"Je préfère que l'on se quitte sur un accord que sur rien du tout", a déclaré Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, au Parisien commentant l'accord obtenu samedi 8 décembre à Doha (Qatar). "Mais je reconnais que cet accord n'est pas à la hauteur de l'urgence climatique", ajoute-t-elle estimant que "c'est une étape modeste qui peut même paraître dérisoire alors que tous les scenario les plus pessimistes des climatologues sont aujourd'hui dépassés par les faits".
A l'issue des deux semaines de négociation les quelque 190 Etats réunis à Doha ont validé un accord au prix d'une journée de négociation supplémentaire. La 8ème conférence des parties au protocole de Kyoto a abouti à la prolongation a minima du protocole, laissant de côté la plupart des points essentiels en discussion. Un accord qui s'applique provisoirement au 1er janvier 2013, en attendant son entrée en vigueur officielle après que les parties l'aient ratifié conformément à leur Constitution. Pour les Etats qui ne pourraient appliquer provisoirement l'accord, il est prévu qu'ils "s'acquitteront de leurs engagements et autres responsabilités concernant la deuxième période d'engagement d'une manière compatible avec leur législation nationale ou leurs procédures internes".
Des engagements limités au strict minimum
Finalement, les négociateurs ont adopté une deuxième période d'engagement sous le protocole de Kyoto, préservant ainsi l'unique accord contraignant dont dispose la communauté internationale. Cette deuxième période engagera pour 8 ans (du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020) l'Union européenne (UE), l'Australie, la Norvège, la Suisse, l'Ukraine, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Liechtenstein et Monaco. Autant de pays qui représentent environ 15% des émissions de Gaz à effet de serre (GES) mondiales et qui prennent des engagements hétéroclites allant d'une réduction de 20% par rapport à 1990 pour l'UE à une baisse de 0,5% par rapport à 2000 pour l'Australie. Le Canada, le Japon, la Russie et la Nouvelle-Zélande ont pour leur part quitté le navire, au motif que le protocole n'engage pas les Etats-Unis et les pays émergents.
Parmi les dispositions inscrites au protocole figure la possibilité de revoir les engagements chiffrés des pays pour la deuxième période du protocole au plus tard d'ici à 2014, "afin de rehausser le niveau d'ambition". Objectif ? Aboutir à "une réduction globale des émissions des gaz à effet de serre (…) par les parties visées à l'annexe I d'au moins 25 à 40% par rapport aux niveaux de 1990 d'ici à 2020", précise le texte de l'accord.
C'est peut-être le bilan dressé par le Climate Action Tracker qui résume le mieux la teneur des engagements pris dans le cadre de cette deuxième période. L'outil créé par les chercheurs du Potsdam Institute for Climate traduisant le cumul des engagements en élévation de la température moyenne global d'ici à la fin du siècle n'a pas marqué de progrès au cours de la négociation. Si "cette deuxième période d'engagement est un pas très important pour la continuité, en particulier pour le système de comptabilité des émissions de GES et le mécanisme de développement propre, estiment les chercheurs, elle n'aura que très peu d'impact sur les émissions d'ici 2020". En cause, un nombre de participants et des engagements trop faibles.
Par ailleurs, les parties au protocole se sont accordées pour augmenter, pour la deuxième période d'engagement, les ressources du Fonds pour l'adaptation. Cette hausse se fera par le biais d'un prélèvement de 2% sur les fonds provenant des premiers transferts internationaux des quotas attribués aux Etats et des crédits attribués pour des réductions d'émissions réalisées dans le cadre de la mise en œuvre conjointe (MOC), sous certaines conditions.
Cela d'autant plus que le prolongement de l'action internationale en faveur du climat pourrait être minée par le maintient de l'"air chaud", les crédits carbone excédentaires accordés aux pays de l'Est dans le cadre de la première période d'engagement. Au total, ce sont environ 13 milliards de tonnes de CO2 qui restent valides, réduisant d'autant l'effort à fournir par les pays engagés dans la réduction des émissions de GES. Le texte stipule que "Les [quotas d'émission] détenus dans le registre national qui n'ont pas été retirés pour cette période d'engagement ou annulés sont ajoutés à la quantité attribuée [à l'Etat concerné] pour la deuxième période d'engagement". Cette portion excédentaire "est transférée sur un compte de réserve d'unités excédentaires de la période précédente pour la période d'engagement suivante." Un Etat généreusement servi lors de la signature du protocole en 1997 pourrait utiliser ses réserves pour remplir son objectif en deuxième période.
Pour éviter que ces quotas n'inondent le marché d'échange entre Etats, tout en maintenant l'air chaud, le compromis est assorti d'une annexe regroupant des déclarations politiques relatives aux quotas d'émission de GES reportées de la première période d'engagement du protocole. Six parties engagées dans la deuxième période (l'Australie, l'UE, le Lichtenstein, Monaco, la Norvège et la Suisse) et le Japon s'engagent à ne pas acquérir ces quotas excédentaires pour assurer leur engagement de deuxième période.
Si cette solution offre un répit pour la période allant de 2013 à 2020, elle ne résout cependant rien en vue d'un accord global qui entrerait en vigueur à partir de 2020. Rien ne garantit que l'air chaud sera exclu de l'accord attendu pour l'après 2020, surtout s'il reprend l'architecture du marché carbone instauré par le protocole. L'AFP rapporte qu'interrogé sur l'intention de la Russie de garder ses 5,8 milliards de tonnes de CO2 en surplus après 2020, l'envoyé spécial russe pour le climat Alexander Bredistky a laconiquement répondu "nous n'y sommes pas encore". Faute d'avoir tranché le sujet à Doha, les négociateurs devront rouvrir le débat d'ici 2015, date attendue pour la signature du traité post-2020.