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AccueilDominique GarriguesLes études d'impact qui accompagnent les projets de lois environnementales ne disent pas tout !

Les études d'impact qui accompagnent les projets de lois environnementales ne disent pas tout !

Dominique Garrigues, président de l'IEGRE, nous propose un Avis d'expert sur le rôle des études d'impact dans l'accompagnement des projets de loi à portée environnementale. La rationalité de la meilleure décision buterait encore sur les arbitrages politiq

Publié le 14/06/2010
La gestion de l'Environnement occupe une position clé, à l'intersection du politique, de l'émotionnel, du scientifique, de l'économique, voire de la morale. Les processus qu'elle met en œuvre s'opposent aux modes d'action classiques dont les concepts sont maîtrisés intellectuellement, bien balisés dans des faits avérés, sans principe de précaution ni souci des générations futures autre que d'assurer leur bien-être matériel ! Mais il y aurait contradiction, nous dit-on, entre un bon développement matériel et l'exigence de lendemains qui chantent. Une question se pose désormais : pour gérer la cité au quotidien, faut-il traiter une inquiétude d'aujourd'hui faiblement fondée ou optimiser un avenir excessivement lointain ? Nous faisons des lois tous les jours, ... et un esprit critique s'impose pour savoir où aller. Les études d'impact des projets de loi sont arrivées Heureusement, la machine législatrice réussit parfois à s'autocontrôler : elle a inventé la notion d' « étude d'impact des projets de loi ». Il s'agit de rédiger une analyse systématique du problème posé et de démontrer pourquoi sa résolution passe par l'adoption d'une loi, ou pas, et pourquoi telle loi plutôt que telle autre. Tout cela en tenant compte des données techniques, économiques, et bien sûr écologiques ou sanitaires. Les études d'impact des premières années n'étaient pas très bonnes. Depuis leur inscription dans la Constitution, c'est devenu nettement plus sérieux. L'IEGRE s'est pris d'intérêt pour cette démarche car son principe nous est apparu vertueux. Enfin une revue des ''pour'' et des ''contre'' qui permet de révéler les non-dits et de chiffrer les alternatives autant que possible ! Désormais, on s'interrogera utilement : « avec cette loi, en aurons-nous pour notre argent, par rapport aux autres options envisageables ? ». Au sein de l'IEGRE, nous avons donc relu attentivement les études d'impact pour les projets de loi déposés depuis le 1er septembre 2009. N'y figure pas le Grenelle 2, heureusement, c'eût été bien gros. Quelques questions nous interpellent après cet examen, qui nous ramènent aux fondamentaux des processus de la décision publique et leur aptitude à passer sous silence les options politiquement dérangeantes. Sur l'électricité, les options qui dérangent sont-elles vraiment étudiées ? Un cas intéressant est celui de l'énergie, avec le Projet de loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l'Électricité), qui prévoit qu'EDF devra vendre à ses concurrents son courant électrique au coût de production du nucléaire - avec une faible marge -, et maintiendra des tarifs régulés pour les clients finaux. Une autre option possible eût été de libérer les prix de vente aux clients et faire céder par EDF quelques centrales nucléaires à d'autres opérateurs. L'étude d'impact évoque cette variante mais ne chiffre pas les résultats à en attendre, au motif qu'elle ne figure pas dans la politique française. Nous restons un peu perplexes : il nous semblait que l'étude d'impact présentait justement l'utilité d'obliger à se poser ces sortes de questions, et à fournir les évaluations chiffrées qui vont bien. L'interaction avec le politique, chassée par la porte, serait revenue par la fenêtre… et une question demeure : peut-on étudier sérieusement une alternative dont on sait qu'elle sera rejetée, non parce qu'elle est mauvaise en soi, mais parce qu'elle heurte nos schémas de pensée habituels ? Il nous semble qu'une étude d'impact doit éviter d'évacuer une variante au seul motif qu'elle n'est pas envisagée par les instances nationales. Sinon, l'étude s'auto-annihile par évacuation radicale de sa logique interne : sa raison d'être est précisément de comparer, et d'expliciter le pourquoi de la décision. Moderniser l'agriculture : une seule voie possible ? Ensuite, voici l'étude d'impact sur le projet de loi « Modernisation de l'agriculture et de la pêche ». Elle décrit les systèmes de