Jusqu'à 7% du budget et 20% des déchets des ménages pourraient être économisés si l'économie de partage était pratiquée dans des conditions vertueuses, selon une analyse de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) publiée le 14 juillet. Aujourd'hui, ces chiffres restent toutefois un doux rêve.
Se réappropriant des logiques anciennes comme la revente, le don, le troc ou la mutualisation, l'économie de partage semble en effet au premier abord contribuer à la construction d'une société plus sobre. Mais la réalité s'avère plus complexe, selon l'analyse de l'Iddri. "Le bilan environnemental du partage dépend de plusieurs conditions très spécifiques aux modèles considérés", explique l'Institut.
L'une des premières difficultés de l'analyse prend tout d'abord forme dans le sujet d'étude lui même : les limites de la définition de ce type d'économie ne font pas en effet pas consensus. "Selon les approches, plus ou moins d'élément sont intégrés, il y a des différences culturelles, selon les courants plus ou moins libéraux ou écologiques, précise Anne-Sophie Novel, corédactrice de l'analyse, la définition la plus reprise est celle de Rachel Botsman mais ce n'est pas forcément la plus adaptée…".
L'étude s'est donc penchée sur trois modèles de l'économie partagée : le réemploi, la mutualisation et la mobilité partagée (location de véhicules, covoiturage) et s'est interrogée sur leur contribution à la transition écologique.
Quels objectifs pour l'économie du partage ?
"Le problème de ces modèles d'affaires (…) est que la réduction du nombre de biens à produire, l'amélioration de leur qualité, de leur durabilité, et plus généralement la transition écologique ne sont pas nécessairement leurs objectifs", pointe le rapport.
Ainsi le programme de location longue durée de téléphone de Vodafone est couplé à une offre proposant de changer de téléphone tous les ans (deux fois plus rapidement que le rythme moyen actuel).
Pour ce qui concerne l'autopartage, les utilisateurs, ne l'utilisant pas comme une voiture individuelle, se tournent grâce à ce service vers un bouquet de mobilité, dont les transports en commun. Encore peu développé en France, le covoiturage entraîne des conséquences différentes selon les circonstances. Ainsi, sur des trajets domicile-travail, les trois quarts des usages correspondent à un report modal de la voiture individuelle, l'autre quart à un report depuis les transports en commun, selon l'Ademe. Sur de longues distances, il pourrait être amené à concurrencer des lignes de transports en commun, selon l'Iddri.
"Cette notion peut être à double tranchant, avance Anne-Sophie Novel, en réalisant des économies, nous pouvons voyager plus et donc polluer plus : nous manquons sur ce point d'études environnementales."
Passer du statut d'argument à celui d'objectif
Le comportement des acteurs de l'économie du partage apparaît donc comme déterminant pour une éventuelle plus-value environnementale.
"Aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités et de favoriser les modèles les plus vertueux", lance Anne-Sophie Novel.
L'étude de l'Iddri a retenu quatre types d'actions entreprises par deux villes pionnières en la matière (Séoul et San Francisco) : une visibilité accrue grâce à des actions comme des campagnes de communication ou une labellisation, des financements et incubateurs pour les projets innovants, l'adaptation de la réglementation aux nouveaux modèles et enfin une exemplarité des pouvoirs publics.
Tant que ces démarches "sont émergentes et à petite échelle, les initiatives du partage peuvent être soutenues par les pouvoirs publics car elles permettent d'explorer de nouvelles pistes pour la transition écologique, et peuvent ouvrir de nouvelles opportunités", estime le rapport."Mais passée une certaine échelle, elles doivent faire des efforts pour analyser leur bilan environnemental puis l'améliorer – dans un cadre transparent – sinon faire la preuve de leur bénéfice environnemental par des analyses de cycle de vie (ACV) ", modère-t-il.
Les consommateurs et entrepreneurs ont également un rôle à jouer dans la promotion de pratiques vertueuses. "La protection de l'environnement doit passer du statut d'argument à celui d'objectif, et dans les coalitions d'entreprises du partage, le lobby interne pour assurer leur durabilité pourrait avoir une place équivalente au lobby externe pour changer les réglementations", pointe l'analyse de l'Iddri.