Par une décision du 1er juillet 2019, le Tribunal des conflits a jugé que la convention liant l'éco-organisme EcoDDS à une collectivité territoriale présentait le caractère d'un contrat de droit privé et qu'un litige relatif à son exécution relevait, de ce fait, des juridictions judiciaires.
Le Tribunal, chargé de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l'ordre administratif et celles de l'ordre judiciaire, avait été saisi par la Cour de cassation le 10 avril dernier. Avec cette décision, il apporte une solution décisive et inattendue sur la nature du contrat liant ces deux intervenants clés des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) que sont l'éco-organisme et la collectivité locale. La juridiction, composée à parité de membres du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, prend en effet le contre-pied des jugements de première instance et des décisions rendues par la Cour d 'appel d'Angers le 4 janvier 2017 et par celle de Nîmes le 15 février 2018.
Pas de mission de service public
"La convention par laquelle une collectivité territoriale s'engage envers un éco-organisme agissant pour le compte des producteurs, importateurs et distributeurs à collaborer à cette collecte en contrepartie d'un versement financier ne peut être regardée comme confiant à cet organisme l'exécution du service public de la collecte et du traitement des déchets ménagers ni comme le faisant participer à cette exécution", juge le Tribunal. Celui-ci avait préalablement relevé que la collecte des déchets ménagers de produits chimiques dangereux incombait de plein droit aux producteurs selon l'article L. 541-10-4 du code de l'environnement.
"L'agrément d'un éco-organisme (…) n'investissant pas cet organisme de missions de service public, la convention n'a pas davantage pour objet de coordonner la mise en œuvre de missions de service public incombant respectivement à une personne publique et à une personne privée", ajoute la décision.
Le Tribunal relève ensuite que la collectivité territoriale peut mettre fin "de plein droit" à l'exécution de la convention moyennant un préavis de 90 jours, alors que l'éco-organisme ne peut la résilier que dans des cas limitativement prévus. Ce qui aurait pu plaider pour la présence de clauses exorbitantes de droit commun, autre critère pouvant justifier l'existence d'un contrat administratif. Mais le Tribunal juge le contraire. Compte tenu "des conséquences respectives de la résiliation pour les deux parties et des prérogatives importantes accordées par ailleurs à la société", cette clause n'implique pas que les relations contractuelles aient été placées "dans l'intérêt général sous un régime exorbitant du droit commun". "Aucune autre clause de la convention n'a une telle portée", ajoute la décision.
Une décision défavorable aux collectivités
A l'origine, le litige opposait la société EcoDDS au syndicat mixte Sud-Rhône Environnement avec lequel elle avait signé une convention portant sur la remise de déchets ménagers issus de produits chimiques dangereux, faisant l'objet d'une collecte séparée dans les déchèteries exploitées par la collectivité territoriale. Mais la décision du Tribunal est susceptible de s'appliquer à l'ensemble des contrats liant un éco-organisme à une collectivité locale et présentant des caractéristiques semblables.
Cette décision est défavorable aux collectivités qui ne pourront se prévaloir des prérogatives que leur offre un contrat administratif en termes de modalités d'exécution et de rupture du contrat. Et ce, alors que certaines d'entre elles ont été victime de suspensions de collecte par EcoDDS en raison de déchets que l'éco-organisme a jugés non conformes ou de sa fronde contre le nouveau cahier des charges de la filière.
"Cette décision inattendue devrait avoir des conséquences importantes pour les éco-organismes des filières de responsabilité élargie des producteurs", confirme l'avocate Margaux Caréna du cabinet Gossement Avocats. Mais deux questions restent ouvertes pour cette dernière. Sa réelle portée tout d'abord : faut-il en conclure la nature privée du contrat et la compétence judiciaire pour l'ensemble des contrats conclus entre éco-organismes et collectivités territoriales ? Une éventuelle intervention du législateur, d'autre part, qui pourrait fixer le régime juridique de ces contrats dans la future loi sur l'économie circulaire, dont le projet a été présenté le 10 juillet en Conseil des ministres.