"La France se fixe l'objectif d'atteindre, d'ici à 2050, la décarbonation complète du secteur des transports terrestres". Cette disposition a été introduite vendredi 17 mai dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) via un amendement déposé par le rapporteur LREM Jean-Luc Fugit.
Pour atteindre cet objectif, le texte, voté en commission du développement durable, fixe deux objectifs intermédiaires. D'abord, une baisse de 37,5 % des émissions de CO2 des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles (essence, diesel, gaz naturel) d'ici 2030. Puis la fin de la vente de ces véhicules d'ici à 2040. Le texte prévoit une évaluation, tous les cinq ans, de la mise en œuvre de ces objectifs par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opesct), qui donnera lieu à un débat au Parlement.
Si plusieurs pays européens se sont positionnés dans le sens d'une interdiction des véhicules thermiques, "la France serait le premier à l'inscrire dans la loi", a plaidé avec succès M. Fugit.
"Etape historique"
La ministre des Transports, Elisabeth Borne, se félicite de cette "étape historique" qui permet de graver dans la loi un des objectifs du plan climat présenté par Nicolas Hulot en juillet 2017. Bien qu'inscrit dans ce plan, le gouvernement n'avait pas souhaité intégrer cet objectif dans le projet de loi initial. "C'est le même scénario que pour le glyphosate", s'était alors indigné le sénateur Ronan Dantec (RDSE). Une ouverture du gouvernement avait toutefois été perçue lors de la discussion d'un amendement intégrant cet objectif lors de la lecture du texte au Sénat en mars dernier.
"Les objectifs de l'amendement sont cohérents avec la PPE, le contrat stratégique de filière de l'automobile (…). Ils sont dans l'exposé des motifs de la loi. Les inscrire dans la loi serait un geste fort", avait admis Elisabeth Borne tout en s'en remettant à la sagesse du Sénat. Mais la chambre haute avait repoussé l'amendement, arguant notamment de notre dépendance à la Chine pour la production des batteries équipant les véhicules électriques.
L'Opesct avait pourtant considéré dans un rapport présenté le 20 mars que cet objectif était réalisable pour les véhicules particuliers même s'il estimait son coût à 500 milliards d'euros. Outre le coût lié au développement des bornes et stations nécessaires au développement des véhicules électriques et à hydrogène, l'office parlementaire avait pointé le manque à gagner fiscal pour l'Etat du fait de la disparition de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
"Trop tard pour limiter la hausse des températures"
Economiquement et techniquement, l'objectif peut sembler ambitieux puisque les véhicules utilisant de l'énergie fossile représentent aujourd'hui 98,5 % des ventes. Si l'objectif paraît audacieux, "il est néanmoins possible (et nécessaire), ainsi que le montrent notamment les prévisions des constructeurs, qui envisagent une fin de commercialisation des ventes de véhicules exclusivement diesel et essence au début des années 2030", a fait valoir Jean-Luc Fugit. La France vient en outre de lancer avec l'Allemagne un "airbus de la batterie" visant à développer une filière industrielle européenne, pour laquelle les deux partenaires ont annoncé un investissement de 5 à 6 milliards d'euros.
Du point de vue environnemental en revanche, l'objectif à 2040 n'est pas suffisamment ambitieux. "Trop tard pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C", déplore le Réseau Action Climat (RAC), estimant que cette échéance devrait être avancée à 2030 pour être au plus proche de l'objectif fixé par l'Accord de Paris. "Rendez-vous en séance", lance le député Matthieu Orphelin, qui souligne la nécessité de davantage accompagner les entreprises, les territoires et les salariés dans cette révolution.
Les députés ont en effet l'occasion de se pencher de nouveau sur cette disposition à l'occasion de la discussion du texte en séance publique qui doit débuter le 3 juin.