En conditions réelles, les émissions polluantes des voitures dépassent les niveaux règlementaires vérifiés lors de tests d'homologation sur banc d'essai. Le problème est bien connu, mais le ministère de l'Environnement a apporté de nouvelles précisions jeudi 6 avril en publiant les premiers résultats des tests français sur route. Pour la norme Euro 6, les dépassements du seuil règlementaire d'émission d'oxydes d'azote (NOx) sont systématiques et de grande ampleur, nous apprennent les mesures effectuées par la commission ad hoc. Un constat qui "fait tousser" France Nature Environnement (FNE).
Pour rappel, suite au "dieselgate", le ministère de l'Environnement a créé une commission technique indépendante de contrôle des émissions polluantes des véhicules chargée de mesurer les émissions polluantes de 100 véhicules. Elle regroupe des parlementaires, des associations de consommateurs, des ONG environnementales, les services des ministères de l'Environnement, de l'Industrie et de l'Economie, ainsi que diverses organisations et établissements publics spécialisés. Les tests portent en particulier sur les émissions de NOx de 100 véhicules diesel choisis de façon aléatoire sur le marché automobile français et représentatifs des parts de marché des constructeurs. Par ailleurs, la commission organise des auditions des constructeurs.
Le premier (le test D1) conserve le cycle d'essai sur banc utilisé pour l'homologation, mais modifie la position du capot, ajoute la mobilité des roues non-motrices tournent et incorpore le passage de la marche arrière. Ces modifications permettent de déceler les dispositifs d'invalidation qui activent les fonctions de dépollution des véhicules lorsqu'ils détectent qu'ils sont en cours d'essais.
Le deuxième test (D2) modifie le début du cycle d'essai sur banc et reprend la partie extra-urbaine du cycle. Là encore, l'objectif est de détecter la présence éventuelle de dispositifs truqueurs.
Enfin, les essais sur piste (D3) reproduisent le cycle d'homologation sur une route avec un véhicule équipé d'un appareil embarqué qui mesure directement ses émissions.
Le premier bilan dressé par le ministère de l'Environnement concerne les tests effectués sur les 52 premiers véhicules de quinze marques différentes, dont douze Renault, neuf Peugeot, six Citroën et cinq Volkswagen.
Les résultats les plus inquiétants concernent les tests sur piste (D3). Pour ce test, la contrainte a été très largement desserrée puisque les émissions ne sont qualifiées d'anormales que lorsqu'elles dépassent de plus de cinq fois les émissions de la norme. Malgré cet assouplissement, "les résultats obtenus montrent qu'une majorité des véhicules Euro 6 testés dépassent de plus de cinq fois leur limite d'émissions (80 mg/km) dont certains, bien au-delà". Plus précisément, treize véhicules sur 23 affichent des émissions de NOx plus de cinq fois supérieures au seuil règlementaire et quatre d'entre eux atteignent, ou dépassent, un niveau dix fois supérieur. Quant aux véhicules Euro 5 "certains" présentent des dépassements. En l'occurrence, huit dépassent de cinq fois le seuil règlementaire.
En terme de technologie, les véhicules Euro 6 dépassant le moins la norme d'émission de NOx lors du test sur route sont ceux combinant la recirculation des gaz d'échappement (EGR) et un traitement en continu des NOx (SCR). Sur dix véhicules testés, quatre affichent des dépassements qualifiés d'anormaux par le ministère. L'ajout d'un dispositif de piégeage et stockage des NOx (NOx Trap) semble être plus performant puisque aucun véhicule testé n'affiche de dépassement supérieur à cinq fois la norme d'émission. Toutefois, pour l'instant, seuls deux véhicules équipés de ce triple dispositif ont été testés.
Jusqu'à trois fois le seuil règlementaire sur banc d'essai
Les tests sur banc d'essais sont moins mauvais, même si des dépassements importants sont enregistrés pour certains véhicules. Le ministère indique que douze véhicules (principalement des Euro 6) dépassent de plus de 10% les normes autorisées lors du test D1, le test le plus proche des conditions d'homologation. Toutefois, ce test montre tout de même des émissions importantes : trois véhicules émettent plus de 200 mg de NOx par km (pour un seuil règlementaire à 80 mg/km), l'un de ces trois émettant environ 300 mg/km, soit plus de trois fois la norme. "Les constructeurs concernés ont été invités à fournir des explications sur les causes de ces dépassements aux membres de la commission indépendante", indique le ministère.
Concernant le test D2, qui modifie le cycle urbain du test officiel, quatorze véhicules testés ont obtenu des résultats jugés anormaux, c'est-à-dire dont le rapport entre les essais D1 et D2 dépasse un coefficient de 1,5. Parmi ceux-ci, "deux modèles du groupe Volkswagen dépassent largement l'écart jugé acceptable". Une autre marque, non nommée, affiche des résultats tout aussi mauvais, puisque les résultats présentés par le ministère font ressortir que les résultats de trois véhicules affichent un rapport entre les essais D1 et D2 supérieur à un coefficient de 3. Là encore, les constructeurs devront fournir des explications à la commission.
Ces dépassements sont-ils intentionnels ?
Ces résultats sont "totalement inacceptables", explique FNE. Le résumé de l'association, qui participe à la commission, est sans appel : les résultats des tests font apparaître des niveaux d'émissions de NOx "entre deux fois [la valeur règlementaires] pour les moins pires et dix fois plus pour les mauvais élèves". L'ONG pointe en particulier Renault qui a annoncé qu'il aurait pu réduire la pollution de ses voitures sans nuire à la performance du moteur et sans surconsommation. "C'est vraiment à se demander pourquoi ils ne l'ont pas fait jusque là ? Les dépassements sont-ils intentionnels, ont-ils été orchestrés ?", interroge la fédération, qui appelle à poursuivre les investigations "pour expliquer sans ambigüité pourquoi les systèmes de dépollution sont défaillants en mode d'utilisation normale".
Par ailleurs, le ministère envisage de donner des suites judiciaires "appropriées" aux dépassements constatés. Dès maintenant, FNE réclame qu'il saisisse la justice.