Quatre eurodéputés du groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE) ont annoncé, ce 1er juin, avoir saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour obliger l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) à publier les études sur lesquelles elle s'est fondée pour conclure, en novembre 2015, que le glyphosate "n'était probablement pas cancérigène pour l'Homme".
Les avis scientifiques divergent sur le rôle de la substance herbicide glyphosate dans l'apparition de cancers, alors que la Commission européenne a proposé, le 16 mai dernier, de renouveler son autorisation de mise sur le marché pour dix ans. La Commission s'est prononcée après avoir reçu le feu vert de l'Efsa mais aussi celui de l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) en mars 2017. Cette dernière a aussi estimé que les connaissances scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme substance cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR). En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) avait pourtant considéré cette substance comme probablement cancérogène pour l'Homme.
Il y a plus d'un an, suite aux conclusions opposées de l'Efsa et du Circ, les quatre eurodéputés Verts, dont la Française Michèle Rivasi, ont poussé l'Efsa à décider, fin septembre 2016, de communiquer les données brutes utilisées dans l'évaluation récente de la sécurité du glyphosate par l'UE. "Nous avons demandé à l'Efsa de nous donner l'accès aux études dont elle s'est servie, études tenues secrètes car fournies par les industries intéressées. Après une année de tractations intensives, l'Efsa ne nous a fourni qu'un accès partiel à ces études, omettant des informations clés comme la méthodologie ou les conditions d'expérimentations", a expliqué Mme Rivasi dans un communiqué.
La Convention d'Aarhus en appui
Selon l'AFP, la CJUE a confirmé avoir enregistré la plainte déposée le 24 mai. Les députés s'appuient, pour cette procédure, sur le règlement européen de septembre 2006 relatif à l'application aux institutions et organes de l'UE de la convention d'Aarhus. Ce règlement permet au public d'accéder à l'information et à la justice en matière d'environnement. Michèle Rivasi espère que cette saisine de la CJUE "aboutira in fine à une jurisprudence emblématique, qui à l'avenir incitera les agences européennes à privilégier la transparence au secret commercial dès qu'il s'agira d'évaluer scientifiquement des substances potentiellement néfastes pour la santé et l'environnement".
Les députés appellent aussi à modifier le règlement intérieur des agences européennes pour que celles-ci n'utilisent plus que les études appartenant au domaine public, comme le fait le Circ.
L'Anses prône l'open data industrielles
En juillet 2016, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait aussi pointé des données lacunaires sur l'impact des pesticides sur les travailleurs agricoles, utilisées lors de leur processus d'homologation précédant leur mise sur le marché. Ces données "sont pour la plupart la propriété des industriels qui les ont financées, elles ne sont pas accessibles et n'ont pas donné lieu à une validation scientifique par des pairs", avait critiqué l'Anses. Or, les exigences de confidentialité (données administratives, secret statistique...) pour les données de l'homologation "sont parfois interprétées de façon excessive, empêchant de traiter correctement les enjeux de santé publique", avait-elle alerté. L'Anses avait aussi appelé à rendre public "l'ensemble des données utilisées dans le processus d'évaluation" des pesticides (produits phytopharmaceutiques, biocides et médicaments vétérinaires) dans les procédures d'homologation.