
Si le sujet éveille tant les passions, c'est que les choix de diversification du bouquet énergétique français impliquent notre pays à long terme. Les décisions d'aujourd'hui créeront le contexte énergétique de demain. Un choix qui s'avère complexe au moment où changement climatique, indépendance énergétique et épuisement des ressources pèsent de plus en plus lourd dans la balance. L'actuel contexte économique international fait également partie des préoccupations. Le développement des énergies renouvelables implique l'avenir énergétique du pays mais induit aussi des choix industriels qui feront de la France la locomotive ou le wagon de demain.
C'est pourquoi l'Académie des technologies a souhaité mener une réflexion « objective » autour des énergies renouvelables. Nous connaissons les avantages et les inconvénients intrinsèques aux EnR, analyse François Guinot, l'actuel président de cet établissement public national. Si la science est universelle, les technologies ont quant à elles un lien étroit avec les conditions socio économiques où elles sont déployées. D'où une nécessaire prudence…
Si l'institution, à travers son expertise, ne prétend pas détenir les réponses définitives, celle-ci souhaite néanmoins apporter un éclairage sur les choix à venir tant au plan national qu'européen. Les débats sur les EnR s'apparentent parfois à la résolution d'une équation à plusieurs inconnues…
Coût des EnR : le nucléaire comme référence ?
Aborder la question du déploiement des énergies renouvelables et de la diversification du bouquet énergétique implique de se pencher sur le contexte énergétique actuel. Or dans ce domaine, la France est dans une situation plutôt atypique par rapport aux autres pays. Le nucléaire est en effet prédominant dans la production d'électricité nationale, avec près de 80 % de la production totale. La part importante de l'atome dans le mix énergétique français influence donc les choix à venir.
La situation énergétique française a longtemps freiné et pourrait encore réfréner le déploiement des énergies renouvelables. Energie faiblement carbonée, le nucléaire permet en effet à la France de se placer en tête de liste des pays européens les moins émetteurs de CO2, avec 6,2 tonnes de CO2 par habitant contre 8,4 en moyenne pour l'Union européenne des 25, 9,9 pour l'Allemagne et 9,2 pour le Royaume-Uni. Un argument qui ne fait pas le poids selon les détracteurs du nucléaire qui dénoncent le risque d'accident nucléaire et la question des déchets radioactifs.
De plus, un kilowattheure nucléaire coûte actuellement moins cher qu'un kilowattheure issu de centrales thermiques ou d'origine renouvelable. Le coût de développement des nouvelles technologies fait que l'énergie qui vient de ces technologies est plus chère que celle des énergies traditionnelles, analyse Yves Maigne, directeur de la fondation Energies pour le monde et membre de l'Académie des technologies. Il faut mettre en place des incitations financières, comme par exemple un tarif d'achat avantageux. De nombreuses études se basent sur ce comparatif de coût avec le nucléaire et avancent qu'un investissement massif dans les EnR ne serait pas rentable. Mais qu'en est-il vraiment des subventions directes ou indirectes à l'industrie nucléaire ? Faut-il baser les calculs sur la question de la concurrence du nucléaire ? C'est la question que pose de nombreux observateurs.
Des technologies nouvelles encore en développement
Relativement jeunes, les énergies renouvelables n'ont connu un fort développement que récemment. De nombreuses technologies sont donc encore au stade de développement afin d'accroître les rendements. La recherche sur le solaire photovoltaïque, marché qui a connu de grandes évolutions ces deux dernières années, s'est intensifiée afin d'accroître l'efficience des différentes technologies associées, qui affichent actuellement un rendement de 10 à 15 %. Beaucoup d'espoir reposent également sur les agrocarburants de deuxième génération, actuellement à l'étude, et qui ne pourront être disponible qu'à partir de 2015. Les incertitudes sur l'efficience future de ces technologies augmentent les difficultés de projection et donc la décision. Les investissements sont très importants, en particulier pour les agrocarburants, et nombreux sont ceux qui soulèvent la question du risque financier.
La question de l'adaptabilité des EnR
Energies intermittentes, délocalisées… les EnR ne sont pas forcément adaptées au schéma énergétique actuel français. Les problèmes de stabilité, d'accès au réseau, de transport constituent aujourd'hui une barrière à leur développement. Il y a deux aspects à prendre en compte, note Dominique Chauvin, conseiller développement durable chez Total : le développement du produit et les infrastructures qui vont le soutenir. Or, avec l'augmentation du volume des EnR, arrive la nécessité d'investir dans les infrastructures. Une vision prospective économique veut qu'on investisse dans les filières qui bénéficient d'ores et déjà du capital. Bruno Jarry, conseiller du président de l'Institut Curie et consultant, confirme : aux Etats-Unis, bien que la production d'alcool se soit développée de façon importante, la filière a du mal à se déployer. Se posent les questions d'acheminement de l'alcool vers la pompe et de l'adaptabilité des voitures à ce carburant.
Faire de la France un leader des EnR
Quand on réfléchit sur l'avenir, on ne réfléchit pas en terme de retour financier immédiat. Sinon on n'aurait jamais fait le TGV ! lance en guise de conclusion Daniel Lincot, directeur de recherche au CNRS, qui lui parie sur l'avenir des énergies renouvelables dans le mix énergétique Français.