En vertu du droit européen, la France a été condamnée par la CJUE à plusieurs reprises pour non respect de prescriptions communautaires (arrêt en manquement). Dans trois affaires, l'Etat a ignoré le premier arrêt ce qui a conduit la CJUE à prononcer une amende forfaitaire assortie dans certains cas d'astreintes (manquement sur manquement). La transposition tardive de la directive relative à la dissémination volontaire d'OGM, par exemple, a donné lieu au paiement d'une somme forfaitaire de 10 millions d'euros.
Si aucune des trois affaires précitées n'impliquait directement des collectivités territoriales, plusieurs autres affaires en cours les concernent et notamment sur des questions de gestion de l'eau, des déchets et de la protection d'espèces menacées. C'est le cas par exemple de l'arrêt du 31 janvier 2008 concernant la concentration maximale en nitrates et en pesticides présents dans l'eau potable qui concerne directement les régions Pays de Loire et Poitou-Charentes. Ou encore l'affaire du 6 décembre 2007 dans laquelle plusieurs ports français sont en infraction par rapport à la directive 200/59/CE sur les installations de réception portuaires pour les déchets d'exploitation des navires et les résidus de cargaison.
Transfert de compétence et de responsabilité
Dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Loi Notre), le Gouvernement a décidé de profiter de la mise à plat des compétences territoriales pour transférer par la même occasion les responsabilités financières (article 33). "Ce texte a pour objet de responsabiliser les collectivités territoriales dans l'application du droit communautaire et, conséquemment, de les mobiliser afin d'éviter le prononcé de condamnations en manquement contre la France ou, à défaut, d'en obtenir le remboursement par les collectivités concernées", explique le Gouvernement dans son exposé des motifs. Mais les parlementaires ne l'entendent pas de cette oreille.
Un modèle trop incertain
A l'occasion des travaux en commission des lois au Sénat, plusieurs questions ont été soulevées : quelle répartition des responsabilités pour des compétences portées conjointement par l'Etat et les collectivités ? Le cas de la pollution de l'air l'illustre bien. La France encourt aujourd'hui une amende estimée à 100 millions d'euros pour le non-respect répété des taux maximum de particules fines dans l'air d'une quinzaine d'agglomérations. Si l'article 33 du projet de loi venait à être adopté, il faudrait donc déterminer la part de ces sanctions imputable auxdites agglomérations et à l'Etat, au regard de leurs pouvoirs en matière de politique de protection de l'air.
Cependant, la situation n'est pas comparable pour tous les Etats à structure fédérale. Ainsi en Allemagne, pour ce qui concerne les corrections nationales (autres que celles liées au Pacte de stabilité et de croissance), en cas d'amendes (CJUE par exemple), la charge est répartie en fonction des compétences et des responsabilités. Dans un cas particulier où plusieurs Länder sont concernés par une correction, la charge est répartie de la façon suivante : 15% pour le niveau fédéral, 35% pour l'ensemble des Länder selon une clé de répartition fixée (Königssteiner Schlüssel), 50% pour les Länder concernés.
Par ailleurs, les sénateurs n'ont pas manqué de souligner que certains manquements aux obligations communautaires peuvent être liés à la négligence du contrôle de l'Etat. "Une action récursoire ne doit pas représenter pour l'Etat une facilité destinée à réparer sa propre négligence", préviennent les sénateurs dans leur rapport.
Quel modèle pour la France ?
Les Etats européens ayant mis en oeuvre un tel dispositif sont des Etats fédérés dans lesquels les collectivités sont associées au processus décisionnel européen. "Les collectivités territoriales n'étant pas signataires des traités européens, ni associées à leur élaboration, elles ne sauraient être responsables du manquement au respect d'une règle européenne", conclut la commission qui, pour toutes ces raisons, a tout simplement supprimé l'article en question.