
Les anti-éoliens dénoncent la pollution visuelle que constituerait ce projet de parc ''visible à 20 km du Mont-Saint-Michel'' qui ''dénature le paysage''. ''D'une hauteur de 100 mètres, implantées sur des crêtes à 125 mètres d'altitude, ces éoliennes culmineront à 225 mètres par rapport au niveau de la mer. Elles seront donc plus hautes que l'archange Saint-Michel de la flèche de l'abbaye, situé à 170 mètres au-dessus de la baie. Non seulement elles seront parfaitement visibles du Mont, mais elles l'encadreront en s'en approchant depuis la terre par le Nord ou par la mer'', accusent-elles.
Après avoir été déboutée en juin par le Tribunal administratif de Caen qui a rendu un avis favorable au porteur de projet, l'association anti-éolien locale ''Turbulences près du Mont-Saint-Michel'' a fait appel auprès de la cour d'appel de Nantes le 15 août dernier. Selon l'association, certains riverains craignent l'implantation des 3 éoliennes et redoutent également la pollution sonore générée par les aérogénérateurs. D'autres riverains, notamment les agriculteurs se disent au contraire favorables à leur arrivée estimant que l'exploitation de l'éolien pourrait leur rapporter 2.000 euros par an.
Le SER et les pro-éoliens contre-attaquent
Si les opposants dénoncent douze projets de parc éoliens, dont un offshore, en cours autour de la Baie du Mont-Saint-Michel, le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) et les professionnels de la filière éolienne indiquent que seuls huit projets seraient en cours dans les départements de la Manche et de l'Ille-et-Vilaine dont ''un seul sera perceptible depuis la terrasse du Mont-Saint-Michel''. Il s'agit du projet de 6 éoliennes de Baguer-Pican (Ille-et-Vilaine) situé à 17 km du site, a répondu le 24 septembre aux anti-éoliens André Antolini, président du SER à l'occasion de la conférence de presse organisée avec plusieurs ONG environnementales parmi lesquelles Greenpeace, le WWF ou France Nature Environnement (FNE), le CLER et Amorce qui rappellent leur soutien à l'énergie éolienne. ''L'observateur percevra au loin, sur la ligne d'horizon, des points de 0,6 cm de haut, en contre-jour'', a-t-il expliqué. ''Tous les autres projets sont à plus de 20 km. A cette distance, les plus visibles ne dépasseront pas un demi-centimètre pour l'œil humain'', a souligné le président du syndicat.
Concernant le projet d'Argouges, le SER s'est défendu des nuisances sur le Mont, arguant que le permis de construire a été accordé par le Préfet de la Manche le 27 novembre 2007. Les trois éoliennes situées le long de l'autoroute A 84 ''ne seront pas visibles depuis le Mont-Saint-Michel'', a affirmé le syndicat en précisant que le projet était inscrit dans la zone d'influence visuelle du site définie par la Préfecture de la Manche. Les 8 projets ''ont tous fait l'objet d'une large concertation'', a encore souligné le SER. ''Ils ont été soumis à plusieurs reprises aux riverains et aux élus, dans le cadre de réunions publiques qui seront organisées par les porteurs de projet éoliens avant le dépôt de la demande de permis de construire et/ou à l'occasion de l'enquête qui se déroule au cours de l'instruction du dossier de demande de permis de construire'', a-t-il expliqué.
L'avenir de l'éolien en France menacé par le projet de loi Grenelle 2 ?
La manifestation anti-éolienne est organisée à la veille de la reprise lundi des débats au Sénat autour du projet de loi portant engagement national pour l'environnement dit ''Grenelle 2''.
Les pro-éoliens se sont dits ''inquiets'' de plusieurs propositions d'amendements au projet de loi Grenelle 2 qui devraient rendre plus contraignantes les règles d'implantation d'éoliennes, alors que la loi Grenelle 1, qui fixe un objectif de 23% d'énergies renouvelables d'ici 2020, prévoit de passer de 4.000 MW (soit 2.500 éoliennes) à 25.000 MW dont 6.000 MW en mer. D'ici 2020, 6.000 éoliennes supplémentaires devront être installées pour respecter ces objectifs.
Concrètement, les amendements déposés par les sénateurs UMP Jean Bizet (Manche) et Roland du Luart (Sarthe), visent à soumettre les éoliennes au régime d'autorisation des Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et à durcir les règles de définition des ''zones de développement de l'éolien'', a regretté France Nature Environnement dans un communiqué estimant qu'un ''vent mauvais souffle sur les éoliennes''.
Les ONG environnementales et les professionnels de l'éolien rappellent que le développement des parcs éoliens ''est déjà très encadré''. ''Ils sont nécessairement installés dans des Zones de Développement de l'Eolien (ZDE - instituées par la loi de programme du 13 juillet 2005) qui sont proposées par les communes et définies par le Préfet. Les parcs éoliens sont également soumis à une étude d'impact, à un permis de construire délivré par le Préfet et à une enquête publique (loi du 3 janvier 2003)'', a réitéré Greenpeace. Pour le comité de Liaison Energies Renouvelables (CLER), une classification ICPE est ''parfaitement inutile et très pénalisante'', pouvant ''mettre en péril la filière éolienne''. Selon Didier Lenoir, président du CLER, alors que le délai d'implantation d'un parc éolien est déjà, à l'heure actuelle, d'environ 7 ans, le risque est que celui-ci s'allonge à 10 ou 12 ans.
Tel un ras-le-bol de la pression exercée sur cette source d'énergie, Arnaud Gossement, porte-parole de FNE s'indigne : ''à force de multiplier les contraintes juridiques qui pèsent sur la filière, il sera bientôt plus facile de construire une centrale nucléaire qu'une éolienne ! Se pose-t-on autant de questions sur le respect des paysages ou le démantèlement des installations lorsque l'on parle de centrales nucléaires ? (…) La réponse est non''.
Rappelons en effet que le projet de loi Grenelle 2 précise également ''les critères utilisés pour l'évaluation des ZDE en proposant une appréhension plus large de la préservation des intérêts environnementaux, par exemple de la biodiversité en présence d'espèces protégées''. De plus, la Commission de l'Economie, du Développement Durable et de l'Aménagement du territoire du Sénat a récemment modifié le texte et propose finalement de reporter d'un an l'intégration des éoliennes dans le régime ICPE.
Pourtant, les professionnels et les ONG craignent que le projet de loi Grenelle 2 ne soit ''un frein au développement de l'éolien'' en France. La délivrance des permis de construire des éoliennes est déjà ''en chute libre'', selon le président du SER. Outre le classement en ICPE des éoliennes, Alain Cabanes, élu de Saint-Agrève en Ardèche et représentant du réseau Cléo (Collectivités locales éoliennes) s'inquiète également de la suppression de la taxe professionnelle générée par les éoliennes à hauteur de 80.000 euros par an pour sa commune. ''Ce qui menace la France, ce n'est pas qu'on y mette trop d'éoliennes, c'est qu'on n'en mette pas assez'', a prévenu André Antolini en menaçant que ''l'objectif de 23% d'énergies renouvelables d'ici 2020 ne sera pas atteint sans l'éolien''.Pour ce faire, il faudra assurer un rythme annuel de développement d'environ 2.000 MW soit 800 éoliennes d'ici 2020, selon le SER qui prévoit également 60.000 emplois dans la filière à cette date.