« La conformité continue d'augmenter mais dans une moindre mesure par rapport aux périodes de rapportage précédentes », situe, pour l'échelle européenne, le 10e rapport sur la mise en œuvre de la Directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (Deru), du 21 mai 1991. Celle-ci impose aux États membres de veiller à ce que les agglomérations collectent et traitent de manière appropriée leurs eaux usées. La Directive prévoit des échéances de mise aux normes échelonnées et des traitements adaptées en fonction du contexte des installations : ainsi les collectivités les plus importantes situées en zones sensibles devaient répondre à la Directive avant fin 1998 tandis que les plus petites collectivités avaient un délai jusqu'à fin 2005.
Régulièrement, la Commission réalise un bilan de la situation à partir des données fournies par les États-membres.
Le 10e exercice de ce type, et dernier en date, repose sur des informations remontant à 2016. Il montre, qu'au niveau européen, les taux de conformité pour la collecte des eaux usées stagnent à 95%, ceux pour le traitement secondaire (biologique) ne dépassent pas 88% et 86% pour le traitement tertiaire (élimination du phosphore et de l'azote). Pour la période précédente (9e rapport), ils étaient respectivement de 94,7 ; 88,7 et 84,7 %.
« La faible évolution s'explique en partie par la fin des délais accordés aux nouveaux États Membres pour se mettre en conformité et l'augmentation significative des charges incluses dans l'évaluation », note Benoît Fribourg-Blanc, expert Deru pour l'Office international de l'eau (OIEau).
La photographie - même datée - reste un intéressant point de comparaison. D'autant plus que la Commission européenne s'appuie sur ces données pour tenter de remettre dans le droit chemin les retardataires.
Ainsi la France a déjà subi plusieurs fois les foudres de l'institution : elle a été condamnée en novembre 2016 devant la Cour de justice européenne pour non-conformité. Et en mai 2020, la Commission a adressé un nouvel avis motivé à la France pour des manquements qui concernent 169 agglomérations. Reste à voir les suites données à cet avertissement qui repose sur les données datant du 9e rapport, collectées entre janvier et décembre 2014, et ne reflètent donc pas la situation actuelle.
En 2016, 308 agglomérations non conformes
Le 10e - et dernier rapport de la Commission publié en septembre 2020 - montre quant à lui qu'en 2016, 308 agglomérations françaises devaient encore rentrer dans les clous. Les données les plus récentes, datant de 2018, obtenues au niveau national sur le portail d'information sur l'assainissement communal montrent au final que 275 systèmes d'assainissement d'agglomération seraient à cette date non conformes à la Deru. Le calendrier de travaux prévoyait une mise aux normes de 244 stations de fin 2019 à fin 2023. Trente prévoient de faire des travaux au-delà de 2023.
Dans différents pays pour encourager les travaux la stratégie affichée est une volonté de transférer les responsabilités financières aux collectivités, si l'État était condamné par l'UE. La France a ainsi inscrit cette possibilité dans le cadre de la loi Notre.
Une analyse d'impact de la révision de la Deru est lancée
En parallèle la Commission européenne a lancé en 2018 une évaluation de la Directive. L'objectif : vérifier si ses objectifs demeurent pertinents et si les coûts liés aux prescriptions de la directive sont justifiés. « L'analyse de la pertinence et de l'efficacité démontre la nécessité de poursuivre les interventions, notamment parce qu'un mauvais traitement ou l'absence de traitement des eaux urbaines résiduaires reste l'une des principales raisons pour lesquelles les eaux de l'UE ne parviennent pas au minimum à un bon état au sens de la directive-cadre sur l'eau », souligne le rapport d'évaluation.
Ce dernier a toutefois relevé que le bât blesse surtout pour ce qui concerne les surcharges liées aux pluies d'orage, l'utilisation de systèmes de traitement individuels qui ne fonctionnent pas correctement, les petites agglomérations ou le recensement des zones sensibles.
Afin d'évaluer les différentes pistes possibles pour réviser la directive, la Commission vient de lancer une analyse d'impacts. Parmi les nombreux chantiers figurent la présence de nouveaux polluants comme les microplastiques, une amélioration de la cohérence de la Directive avec celle relative à l'efficacité énergétique mais également une intégration des systèmes circulaires de réutilisation des eaux et des boues résiduaires. Un vaste programme.