
Ces avantages expliquent sans doute les dernières statistiques de l'AIE présentées en novembre dernier dans son rapport World Energy Outlook 2007. Selon l'agence, la consommation de charbon pourrait augmenter de 73% entre 2005 et 2030 si rien n'est fait pour maîtriser la consommation mondiale d'énergie. Les énergéticiens européens, américains et asiatiques ont tous dans leurs tiroirs plusieurs projets même si l'opinion publique est très souvent défavorable à ce type d'installation notamment en France et aux Etats-Unis. Globalement, la hausse de la production de charbon sera principalement due aux pays émergents dont la Chine et l'Inde qui en quelques années sont passés du statut d'exportateur de charbon à celui d'importateur. La Chine utilise déjà à lui seul plus de 38% de la totalité du charbon produit au niveau mondial et envisage la construction de nouvelles centrales à charbon. Elle prévoit d'augmenter sa capacité de production de 620 GW actuellement à 1.700 GW en 2030 et 70% des nouvelles installations fonctionneront au charbon. Pour Claude Mandil, il est clair que ses nouvelles installations correspondent aux émissions de gaz à effet de serre des 50 prochaines années.
Car c'est bien là que le bât blesse. De par sa forte teneur en carbone, le charbon est la source fossile la plus polluante en matière de gaz à effet de serre notamment. Alors qu'en 2006 la part du charbon dans l'offre d'énergie primaire mondiale était de 24,4 %, contre 34,4 % pour le pétrole, sa part dans les émissions de CO2 était presque identique : 38,4 % pour le charbon contre 40,8% pour le pétrole. Son retour dans le mix énergétique mondial fait donc craindre un échec des politiques de lutte contre le changement climatique. L'AIE estime même que les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l'énergie augmenteront de 57% d'ici à 2030 en passant de 27 milliards de tonnes en 2005 à 42 milliards de tonnes en 2030. Or, Claude Mandil rappelle que le GIEC recommande de maintenir les concentrations de CO2 dans l'atmosphère à 450 ppm ce qui, selon lui, équivaut à réduire chaque année les émissions de CO2 d'un milliard de tonnes pendant 30 ans. Sachant que ce milliard de tonne de CO2 est rejeté par seulement 300 centrales à charbon de 500 MW, le défi est extrêmement ambitieux, estime Claude Mandil. À ces yeux, il faut donc agir tout de suite.
Mais il n'y a pas de « solution miracle ». Toutes les solutions seront nécessaires, explique Claude Mandil qui préconise fortement d'augmenter l'efficacité énergétique et de développer la technologie de Capture et de Stockage du CO2 (CCS). Mais l'ancien directeur de l'AIE craint la réaction des populations et recommande de développer l'information et de faire preuve de transparence sur cette nouvelle technologie. Pour Gérard Mestrallet, les préoccupations sont plus techniques : l'amélioration des technologies actuelles pourrait augmenter le rendement de 45% à 55% mais la mise en œuvre d'une technologie CCS sur une centrale abaisserait ce rendement de 25% et augmenterait les coûts de 25%. Philippe Paelinck, directeur CO2 produit chez d'Alstom soulève un autre problème : plus de la moitié des dernières centrales construites récemment ne sont pas conçues pour recevoir une installation de CCS, explique-t-il.
De toute façon, il est nécessaire de rappeler que la technologie du CCS ne pourra être déployée industriellement qu'à partir de 2020. En attendant, les centrales à charbon se multiplient, sans parler des autres usages. Outre la production d'électricité, le charbon peut également être utilisé pour fabriquer de l'hydrogène, du méthane, des oléfines et des carburants liquides. Et dans tous les cas les émissions de CO2 sont inévitables.