"Le principal frein au développement du vélo reste politique, a assuré Véronique Michaud, secrétaire générale du Club des villes et territoires cyclables, le plan national vélo présenté en 2012 n'est qu'une feuille de route : il ne présente pas de moyens d'actions pour atteindre ses objectifs". Dans un contexte de bilan des mandats 2008-2014, le Club s'est donc penché sur les outils d'évaluation des projets de mobilité active, lors de sa rencontre nationale, mardi 19 mars.
Evaluer la politique cyclable
L'audit "Bypad" (bicycle Policy Audit) a ainsi été présenté à travers le retour d'expérience de Chambéry Métropole. Aujourd'hui, trois agglomérations l'ont testées : Chambéry, Grenoble et Annecy. Lille devrait également la mettre en œuvre.
Cette méthode transpose les principes du management de la qualité au champ de la politique cyclable. L'évaluation est réalisée à la fois par les élus, les techniciens et les usagers. Ces derniers remplissent un questionnaire qui recouvre les 9 modules de l'outil : les besoins des usagers, la responsabilité et la coordination, la politique dans les textes, le personnel et les moyens, les infrastructures et la sécurité, l'information et l'éducation, la promotion et les partenariats, les actions complémentaires et enfin le suivi ainsi que les impacts. Chaque thématique est pondérée par rapport aux autres. Ainsi à Chambéry, la planification pèse pour 35% dans l'évaluation, les actions 60% et le suivi 5%.
Lors d'une réunion de concertation, les différents intervenants ajustent ensuite leurs divergences d'appréciation et tentent de dégager une vision consensuelle. A l'issue, le coordinateur de la démarche propose un plan d'action qui sera également discuté lors d'une seconde réunion de concertation. Celui-ci débouche ensuite sur une certification Bypad.
"Nous avons organisé un velo-forum en septembre 2010 pour présenter les premiers résultats et échanger avec les habitants de l'agglomération", explique Henri Dupassieux, vice-président chargé du développement durable. Pour lui, l'exercice permet de réaliser un suivi de l'évolution dans le temps et de donner de la visibilité sur les points forts et faibles de la politique. Au final, cette évaluation permettra de dégager les priorités pour la politique cyclable et consolider le dialogue entre les différents acteurs. "Comme les notes sont attribuées par des évaluateurs locaux, les comparaisons entre villes sont difficiles", pointe-t-il.
Quelle pratique du vélo?
"Pour évaluer la pratique du vélo, le comptage automatique est le seul outil fiable, assure Emmanuel Roche, responsable vélo, Chambéry Métropole, il est intéressant cependant de réaliser un comptage ponctuel pour redresser certains résultats". L'estimation de la fréquentation ne doit également pas être déconnectée des prévisions météo.
Le technicien conseille également d'initier des enquêtes qualitatives des cyclistes (disposent-ils d'un permis voiture, quel âge ont-ils, etc.). "Il faut faire un lien entre le nombre de cyclistes qui passent devant le compteur et ceux présents dans le volume", détaille t-il.
Concernant les indicateurs pour le suivi des actions mises en œuvre, il préconise des critères qui sont exprimables sous forme de valeur numérique, facilement disponibles et pérennes. Ils devront être mis à jour aussi régulièrement que le bilan de la politique cyclable, selon lui.
"Pour faciliter les comparaisons avec les autres collectivités, nous avons intérêt à choisir les mêmes indicateurs et méthodes de calcul", estime t-il. Ces derniers se déclinent en une large palette : typologie des aménagements, des voiries, nombre et type de stationnement, des services vélos, personnes touchées par les animations, etc.
Par ailleurs, pour évaluer l'accidentologie, les collectivités peuvent recourir à une analyse des bulletins d'analyse d'accident corporel (BAAC) (nombre de victimes, localisations, etc.) et une étude des scénarios d'accidents grâce aux procès-verbaux. L'observatoire de l'accidentologie de l'agglomération de Grenoble montre ainsi que le principal scénario à l'origine d'accident (17%) est lorsqu'un automobiliste qui tourne à gauche ne voit pas un vélo qui se dirige tout droit. Globalement, la majorité de la cause des accidents semblerait toutefois incomber à une faute des cyclistes.
Organiser le réseau cyclable
Cette journée fût aussi l'occasion de présenter des outils de planification et notamment le schéma directeur cyclable. "Il permet de construire un réseau qui donne envie de faire du vélo car continu, cohérent et maillé", pointe Thomas Jouannot, chargé d'étude au Certu. Pour lui, l'aménagement cyclable de Strasbourg s'avère un bon exemple car il permet des trajets directs et sécurisés. "Il faut acquérir une vision d'ensemble sur le réseau existant ou celui à construire de manière pluriannuelle", souligne t-il.
Pour lui, l'analyse des tronçons existants se réalise à vélo avec un GPS et une caméra embarquée. Ils devront être notamment complétés d'une analyse des coupures, d'un recensement des besoins existants (enquêtes, micro-trottoir, etc.) ainsi qu'une analyse de la structure du déplacement. Ainsi, en milieu rural, 55% des déplacements comprennent moins de 5km alors qu'ils représentent 43% en péri-urbain, selon le chargé d'étude au Certu.
La politique de développement des cycles doit également prendre en compte les autres modes de déplacement."Au Pays-bas, l'efficacité du réseau est lié à la manière de penser la place de la voiture", complète Thomas Jouannot.
L'enquête nationale sur l'autopartage montre également, que cette pratique peut jouer un rôle de déclencheur de mobilités alternatives (train, transports en commun, marche, vélo).
Le schéma cyclable doit s'insérer dans une démarche plus large : le plan ou la charte cyclable qui fixe les grandes orientations. "Cet outil donne un cap mais ne doit pas empêcher d'avoir des actions directes au cour de son élaboration", considère t-il. Par exemple, mettre un double sens vélo dans un sens unique voiture ou un sas vélo dans un carrefour à feu.