intervenu le 14 juin qui a décidé d'un gel, puis d'une baisse progressive de la part des matières contribuant à la déforestation dans les biocarburants d'ici 2030. "Cette évolution est cent fois plus efficace que les manifestations qui ont eu lieu contre La Mède", juge le ministre.
Une explication qui est loin de satisfaire les associations qui ont décidé d'attaquer l'autorisation d'exploiter la bio-raffinerie devant le tribunal administratif. "Total a réussi à enfumer le gouvernement avec une étude d'impact environnemental tronquée et la promesse de certifications controversées. Loin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce projet va au contraire accélérer la déforestation et donc les changements climatiques", s'indigne Sylvain Angerand des Amis de la Terre