Dix ans : c'est le laps de temps durant lequel ont dû patienter les partisans français d'un meilleur accès à l'eau et à l'assainissement. C'est-à-dire le délai entre l'enregistrement en mars 2012 de l'initiative européenne Right2Water et la publication de textes pour la concrétiser à l'échelle nationale. Et pour certains, les avancées permises ne sont toujours pas assez ambitieuses.
Quoi qu'il en soit, cet appel à la reconnaissance de l'accès à l'eau comme d'un droit humain est la première initiative citoyenne européenne à recevoir la validation de la Commission, en 2014. L'exécutif européen l'avait alors inscrite dans son programme politique. Et pour y répondre, il a lancé la révision de la directive Eau potable.
Le texte européen final, publié en décembre 2020, propose de revenir sur cinq sujets : l'amélioration de l'accès à l'eau pour tous, une actualisation des paramètres à suivre, ainsi que des normes, une approche globale pour garantir la qualité de l'eau à travers des plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE), une meilleure information des consommateurs, mais également la révision du cadre applicable pour les matériaux en contact avec l'eau.
En France, la transposition dans le droit national d'un meilleur accès à l'eau et l'assainissement a abouti, fin 2022, notamment à travers l'ordonnance du 22 décembre et un décret du 29 décembre.
Ces textes définissent un cadre pour l'amélioration de l'accès à l'eau. L'ordonnance définit les besoins qui doivent être couverts. Toute personne doit ainsi bénéficier d'un accès au moins quotidien à son domicile, dans son lieu de vie ou, à défaut, à proximité de ces derniers, à une quantité d'eau potable – suffisante - pour répondre à ses besoins en boisson, en préparation et cuisson des aliments, en hygiène corporelle, en hygiène générale ainsi que pour assurer la propreté de son domicile ou de son lieu de vie. Cette quantité doit être comprise entre cinquante et cent litres d'eau par personne et par jour, selon la situation des personnes, selon le décret.
De nouvelles obligations sont données dans cet objectif aux communes ou à leur établissement public de coopération.
Un diagnostic territorial des personnes ayant pas ou peu accès à l'eau
L'ordonnance comporte ainsi deux dispositions importantes : elle attribue aux collectivités locales l'obligation d'identifier sur leur territoire les personnes qui n'ont pas accès - ou de façon insuffisante - à de l'eau potable. Et d'en expliquer les raisons. L'analyse doit porter sur l'intégralité de la population, n'exclure aucun site et être mise à jour au moins tous les six ans. Pour sa réalisation, les collectivités peuvent solliciter l'aide du département, et de son préfet, ainsi que les organisations de la société civile.
Le mode d'emploi pour établir ce diagnostic territorial est détaillé dans le décret. Il doit ainsi permettre de dénombrer et localiser les personnes en précarité hydrique « à partir des données d'observation du territoire disponibles et de l'expertise des acteurs locaux ». Il comporte un état des lieux des modalités d'accès à l'eau, des usages et des pratiques, mais il doit également analyser les causes et les conséquences des insuffisances d'accès à l'eau.
Autres informations à faire figurer dans l'état des lieux : les actions déjà mises en œuvre, la localisation des fontaines et autres équipements de distribution d'eau, les ressources en eau et les sources d'énergie existantes ainsi que leur état de fonctionnement.
Pour amorcer l'étape suivante, le diagnostic doit également formuler des recommandations afin d'améliorer les conditions d'accès à l'eau.
Des actions à mettre en œuvre pour garantir l'accès à l'eau
Seconde nouvelle obligation pour les communes ou leurs établissements publics de coopération : elles doivent évaluer les possibilités d'améliorer l'accès à l'eau et les mettre en œuvre – au plus tard trois ans après la réalisation du diagnostic. La palette des mesures à engager est précisée dans le décret. Les collectivités pourront choisir de raccorder la zone, de mettre à disposition ou de réparer des équipements comme des fontaines, de mobiliser des outils comme la tarification sociale de l'eau ou des aides forfaitaires ou encore d'accompagner les personnes dans l'utilisation de solutions alternatives, comme l'eau de puits ou de forage ou à défaut de ressources des approvisionnements mobiles en eau. Pour en faciliter l'accès, la localisation géographique des points d'approvisionnement en eau et leurs caractéristiques techniques devront figurer sur le site de la plateforme de données publiques françaises.
L'ordonnance prévoit également un suivi des dispositions : les collectivités devront informer annuellement de l'état d'avancement du diagnostic territorial et des mesures prises par l'intermédiaire du rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d'eau potable.
Les collectivités disposeront toutefois d'un peu de temps pour se préparer à ces nouvelles obligations : la date butoir pour réaliser le diagnostic territorial ainsi que la communication annuelle est le 1er janvier 2025. Pour les communautés de communes qui deviennent compétentes en matière d'eau le 1er janvier 2026, l'échéance est fixée au plus tard au 1erjanvier 2027.
Une compensation financière prévue
Ces nouvelles obligations ne seront pas sans conséquences pour les collectivités. Notamment sur le plan financier. Le coût de cette réforme serait ainsi évalué à 85 millions d'euros par an, selon le ministère de la Santé. Pour essayer de contrebalancer ces effets, l'ordonnance prévoit une compensation financière pour l'ensemble des collectivités territoriales. Les modalités seront précisées lors d'une prochaine loi de finances.
Ces difficultés devraient être encore plus prononcées en Outre-mer notamment en raison de la présence d'un grand nombre d'habitats informels. Le ministère de la Santé a indiqué que ces territoires bénéficieraient d'un accompagnement particulier dans le cadre d'un plan eau et assainissement.