Douze ans après la marée noire de l'Erika, les plages de Bretagne sont de nouveau souillées par des boulettes de pétrole. Même si cette pollution est jugée de moindre ampleur, elle a provoqué la colère de toute une région qui s'interroge sur les responsabilités de l'échouage du cargo maltais sur la plage de Kerminihy (Morbihan) dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 décembre. Site classé natura 2000. La Bretagne devrait porter plainte aujourd'hui.
Comprendre les conditions du naufrage
"C'est parce qu'elle est très attachée à la protection de son littoral et à la préservation de ses espaces naturels, trop souvent souillés par des pollutions volontaires, que la Région Bretagne a décidé de déposer plainte et de se constituer partie civile près le tribunal de grande instance de Brest", a ainsi annoncé Jean-Yves Le Drian, Président de la région, dans un communiqué datant du dimanche 18 décembre. Cette plainte devrait permettre de connaître les conditions du naufrage et de prendre en compte le préjudice écologique ainsi que l'atteinte de l'image de la région. "Avec l'échouage de ce cargo maltais, ce sont encore une fois les plages bretonnes qui sont souillées, le travail de centaines d'hommes et de femmes qui est menacé, le patrimoine naturel qui est en danger et, au-delà, l'image de toute une région qui est salie", se désole Jean-Yves Le Drian.
Vendredi dernier, le parquet a également ouvert une enquête afin de comprendre "pourquoi ce bateau a quitté le port de Lorient à un moment où les autres bateaux ne le quittaient pas". Cette question est celle que tout le monde se pose quelques jours après l'accident, des associations de protection l'environnement aux différents partis politiques, en passant par les autorités et surtout les habitants de la région.
Une pollution mineure mais à surveiller
Suite à l'échouage du cargo, près de 60 m3 de fioul se seraient déversés dans la mer. Cette pollution, de bien moindre ampleur que celle provoquée par l'Erika, s'est traduite, pour l'instant, par la présence de galette de fuel sur quelques plages et par l'arrivée des premiers oiseaux mazoutés. Pour protéger les écosystèmes fragiles de la ria d'Etel ainsi que l'activité conchylicole, quatre barrages flottants ont été mis en place. Malgré ces dispositifs, cinq parcs ostréicoles sur les 39 existants dans la ria ont été impactés, conduisant à l'interdiction de commercialisation de leurs produits. De nouvelles analyses ont été effectuées, lundi 19 décembre, par l'Ifremer afin de suivre l'évolution de la situation et de définir la fermeture ou non de nouveaux parcs. Un possible coup dur juste avant les fêtes pour ces professionnels.
Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, la capitainerie du port ne peut interdire la sortie d'un bateau qu'en cas de problème administratif ou de risque pour son équipage et l'environnement, ce qui n'était pas le cas pour le TK Bremen. Invitée sur LCI, la ministre de l'Ecologie réfléchit également à la possibilité d'étendre le décret afin de donner à la capitainerie le pouvoir d'interdire à un bateau de prendre la mer sur un motif météorologique. "C'est quelque chose que je vais prendre en considération, mais je voudrais attendre d'avoir les premiers résultats de l'enquête. Pour le moment, on n'a pas toutes les raisons pour lesquelles ce bateau s'est mis à dériver à partir de son mouillage", a-t-elle souligné.
Jean-Yves Le Drian estime également nécessaire cette modification du décret et souhaite désormais saisir les instances européennes pour étendre l'interdiction de départ au risque météo. "Suite au naufrage de l'Erika, en tant que rapporteur de la commission d'enquête, il avait été prévu des propositions permettant aux autorités portuaires des Etats d'interdire la sortie d'un bateau en cas de risque majeur. Malheureusement, cette proposition n'a pas été reprise par la directive européenne qui se limite aujourd'hui en une incitation forte. Il faut passer désormais à l'obligation".
Pour l'association Robin des Bois, la capitainerie aurait quand même pu, en s'appuyant sur l'article R304-11 du Code des ports maritimes, procéder à l'ajournement du départ du cargo en raison de déficiences nombreuses. "Le profil du TK Bremen était tel que les responsables de la sécurité et du trafic du port de Lorient auraient dû, au vu des périls imminents qu'il s'apprêtait à affronter dans un environnement maritime dangereux et riche en culture marine, interdire son départ", indique l'association dans son communiqué.
Opérations de démantèlement, un risque de nouvelle pollution
Outre les politiques, les bretons veulent également avoir des réponses à ces questions. Ce week-end, des manifestations citoyennes ont rassemblé plusieurs centaines de personnes qui ont été tenues à distance par les gendarmes de Lorient. Par ailleurs, un collectif, rassemblant les habitants des abords de la ria d'Etel, s'est constitué avec l'objectif de surveiller de près le nettoyage du site et l'éventuel démantèlement du cargo sur place. Ces opérations étant sources de nouvelles pollutions.
Au niveau de la dépollution, les premières opérations, débuté dès le vendredi, ont permis de collecter plus de 200 m3 de sable pollué sur la plage de Kerminihy et à l'entrée de la ria d'Etel. Plus de 32 m3 d'un mélange d'eau et de fioul ont également pompés. Dimanche midi, la préfecture estimait qu'il restait 118 tonnes de fioul (sur 190 au départ) et 40 tonnes de gazole dans les soutes du navire, et soulignait que "les travaux de nettoyage entrepris depuis plus de deux jours ont permis d'améliorer très sensiblement l'aspect de la plage".