contrats de ventes qu'il faut mettre en place pour clarifier les opérations commerciales, ce qui est bien. L'auteur part du constat de l'atomisation actuelle de l'offre agricole par rapport aux circuits des marchés, mais il n'évoque pas la grande alternative que serait l'accélération de la concentration de cette offre par des rapprochements entre exploitants, dans une optique d'agriculture de type plus extensif et moins intensif qu'actuellement. Là encore, l'adoption d'une politique publique différente ne donne pas lieu à analyse : est-ce parce que le projet de loi ne visait qu'à adopter des inflexions à la marge, et qu'une étude d'ensemble aurait été hors sujet ? L'Exposé des motifs de la loi annonce la couleur : « Il conviendra […] de préserver les principes de ''taille humaine et familiale'' des entreprises agricoles […] ». On nous explique donc que le choix est déjà fait, mais sans dire pourquoi… L'étude d'impact aurait dû évaluer les plus et les moins de cette grande alternative de modernisation de notre agriculture. Nous avons ici un autre exemple d'évacuation sans examen d'une variante au seul motif qu'elle ne figure pas dans la politique française. Pas facile de choisir le meilleur tracé pour le métro en rocade du Grand Paris Pour le projet de loi sur le « Grand Paris », l'étude d'impact présente l'analyse de la rocade de métro express automatique prévue pour relier les futurs pôles de développement, mais elle ne donne pas la comparaison technique et économique avec un autre grand parti qui aurait été de relier en priorité les pôles actuels de demande de transports en banlieue – comparaison probablement cruelle pour le projet de loi, puisque répondre à une demande présente est plus facilement justifiable à brève échéance. Le projet de C. Blanc est fondé sur l'hypothèse du succès des futurs « clusters », option ambitieuse et volontariste, où il est demandé à une structure de transport de répondre à bien d'autres objectifs que la mobilité des gens. Il est imaginable de lancer un projet plus coûteux qu'un autre, en expliquant qu'il faut le faire malgré tout, au nom de considérations qualitatives et planificatrices. Mais le chiffrage des alternatives doit être mis sur la place publique… Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'avant même l'adoption de la loi, cette autre option de schéma de transport - celle de la Région - est venue restaurer la logique de l'étude d'impact, en occupant toute sa place dans les alternatives. Logique politique et logique tout court ? Le mérite de ces études d'impact est de boucler la boucle du processus de décision publique : le premier temps fut celui du débat, où toutes les options - en principe - étaient mises sur la table, puis les débats et consensus successifs ont amené à privilégier un choix, qui est mis en forme dans le projet de loi ; l'étude d'impact de ce projet de loi vise à braquer le projecteur vers le point de départ, pour éclairer le chemin parcouru et dire en quoi ce chemin était jugé meilleur que tous les autres tracés envisageables. Mais toute vérité ne semble pas bonne à dire : le malheureux rédacteur de l'étude d'impact ne peut rien faire de bon quand la décision prise n'est que partiellement fondée en rationalité immédiate, et se justifie par des considérations abstraites et subjectives. Dirons-nous que l'obligation de rédiger une étude d'impact sérieuse et équilibrée aidera à réduire les situations biaisées ? Soyons optimiste : la réponse est oui ! Mais l'IEGRE poursuivra ce travail d'évaluation sur les études d'impact de projets de loi pour mieux préciser la leçon. Avis d'expert proposé par Dominique Garrigues Président de l'IEGRE (Institut Européen pour la Gestion Raisonnée de l'Environnement)

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1 Commentaire

Stan

Le 15/06/2010 à 16h48

Concernant l'Agriculture, tu écris: "L'auteur ... n'évoque pas la grande alternative que serait l'accélération de la concentration de cette offre par des rapprochements entre exploitants, dans une optique d'agriculture de type plus extensif et moins intensif qu'actuellement". C'est une bonne remarque, mais le rapprochement entre exploitants n'a rien à voir avec la problématique de l'intensif. On peut très bien, à la fois augmenter la taille des exploitations agricoles, et en même temps garder un système de production intensif, ... y compris "intensivement écologique".
Avis d'expert!
Stan

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