L'efficacité de la photocatalyse (voir encart) est "non prouvée en conditions réelles d'utilisation (…) car dépendante de la concentration en polluants, de l'humidité, de l'intensité lumineuse, des variations de température comme du contact avec le catalyseur", a indiqué l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), mardi 9 septembre, en s'appuyant sur une fiche technique (1) rédigée en mai 2013. De plus, l'Ademe souligne qu'"il est difficile aujourd'hui de mesurer leurs effets sur la santé ainsi que leur consommation énergétique", compte tenu de l'absence de certification.
Un procédé vieux de 40 ans
La photocatalyse consiste à détruire des composés gazeux en les dégradant à la surface d'un catalyseur, rappelle l'Ademe. Ce procédé s'est développé au Japon dans les années 1970. Il a été appliqué dans les années 1990 dans le secteur industriel et pour des traitements en extérieur.
"En présence d'oxygène et de vapeur d'eau, le rayonnement ultra-violet qui active un matériau semi-conducteur permet aux molécules entrant en contact avec la surface réactive de se transformer en dioxyde de carbone et en vapeur d'eau", explique-t-elle, ajoutant que "cette technique permet d'éliminer les micro-organismes ou les odeurs mais également d'autres composés gazeux inorganiques comme les oxydes d'azote".
Deux familles de produits existent : des épurateurs d'air utilisés en intérieur, mobiles, fixes ou couplés au réseau de ventilation et des matériaux photoactifs utilisés comme revêtement pour le traitement de l'air intérieur ou extérieur.
De bons résultats expérimentaux
Actuellement, le marché de la construction représente près de 90% du marché mondial du traitement de l'air par photocatalyse, pour un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, dont "quelques centaines de millions pour l'Europe". Ce marché correspond principalement à la fourniture d'applications de dépollution de l'air extérieur. En effet, de nombreuses recherches en laboratoire confirment les propriétés dépolluantes de la technique, ce qui lui vaut de figurer parmi les techniques innovantes pour traiter les effluents industriels dans l'air.
Du côté des avantages, l'Ademe note que, "sous certaines conditions", la photocatalyse permet de traiter certains composés organiques volatils (COV) et les micro-organismes grâce à un effet germicide. "Les micro-organismes s'accrochent suffisamment longtemps à la surface du semi-conducteur pour que cela bloque leur reproduction (effet bactériostatique) ou les détruise (effet bactéricide)", détaille-t-elle. En extérieur, la photocatalyse traite surtout les COV, voire les oxydes d'azote (NOx). S'agissant des NOx, l'Ademe note que "des expérimentations, menées grandeur nature, sur des revêtements de bâtiment ou de route (…) ont montré une réduction des concentrations de NOx allant jusqu'à 40 à 57%,à proximité immédiate", mais "d'autres expérimentations ont été moins concluantes (…) en raison notamment d'une saturation trop rapide du semi-conducteur".
Trop de paramètres à prendre en compte
Cependant lorsqu'on passe aux études en conditions réelles, il est difficile de prouver l'efficacité du procédé. S'agissant de la dépollution de l'air intérieur, les quelques expérimentations menées sur les filtres catalytiques "ont montré de forts écarts de performances selon les mélanges de polluants employés et les débits d'air testés", rapporte l'agence. Celles menées sur des épurateurs d'air autonomes et des matériaux photoactifs "ont montré un abattement très faible des molécules chimiques". Sont notamment en cause, l'usure du photocataliseur et les écoulements d'air en intérieur qui ne permettent pas une adsorption suffisante des polluants. "Enfin, le processus de photocatalyse peut avoir des effets non désirés sur son environnement, en affectant par exemple les propriétés des peintures (résistance, texture…) par l'oxydation de leurs composés organiques", ajoute l'Ademe.
Selon l'Ademe, le nombre important des paramètres déterminant l'efficacité du procédé est en cause. La concentration du polluant, tout d'abord, ne doit pas dépasser certains seuils au-delà desquels la surface du photocatalyseur est saturée. Même chose pour l'humidité qui favorise la génération des radicaux libres qui dégradent le polluant, mais qui réduit aussi la fixation des polluants sur le catalyseur. La lumière est tout aussi essentielle, notamment la lumière UV indispensable à la photocatalyse. Mais là encore, les conditions varient trop selon l'heure, la latitude, l'orientation ou la nébulosité. Quant aux dispositifs en intérieur, il faut s'assurer qu'ils reçoivent suffisamment de lumière du jour ou bien installer des lampes UV, voire doper le semi-conducteur avec des métaux s'activant sans UV (les vitres bloquant les UV). Le contact avec le catalyseur pose aussi problème puisqu'il nécessite soit un débit d'air suffisant (pour les épurateurs), soit un contact réel (pour les revêtements dépolluants). Enfin, les variations de température peuvent impacter elles aussi l'efficacité directe des dispositifs.
Quid de l'impact sanitaire du TiO2 nanométrique
Par ailleurs, l'Ademe alerte sur la méconnaissance des effets sur la santé du dioxyde de titane (TiO2) nanométrique utilisé par la plupart des photocatalyseurs. Or, ce dernier est "classé par le Centre international pour la recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2007 comme « cancérogène possible pour l'homme »" et on ne connaît pas les éventuelles émissions de particules de TiO2 par les photocatalyseurs. De plus, "en cas de dégradation incomplète des polluants, la photocatalyse peut générer des composés appelés également sous-produits, nocifs pour la santé ou l'environnement, comme des cétones et des aldéhydes".
Finalement, "les consommateurs et maîtres d'ouvrage n'ont pour l'instant aucun moyen de connaître l'efficience réelle des appareils et matériaux proposés", estime l'agence, estimant qu'"il est donc nécessaire de mettre en place une norme pour vérifier la performance des systèmes épurateurs et matériaux en toutes circonstances, ainsi que leur innocuité". Dans sa note l'Ademe ne fait état que de l'existence de trois "normes expérimentales".