« Il y a déjà eu plusieurs vagues d'enthousiasme pour l'hydrogène dans le passé, mais la dynamique est très importante aujourd'hui », relève Franz Lahaie, chargé de mission hydrogène à l'Ineris, à l'occasion d'un webinaire organisé, le 21 juin dernier, par France Nature Environnement (FNE). Ce qui justifie de se pencher sur la question des risques technologiques que peut présenter la filière.
« L'hydrogène présente des risques, mais aussi des vertus », rappelle le docteur en géosciences. Il n'est pas toxique, il est très léger, ce qui permet sa dispersion rapide dans l'air, et sa flamme est peu rayonnante, ce qui limite les risques de propagation du feu. Côté risques, il est facilement inflammable ; une très faible énergie comme l'électricité statique d'un vêtement suffit à l'enflammer ; les flammes transitent très rapidement, d'où un risque d'explosion ; il peut fuir à travers plusieurs types de matériaux du fait de la petite taille de sa molécule ; il est invisible, inodore et sa flamme est peu visible à la lumière du jour. De plus, étant très peu dense, il doit être comprimé à très forte pression, jusqu'à 1 000 bars, pour être stocké et transporté.
« Mais ces risques peuvent être maîtrisés, comme l'ont montré plusieurs décennies d'utilisation de ce gaz dans l'industrie », explique Franz Lahaie. Les consignes de sécurité sont les suivantes : limiter les quantités, éviter les zones confinées, définir des zones Atex (1) , éviter toute source d'inflammation et réduire l'encombrement dans ces zones, mettre en place des systèmes de détection de fuites ou de flammes, prévoir des barrières passives, former le personnel, sans oublier d'intégrer le retour d'expérience (REX) sur les accidents.
Augmentation mécanique des risques
Les risques vont toutefois changer avec le développement de la filière de l'hydrogène décarboné. Alors que la quasi-totalité de ce gaz était produite à partir de sources fossiles, de nouveaux procédés de production se développent à partir d'énergies renouvelables, de nucléaire, de biomasse, d'hydrogène naturel ou encore d'algues. Le stockage peut se faire sous l'état gazeux, liquide ou solide, en réservoirs ou en cavités. Le transport est diversifié, par trains, par bateaux ou par canalisations, et peut se faire aussi sous forme d'ammoniac ou d'e-carburants. Les utilisations sont également diversifiées : pour le transport, pour des usages domestiques (chauffage, électricité) ou pour des usages temporaires tels que des chantiers ou de l'événementiel.
La maîtrise des nouveaux enjeux passe également par la sécurisation en amont des systèmes mis sur le marché, explique Franz Lahaie. C'est-à-dire par l'adaptation des normes et le développement d'un schéma de certification propre à l'hydrogène.
Étude de dangers générique
« Les systèmes utilisant l'hydrogène sont de plus en plus déployés sur le territoire, avec des activités autour », relève le représentant de l'Ineris. « Il s'agit de s'assurer de la bonne maîtrise des risques, en particulier à travers l'étude de dangers », ajoute-t-il. Ce qui nécessite de travailler sur la composante probabilité, alors qu'il existe très peu de retours d'expérience en environnement réel. Une explosion d'hydrogène (2) est toutefois survenue dans une station-service norvégienne, le 10 juin 2019, mais la source d'ignition du nuage d'hydrogène et d'air qui a explosé reste incertaine. L'hypothèse d'un frottement sur les gravillons de la plateforme a été avancée.
Hydrogène et réglementation ICPE
Les activités de fabrication (rubrique 3420 - autorisation), stockage (rubrique 4715 - déclaration ou autorisation) et utilisation (rubrique 1416 – déclaration avec contrôle périodique) d'hydrogène sont visées par la réglementation des installations classées. La fabrication relève également de la directive IED sauf si le procédé ne rejette que de l'oxygène. Les stockages de grosses capacités peuvent, quant à eux, relever de la directive Seveso.
Les autres enjeux de sécurité reposent sur la sécurisation des nouveaux procédés de production, de transport, de distribution ou d'usages de l'hydrogène, qu'il soit sous forme liquide ou solide, ou qu'il prenne la forme d'autres molécules (ammoniac, méthanol). Il est aussi nécessaire d'adapter les infrastructures de mobilité à l'arrivée de cette nouvelle source d'énergie, qu'il s'agisse de tunnels, de parkings souterrains, de ports ou d'aéroports.
« FNE, pour sa part, restera vigilante vis-à-vis d'un développement effréné de l'hydrogène décarboné, qui présente, en effet, des risques liés aux process industriels, des impacts environnementaux potentiels… Les projets devront faire l'objet d'une information précise auprès des riverains afin qu'ils se développent dans la sérénité », prévient Ginette Vastel, pilote du réseau risques et impacts industriels de la fédération d'associations de protection de l'environnement.