Vendredi 14 octobre 2011, le WWF France a publié le résultat d'"une enquête approfondie du dispositif français d'analyse de la qualité des eaux souterraines et de surface ainsi que de l'exploitation qui en est faite dans les rapports officiels". Ce travail de trois ans dresse un bilan "accablant", indique la fondation, précisant que "les protocoles de mesure de la qualité de l'eau ont, à plusieurs reprises, été profondément édulcorés depuis une dizaine d'années [et ils] sont entachés de nombreux biais qui conduisent à sous-estimer très gravement l'ampleur de la pollution".
Le rapport "l'état des eaux, derrière une information officielle déficiente, des évaluations et des données inquiétantes" présente des extraits d'une enquête réalisée par Anne Spiteri, spécialiste de l'eau et ancienne responsable police de l'eau à la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) de Bordeaux. L'étude se base sur "une exploitation rigoureuse" des données publiques de 2007 centralisée sur un site Internet édité par Anne Spiteri avec l'aide de l'ONG.
Trois biais
En premier lieu, le WWF France juge que le nombre de substances toxiques recherchées dans l'eau souffre d'une "dramatique insuffisance". La directive cadre sur l'eau (DCE) "n'inclut qu'un très petit nombre de substances (41 substances prioritaires)", estime le WWF France ajoutant que par ailleurs, elle "ne tient pas compte des cumuls de contaminations (effets cocktails)".
Deuxième reproche : les protocoles de mesure seraient "inadaptés, en particulier pour les micropolluants chimiques". Le document du WWF France évoque notamment "l'absence totale d'homogénéité des protocoles de mesure pour l'estimation, à l'échelle du territoire national, des cocktails de substances". Les données brutes ne seraient donc pas représentatives et ne traduiraient que partiellement le degré de contamination.
Enfin, les méthodes d'analyse des données sont "impropres à décrire l'état réel des eaux superficielles et souterraines". Le principal reproche formulé par la fondation est l'approche "réductrice" (petit nombre de polluants, absence de prise en compte des cocktails et seuils de qualité arbitraires) des méthodes.
Pour l'ONG, ces lacunes seraient liées au fait que "la France a fait le choix d'une approche minimaliste de ses obligations réglementaires et non d'une approche « patrimoniale », c'est-à-dire permettant de connaître l'état réel de la ressource". Un choix rendu possible par la DCE qui laisse la liberté aux Etats membres de choisir la liste des substances dangereuses surveillées, explique le WWF France, ajoutant que "la France a constamment minoré le nombre des substances recherchées – tels les pesticides".
Des eaux polluées présentées comme "en bon état" ?
Dans ce cadre, l'ONG déplore que la France puisse "officiellement déclarer que certaines rivières sont « en bon état chimique » alors qu'elles sont contaminées par des substances dont les protocoles de mesures sont mal codifiés ou par des molécules qui ne sont tout simplement pas prises en compte – les PCB par exemple".
Enfin, l'ONG rappelle que le Conseil général au développement durable (CGDD) du ministère de l'Ecologie a récemment chiffré le coût des pollutions agricoles. "Si l'on voulait décontaminer les eaux souterraines, il nous en coûterait entre 522 et 847 milliards d'euros", rappelle le WWF France, ajoutant que "[le] rapport ne prend en compte que les seules pollutions agricoles [et] qu'il n'a pas intégré les amendes que la France devra payer pour le non respect des directives européennes".