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Le Parlement européen se positionne en faveur du crime d'écocide

Les eurodéputés ont adopté leur position en faveur d'un renforcement de la protection de l'environnement par le droit pénal. Ils proposent d'inscrire une définition du crime d'écocide dans le droit européen. Le texte entre maintenant en négociations.

Risques  |    |  L. Radisson

« L'ensemble des groupes politiques du Parlement européen réclame désormais l'inscription de l'écocide dans notre droit interne, et sa reconnaissance au niveau de l'ONU », se félicite l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint. Mercredi 29 mars, lors de l'ouverture de la session plénière de l'assemblée européenne, sa présidente, Roberta Metsola, a annoncé le mandat du Parlement européen pour permettre le démarrage des négociations interinstitutionnelles sur la proposition de directive relative à la protection de l'environnement par le droit pénal.

Cette proposition (1) , qui vise à renforcer la directive actuelle qui date de 2008, avait été présentée par la Commission européenne en décembre 2021. Le Conseil de l'UE a adopté sa position sur le texte le 9 décembre 2022 et le Parlement vient donc de le faire en plénière, après un vote en commission le 21 mars 2023.

« Crime d'une gravité particulière »

Selon les considérants de la résolution du Parlement, « lorsqu'une infraction pénale environnementale cause des dommages graves et étendus, ou graves et à long terme, ou graves et irréversibles, à la qualité de l'air, à la qualité du sol ou à la qualité de l'eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions écosystémiques, ou aux animaux ou aux végétaux, une telle infraction devrait être considérée comme un crime d'une gravité particulière, et sanctionnée comme telle conformément aux systèmes juridiques des États membres, couvrant l'écocide, pour lequel les Nations unies travaillent actuellement sur une définition internationale officielle ».

“ Ces crimes massifs contre les écosystèmes et la santé humaine n'ont mené à aucune condamnation pénale proportionnée. ” Marie Toussaint, eurodéputée
« Cette définition reprend celle du panel d'experts international mis en place en 2021 sous l'égide de la fondation Stop Écocide », se félicite l'association Notre Affaire à tous, connue pour être à l'origine du contentieux climatique baptisé « L'Affaire du siècle » et dirigé contre l'État français. Les experts internationaux avaient défini le crime d'écocide comme des « actes illégaux ou arbitraires commis en sachant la réelle probabilité que ces actes causent à l'environnement des dommages graves qui sont étendus ou durables ». Ils proposaient de l'ajouter aux quatre crimes (génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, crime d'agression) qui figurent dans le statut de Rome, traité international fondateur de la Cour pénale internationale.

Un demi-siècle de discussions internationales

« Il aura fallu plus de cinquante ans de discussions internationales pour que le sujet de la reconnaissance de l'écocide, ces crimes les plus graves contre l'environnement, soit enfin sérieusement posé sur la table. Cinquante ans pendant lesquels le dérèglement du climat, la destruction de la biodiversité, les pollutions chimiques, l'acidification de l'océan, la déforestation... en somme : les atteintes mortelles au vivant, se sont démultipliées, le plus souvent dans l'impunité pour ses perpétrateurs », explique Marie Toussaint, également fondatrice de l'Alliance internationale des parlementaires contre l'écocide.

Quels sont les crimes environnementaux dans le collimateur des promoteurs de l'écocide ? C'est historiquement l'utilisation de l'agent orange par l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Mais c'est aussi la catastrophe chimique de Bhopal en Inde, les accidents nucléaires de Tchernobyl et Fukushima, les marées noires de la plateforme DeepWater Horizon aux États-Unis ou du navire Prestige en Espagne, ou encore la pollution par les déchets du navire Probo Koala en Côte d'Ivoire. Plus près de nous, c'est aussi le scandale du chlordécone, cet insecticide organochloré qui a continué à être utilisé aux Antilles françaises malgré la connaissance de ses effets toxiques pour la santé humaine et sa persistance dans l'environnement. Les plaintes qui avaient été déposées en 2006 ont abouti à un non-lieu en… janvier 2023.

« Ces crimes, pourtant massifs, contre les écosystèmes et la santé humaine n'ont en effet mené à aucune condamnation pénale proportionnée - entravant ainsi tout rôle dissuasif du droit pénal », s'indigne l'eurodéputée.

Obstacles à franchir

Plusieurs obstacles se présentent toutefois pour les promoteurs du crime d'écocide. D'une part, la mention de l'écocide ne figure que dans les considérants de la résolution adoptée par le Parlement européen et non dans ses articles eux-mêmes. D'autre part, le projet de texte doit ensuite faire l'objet de négociations en trilogue entre les représentants des trois institutions communautaires, selon un calendrier et une issue qui restent incertains.

« Si [les États membres] accèdent à la requête du Parlement européen durant les trilogues, ainsi que l'ont déjà fait la Belgique et la Finlande, nous fermerons la boucle ouverte par Olof Palme en 1972 (2) et redonnerons à l'Europe le rôle pionnier en matière de lutte contre la criminalité environnementale qui aurait toujours dû être le sien. Le Green Deal, l'urgence écologique, et cinquante ans de mobilisation internationale pour la reconnaissance de l'écocide les obligent », appuie en tout cas Marie Toussaint.

Mais tous les États membres ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde. « L'avis du gouvernement français, qui avait refusé de reconnaître le crime d'écocide comme le préconisait la Convention citoyenne pour le climat (pour le réduire à un simple "délit d'écocide" vidé de sa substance), aura un poids important dans ces négociations institutionnelles », souligne d'ailleurs Notre Affaire à tous.

Il reste que l'écocide ne constitue qu'une mention dans un texte qui comprend de nombreuses autres dispositions destinées à renforcer le droit pénal de l'environnement dans l'Union et dont certaines pourraient d'ailleurs se révéler plus efficientes. De nouvelles infractions, comme le commerce illégal de bois ou les violations de la législation sur les produits chimiques, sont ajoutées à la liste des crimes environnementaux. Un renforcement des peines est également prévu tant pour les personnes physiques que pour les entreprises. « Un autre élément clé de cette directive est l'investissement dans les mesures préventives et dans l'application de la loi en offrant une formation spécialisée aux juges, aux procureurs, aux policiers et au personnel judiciaire », a souligné le rapporteur du texte, Antonius Manders (PPE), lors du vote en commission.

« Le Parlement européen propose également la reconnaissance des crimes autonomes contre l'environnement », se félicite Marie Toussaint. « Avec cette nouvelle infraction, seront punies toutes les atteintes au vivant dont la valeur intrinsèque est enfin reconnue : il ne sera plus possible de se cacher derrière des autorisations administratives, obtenues de façon frauduleuses ou non, dès lors que le danger était connu », explique la députée européenne. Une proposition qui va dans le sens de celle formulée par le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, qui plaide pour la création d'un délit « générique et autonome » de mise en danger de l'environnement.

1. Consulter le rapport et la résolution du Parlement européen
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41477-droit-penal-environnement-rapport-parlement-ue.pdf
2. Le Premier ministre suédois avait plaidé pour la reconnaissance de l'écocide lors du premier Sommet de la Terre qui s'est tenu à à Stockholm en 1972.

Réactions1 réaction à cet article

Excellente et indispensable initiative !
Il y a cependant fort à parier que des États voyous en matière de transition écologique comme la France vont envoyer à Strasbourg des bataillons de lobbyistes pour tenter de la torpiller. A nos eurodéputés progressistes de se montrer inflexibles (et accessoirement incorruptibles...) tant le sujet est essentiel.

Pégase | 03 avril 2023 à 22h43 Signaler un contenu inapproprié

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