Mercredi 27 février 2012, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a présenté son bilan de l'assainissement et du démantèlement des installations nucléaires du centre CEA de Grenoble (Isère). "C'est la première grande opération de démantèlement à l'échelle d'un site qui s'achève", s'est félicité Philippe Guiberteau, directeur de l'assainissement et du démantèlement au CEA.
Décidé à la fin des années 1990, le démantèlement des six installations nucléaires de base (INB) grenobloises s'inscrit dans le cadre de la reconversion des activités de recherche installées sur les sites du CEA. L'objectif est de regrouper les activités nucléaires sur trois sites, Cadarache (Bouches-du-Rhône), Marcoule (Gard et Drôme) et Saclay (Essonne). Pour cela, il s'agit donc de "boucler le cycle nucléaire" c'est-à-dire faire la démonstration qu'il est possible de dénucléariser de façon satisfaisante un site afin de le réutiliser pour d'autres activités, explique Didier Bordet, directeur du CEA Grenoble.
Concernant le polygone scientifique de Grenoble, où sont situées les INB démantelées, il a vocation à se spécialiser dans la recherche industrielle publique et privée. Le CEA y a notamment implanté deux centres de recherche avec le laboratoire d'électronique et de technologies de l'information (Leti) et un complexe dédié aux micro et nanotechnologies (Minatech).
Jusqu'où décontaminer ?
Le site comprenait les réacteurs nucléaires de recherche Mélusine (8 mégawatts (MW), en activité de 1958 à 1988), Siloé (35 MW, 1963-1997) et Siloëtte (moins d'un kilowatt (kW), 1964-2002), le laboratoire d'analyse des matériaux actifs (Lama) et les deux INB constituant la station de traitement des effluents et déchets (Sted).
Aujourd'hui le démantèlement des installations est achevé. Ou presque, car il reste encore à démolir les bâtiments ayant accueilli Mélusine et Siloé et à réaliser l'assainissement final du Lama et des Sted. Des opérations qui devraient être achevées mi-2013, selon le Commissariat. Cette situation satisfait le CEA qui clôturera le dossier dans les délais. Le planning initial prévoyait un démantèlement des installations étalé de 2002 à 2015 et en 2004 une révision du planning prévoyait de ramener la fin de chantier à 2012.
Reste néanmoins un point dur : le radier du réacteur Siloé qui présente "de légers marquages radioactifs", indique Fréderic Tournebise, le responsable des opérations de démantèlement. En cause, une fuite d'eau intervenue en 1984 qui a entrainé en certains points une pollution radioactive de l'ordre de 20 becquerels par cm2. Si la fuite était connue, la pollution radioactive constitue une découverte inattendue qui a conduit l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à déclasser le réacteur à l'exception du radier.
Cette situation illustre l'un des dilemmes des démantèlements nucléaires : jusqu'à quel point convient-il de décontaminer les sites ? Un assainissement total évite le maintien de servitudes sur le terrain et permet donc de le réutiliser librement pour d'autres activités. En contrepartie, cela génère une importante production de déchets très faible activité (TFA). L'autre option consiste à maintenir sur le site certains bâtiments présentant une très faible radioactivité de surface. Si cette stratégie permet de réduire sensiblement le volume des déchets, elle limite les options de réutilisation du site.
8.000 tonnes de déchets TFA imprévus
S'agissant des déchets justement, l'ensemble des opérations a généré 8 tonnes de déchets à haute activité (HA), envoyés à Saclay et Cadarache
On mesure ici l'impact d'un démantèlement complet puisque les travaux du site grenoblois ont produit a eux seuls quasiment l'équivalent d'un an de capacité d'accueil de déchets TFA sur le site de Morvilliers. En cause, les demandes de l'ASN qui pour valider un déclassement sans servitude a demandé aux CEA des travaux supplémentaires à l'origine d'une production de déchets TFA supérieure de 30% à ce que le CEA avait anticipé, soit quelques 8.000 tonnes.
Le coût total de gestion des déchets est évalué à 22% du budget total de 300 millions d'euros, soit un peu plus de 65 millions.