En Europe, "l'économie circulaire au maximum de ses potentialités pourrait permettre de réaliser jusqu'à 700 milliards de dollars d'économies sur les matériaux pour la seule production des biens de consommations", estime la Fondation Ellen MacArthur dans son analyse "Vers une économie circulaire : opportunités pour le secteur des biens de consommation".
Cette analyse pourrait apporter de l'eau au moulin de la table ronde sur l'économie circulaire qui se tiendra lors de la conférence environnementale des 20 et 21 septembre : un des axes développés vise précisément utilisation des déchets comme de nouvelles ressources à travers une nouvelle politique industrielle.
L'alimentation, le textile, l'emballage : différents secteurs du marché des biens de consommation présentent des opportunités économiques.
Ainsi prenant l'exemple de l'Allemagne, qui utilise des bouteilles en verre réutilisables pour le conditionnement de la bière, la Fondation Ellen MacArthur considère qu'une réduction de 20% du coût par hectolitre de bière vendu aux consommateurs est possible. "Cette option requiert une augmentation d'environ 34% de verre par bouteille, reconnaît la Fondation, un coût supplémentaire négligeable par rapport aux économies réalisées grâce à la réutilisation, jusqu'à 30 fois par bouteille".
Pour aller plus loin dans la démarche, la vente des déchets de la fabrication de la bière (1) au secteur de la pisciculture ou de l'élevage, comme au Brésil, pourrait engendrer un bénéfice de 1,9 à 2 dollars par tonne de bière, selon le rapport.
Des résidus de bière comme carburant
Autre exemple de recyclage : dans le Suffolk (comté dans l'est de l'Angleterre), une brasserie a choisi de valoriser ses résidus d'orge dans la production de biogaz. Ce dernier est ensuite injecté pour une partie dans le réseau. Il permettrait d'alimenter en énergie de chauffage et pour la cuisine près de 200 foyers.
"Si tous les pays d'Europe parvenaient à atteindre un taux élevé de collecte différenciée des déchets organiques des ménages, ils engrangeraient un gain pouvant se monter à plusieurs milliards de dollars, procurant ainsi à chaque municipalité une source nouvelle de revenus", pointe la Fondation Ellen MacArthur. Cette pratique autoriserait la production de biogaz et de compléments pour les terres agricoles.
En France, Ecofolio s'est penché, à travers la réalisation d'un livre blanc (2) , sur l'effet levier de l'économie circulaire pour la filière du recyclage du papier. Le contexte s'avère particulièrement difficile pour la filière bois-papier-impression (travail du bois jusqu'à l'imprimerie). Le déficit commercial pour les produits des industries du bois, papier, carton et de l'imprimerie s'est élevé à 4,4 milliards d'euros en 2012 (6% du déficit global de la France), selon le livre blanc.
"La montée en puissance du recyclage est probablement un des instruments qui pourra contribuer à la compétitivité de la filière ", estime Nicolas Bouzou, directeur fondateur du Cabinet de conseil Astères qui a conduit l'étude pour Ecofolio. Pour lui, l'augmentation structurelle des coûts que connaît la filière pourrait être contrebalancée par l'augmentation de la masse des papiers recyclés. Celle-ci permettra en effet la baisse du prix du papier et redonnera ainsi de la compétitivité au secteur.
"Aujourd'hui, la majeure partie du papier produit provient de pâte vierge que nous importons et la fabrication de cette dernière est plus énergivore, d'un facteur trois que la pâte recyclée", précise Géraldine Poivert, Directrice générale d'Ecofolio, vice-présidente en charge de la communication de l'Institut de l'économie circulaire.
La commande publique comme levier
En France, seuls 47% des papiers seraient recyclés, contre 75% en Allemagne. "Une mesure simple serait d'activer le levier de la commande publique : l'Etat et par exemple les organismes de sécurité sociale devraient imprimer leurs documents sur du papier recyclé", propose Nicolas Bouzou. Pour lui, les cahiers d'écoliers fournis dans certaines écoles devraient également être fabriqués avec du papier recyclé. "Cela ouvrirait le marché et permettrait aux entreprises de diminuer leur coût car leurs investissements seraient amortis", explique t-il.
Autre problème : la lourde facture pour la collecte et le tri des papiers en France. Le coût de gestion des papiers graphiques est en effet de 3,45 euros par habitant et par an, alors qu'il est situé dans une fourchette allant de 0,35 à 1,84 euro dans le reste de l'Europe, selon une étude Ecofolio. "Le coût est très élevé en France car nous ne faisons pas la distinction entre le papier graphique et les emballages, constate Nicolas Bouzou, il faudrait réduire les centres de tri et passer à une collecte en tri flux : si les ménages mettaient les papiers graphiques dans une poubelle dédiée, nous diviserions par deux la note".
Dans un rapport rendu le 10 septembre, Jean-Jacques Cottel (député SRC) et Guillaume Chevrollier (député UMP) posent également la question de la mise en place d'une éco-contribution pour des acteurs aujourd'hui exonérés comme la presse (ou les documents du service public).
Des actions au niveau territorial
Certains territoires français, confrontés à des problématiques particulières, s'intéressent d'ors et déjà à l'économie circulaire. Ainsi, l'intercommunalité du pays d'Evian, pour préserver la qualité de son eau et le maintien des AOC (reblochon et abondance), a pris en charge la gestion des effluents issus de l'élevage. Elle a acquis un terrain d'accueil pour une unité de méthanisation et a organisé la délégation de service public pour sa construction et son exploitation. Les agriculteurs vendent leurs effluents à l'unité et rachètent le digestat sous forme de compost prêt à être épandu.
Autre exemple sur le territoire de Dunkerque : la centrale à cycle combiné DK6 permet la valorisation énergétique de gaz sidérugiques auparavant brûlés dans l'atmosphère suite à un partenariat entre GDF Suez et Accelor Mittal de Dunkerque.