L'Ifpen a étudié le comportement des systèmes de dépollution de dix voitures. Les constructeurs ont tendance à les paramétrer de sorte à assurer un fonctionnement optimal lors des cycles d'homologation.
Vendredi 5 mai, le ministère de l'Environnement a publié le rapport relatif aux contrôles complémentaires des émissions de polluants atmosphériques. L'étude de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen) montre que la plupart des dispositifs de dépollution des voitures testées ne fonctionnent à plein rendement que sur des plages limitées d'utilisation du véhicule. Conséquence de cette optimisation : les voitures ont tendance à polluer plus lorsque leur utilisation diffère de celle retenue pour les tests d'homologation.
Des logiciels truqueurs ?
Pour déceler la présence de logiciels truqueurs, l'Ifpen a réalisé un test reprenant les caractéristiques du protocole d'homologation à quelques nuances prés. Les résultats des tests effectués sur l'Audi A1 et la VW Polo "[semblent] montrer la présence d'un logiciel comparant la trace de vitesse avec celle du cycle d'homologation, et opère une commutation de calibration [du dispositif de dépollution]". En clair, un logiciel semble améliorer la performance du système de dépollution lorsque ces voitures effectuent le test d'homologation. En revanche, l'Ifpen indique "qu'il n'y a pas de reconnaissance de cycle" sur la Peugeot 5008. A noter que trois véhicules n'ont pas subi le test visant à détecter la présence de logiciels truqueurs : l'Audi Q3 (groupe Volkswagen) et les Renault Captur et Clio.
L'expertise de l'Ifpen porte sur dix voitures sélectionnées parmi les 86 testées pour la
commission technique indépendante. Sept d'entre elles sont fabriquées par les quatre constructeurs qui font l'objet d'une information judiciaire pour tromperie : trois voitures du groupe
Volkswagen (Audi A1, Audi Q3 et VW Polo), deux
Renault (Capture et Clio), une
Fiat (Fiat 500X) et une du
groupe PSA (Peugeot 5008). L'Ifpen a refait les tests réalisés pour la commission avec une instrumentation supplémentaire pour tenter d'expliquer les dépassements d'émissions polluantes, notamment en enregistrant le comportement des dispositifs de dépollution.
Réduction de la dépollution à la source lorsque le moteur est chaud
L'ensemble des véhicules vendus entre janvier 2011 et septembre 2015 (Euro 5) sont équipés de systèmes de recirculation des gaz d'échappement (dit EGR pour Exhaust Gaz Recirculation). Ces dispositifs ont notamment pour effets négatifs une hausse de la consommation et une hausse de production de particules. Les constructeurs ont donc tendance à les calibrer de sorte à réduire le plus possible les émissions d'oxydes d'azote (NOx) lorsque le moteur est froid (30 premières minutes). En revanche, une fois le moteur chaud, les réglages privilégient la consommation au détriment des émissions de NOx. "L'argument principal invoqué par les constructeurs (…) est que pour le début du parcours, un réglage bas NOx est privilégié pour répondre à des exigences « plus urbaines »", explique l'Ifpen. Passé ces 30 premières minutes, "statistiquement le véhicule ne serait plus dans un environnement fortement urbain".
Au cours des tests, l'Ifpen a constaté que "pour l'ensemble de ces véhicules, les émissions de NOx sur la partie extra-urbaine du cycle augmentent fortement". Mais tous les constructeurs ne voient pas leurs émissions augmenter dans les mêmes proportions. La VW Polo et la Peugeot 5008 affichent des émissions de NOx qui respectent encore le seuil réglementaire (180 mg/km). En revanche, la Renault Clio et l'Audi Q3 atteignent des niveaux de l'ordre de 350 mg/km. Quant à l'Audi A1, elle émet environ 500 mg d'oxydes d'azote par km… Pour ces trois véhicules, l'Ifpen constate que les constructeurs ont choisi de réduire l'usage de l'ERG sur la partie extra-urbaine du cycle, voire de le désactiver dans certaines circonstances (certaines accélérations en particulier).
Les pièges à NOx se saturent
Avec l'abaissement du seuil réglementaire d'émissions de NOx de 180 à 80 mg/km, la plupart des véhicules immatriculés depuis septembre 2015 (Euro 6) ont dû être équipés de système de post-traitement des oxydes d'azote. Deux dispositifs existent : le piégeage des NOx (NOxTrap) et la réduction catalytique sélective (SCR). Ces technologies complètent la dépollution à la source déjà utilisée sur les véhicules Euro 5. Certains constructeurs, comme Ford, associent parfois les trois systèmes.
Les résultats des tests montrent que les trois véhicules équipés de piège à NOx ont les plus mauvaises performances : le Renault Captur, l'Opel Astra et la Fiat 500X affichent des émissions comprises entre 1,8 et 2,2 fois le seuil règlementaire lorsqu'on modifie très légèrement le test d'homologation. Ces résultats traduisent la forte sensibilité de cette technologie au niveau de saturation du piège à NOx. De manière générale, l'Ifpen constate que les voitures équipées d'un piège à NOx sont "pré-conditionnées" pour le purger plus fréquemment lors du cycle d'homologation. Lorsqu'elles effectuent un cycle différent, les purges sont moins fréquentes et le dispositif perd en efficacité.
"Sur le pré-conditionnement de l'homologation, le nombre (cinq) et la durée (18 secondes sur les trois paliers à 100 km/h) des purges assurent un NOxTrap peu chargé avant le cycle d'homologation", détaille l'Ifpen au sujet du Renault Captur. En revanche, les purges sont nettement moins nombreuses (une) et incomplètes lorsqu'on change de test d'homologation. "Les réponses apportées par Renault sur l'origine des anomalies détectées ont été jugées incomplètes par certains membres de la commission", précise le rapport.
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Note Télécharger le rapport de l'Ifpen Plus d'infosArticle publié le 10 mai 2017