Une demande en hausse
Tout en étant la ressource la plus abondante de la planète (elle recouvre environ 71 % de la surface du globe), l'eau a, dans une proportion de 98 %, une teneur en sel trop élevée pour servir aux usages humains. L'eau douce accessible, celle que l'on trouve dans les lacs, les rivières, les nappes phréatiques, ne compte que pour 0,25 % de la ressource totale mondiale. De plus, l'eau douce est inégalement répartie entre les territoires. Si le Canada dispose d'une capacité de 83.000 m3/personne/an, la France dispose de son côté de 2.900 m3/personne/an, la Jordanie 120…
Le non accès à l'eau douce cause chaque année la mort de plusieurs millions de personnes et l'atteinte à la dignité humaine de millions d'autres. Limitée, l'eau douce disponible n'est pourtant pas rare. Sa quantité pourrait largement combler les besoins actuels de la population mondiale et plus encore. Le problème majeur n'est pas la disponibilité de la ressource mais les usages que l'on en fait, note Jean-François Rouzier, de l'Office international de l'eau.
Au cours du siècle dernier, l'utilisation d'eau douce a augmenté à un rythme deux fois plus élevé que la population. Chaque année, l'agriculture consomme près de 70 % de l'eau totale utilisée, l'industrie 20 %, et la consommation domestique 10 %. Certains pays consomment davantage qu'ils ne possèdent, menant à l'assèchement de certains puits, nappes souterraines ou rivières. Si cette surexploitation de la ressource eau n'est pas forcément visible aujourd'hui, la pénurie a déjà conduit certains pays à revoir leur politique d'approvisionnement.
Les usages de l'eau en question
Si la quantité d'eau directement consommé par le citoyen moyen reste faible ,celle nécessaire à la production de notre nourriture est beaucoup plus importante : elle s'élève jusqu'à 2.000 litres par jour.
Mais que ce soit dans l'agriculture, l'industrie ou pour les besoins domestiques, la demande en eau ne cesse de croître, créant une compétition entre les différents usages, souvent au détriment de l'agriculture. Un certain nombre de pays connaissent actuellement des tensions sur cette ressource et sont emmenés à reconsidérer leurs choix en matière de production agricole et industrielle, note Loïc Fauchon. Récemment, la Californie a déclaré l'état d'urgence en eau, du fait de précipitations inférieures à la moyenne ces trois dernières années, entraînant une restriction de l'approvisionnement urbain en eau de 20 % mais surtout une baisse considérable de l'activité agricole. En Chine, les industries émergentes ont souvent un accès prioritaire à l'eau, au détriment des petits agriculteurs…
L'accroissement de la population ne fera qu'amplifier ce phénomène : la hausse démographique, mais aussi l'urbanisation croissante et la littoralisation accrue des populations devraient entraîner de nouvelles tensions sur la ressource. L'impact le plus important ne proviendra pas du changement climatique mais bien de l'augmentation de la population, analyse Lena Salame de l'UNESCO.
Mais cette compétition dépasse également l'échelle locale. L'eau est souvent une ressource partagée entre différents pays et la pénurie dépasse les frontières. L'hydrodiplomatie sera donc une condition future nécessaire à la paix dans certaines régions.
Vers l'apaisement des conflits
Aux dires de nombreux experts, la guerre de l'eau est pourtant un mythe. Si cette ressource est au cœur de nombreuses tensions dans des zones déjà fragilisées, une bonne gestion de l'eau peut apaiser les conflits selon eux. A condition d'abandonner le court termisme si courant dans les politiques de l'eau aujourd'hui...
Les tensions sont déjà là, sur la migration, sur les bassins transfrontaliers… constate Loïc Fauchon. Mais des coopérations peuvent résoudrent ces tensions. Concernant le problème de l'Euphrate et du Tigre par exemple, la Turquie vient d'accepter un doublement des allocations d'eau vers la Syrie et l'Irak. L'hydrodiplomatie devrait être la réponse aux tensions sur l'eau.
Le président du Conseil mondial de l'eau identifie en outre 4 réponses aux problématiques actuelles : une modification des comportements et une régulation politique de la demande, une utilisation accrue des technologies pour augmenter et faciliter l'accès à l'eau (dessalement, captage…), une conception différente de l'aménagement du territoire et enfin une reconnaissance du droit à l'eau. Si le Ve forum mondial de l'eau qui vient de s'achever à Istanbul n'a pas abouti sur ce dernier point, Lena Salame reste confiante : nous sommes sur la bonne voie.