Alors qu'une pénurie de matières premières s'annonce, les pays industrialisés produisent toujours plus de déchets (868 millions de tonnes de déchets en France chaque année, dont 31 millions de tonnes de déchets ménagers) qui sont peu valorisés encore aujourd'hui. Par exemple, en 2006, le taux d'utilisation de matières premières secondaires était de 41,7 % pour l'acier, 38,2 % pour les métaux non ferreux, 60,5 % pour les papiers et cartons et 37,3 % pour le verre.
Pendant longtemps, les flux de ressources ont été pensés de manière linéaire, de l'extraction des ressources naturelles à leur enfouissement ou incinération, via leur transformation et leur consommation. Une véritable société du gaspillage.
De plus en plus, les sociétés industrialisées se tournent vers la valorisation. Pour preuve, la dernière classification des modes de traitement de déchets de l'Union européenne : prévention, réemploi, recyclage, autres formes de valorisation et, en dernier recours, élimination.
Mais les objectifs de valorisation peuvent se heurter aujourd'hui à certaines difficultés. Il est nécessaire de repenser entièrement le système linéaire actuel pour aboutir à une logique calquée sur les écosystèmes naturels. Pour cela, il s'agit de changer de paradigme : ne plus penser le produit du ''berceau à la tombe'' mais du ''berceau au berceau''. Autrement dit, créer une économie circulaire où les déchets d'un produit deviennent la matière première d'un autre.
Des produits ''du berceau au berceau''
S'il n'existe pas de produit zéro impact, il est possible de limiter l'impact des produits en réduisant la quantité de déchets générés et leur potentiel à causer des nuisances environnementales (toxicité...) et en pensant dès la conception les différentes voies de transformation et de valorisation des déchets.
C'est la démarche que tente d'impulser la marque certifiée ''cradle to cradle'', littéralement du ''berceau au berceau''. L'objectif de cette démarche impulsée par William McDonough, architecte américain, et Michael Braungart, chimiste allemand, est ''d'abolir la notion même de déchet'' en réinventant les processus de fabrication afin de faire émerger des solutions propres et de créer une économie où ''tout est réutilisé –soit retourné au sol sous forme de nutriments biologiques non toxiques, soit retourné à l'industrie sous forme de nutriments techniques pouvant être indéfiniment recyclés''. L'objectif est ambitieux mais déjà, près de 300 produits seraient certifiés cradle to cradle. Une moquette 100 % recyclable, des meubles évolutifs ou encore des collants compostables font partie des projets en cours… Des fabricants d'électroniques s'intéresseraient également à la démarche.
Repenser la notion de produit, vers une dématérialisation de l'économie ?
Si l'écoconception a un grand rôle à jouer dans la réduction d'impact des produits, il faut également repenser intégralement la notion même de produit. La consommation de masse a été poussée à son paroxysme, de manière que, pour vendre toujours plus, les industriels ont joué sur l'obsolescence des produits, planifiée ou perçue, concevant des produits à durée de vie limitée. Les nouvelles technologies en sont la caricature, à peine sortis sur le marché, les produits sont déjà dépassés. Ce modèle économique est décrié et certains industriels commencent à le repenser. Il s'agit aujourd'hui de fabriquer pour durer, en concevant des produits évolutifs, où le changement d'une pièce suffit à ''mettre à jour'' le produit (ordinateur, téléphone…).
Dans la même optique, certaines entreprises pensent aujourd'hui à louer plutôt qu'à vendre, s'orientant vers la notion de service. Conséquence majeure dans le cycle de fabrication : il est de l'intérêt, pour l'industriel, de fabriquer des produits dont la durée de vie est la plus longue possible, puisqu'il tire ses ressources de leur location et de leur maintenance. Mais c'est alors au consommateur de changer d'optique. Or posséder a longtemps été signe de réussite et de statut social…
Vers une responsabilisation des industriels
Conscients des enjeux et des limites du système actuel, de plus en plus d'industriels s'orientent d'eux-mêmes vers l'écoconception ou la dématérialisation de l'économie, poussés par les ONG.
Pour accélérer cette (r)évolution, les politiques ont développé depuis quelques années la Responsabilité élargie du producteur (REP), basée sur le principe pollueur-payeur. Les producteurs assument dans ces systèmes les coûts de gestion des déchets et sont donc plus à même de se pencher sur cette question.
La France a décidé d'aller plus loin en modulant l'écocontribution payée par chaque producteur de déchets électriques et électroniques (DEEE). A compter du 1er juillet prochain, celle-ci sera calculée en tenant compte du degré d'écoconception des produits, notamment la présence d'éléments polluants ou leur recyclabilité. Ces tarifs modulables constituent une première en Europe, qui aura valeur de test.
Confrontés à l'obligation de payer pour la gestion de leurs produits en fin de vie utile, les producteurs sont incités, en amont de la production, à faire des choix plus efficaces pour minimiser les déchets.