La société de consommation héritée des Trente Glorieuses atteint ses limites tant au niveau social, économique qu'environnemental, analyse l'Ademe dans un nouvel avis favorable à l'économie de fonctionnalité, publié le 8 janvier. Au contraire, l'économie de fonctionnalité "consiste à valoriser les effets utiles d'une offre, c'est-à-dire les bénéfices apportés aux usagers et à la société plus généralement (par exemple : confort thermique des habitants, procédé industriel amélioré, réduction du gaspillage alimentaire dans les cantines ou encore amélioration du bien-être des salariés...). Elle concilie développement, emploi, bien-être des personnes et respect de l'environnement", souligne l'agence.
Il s'agit de replacer le besoin au centre de la relation entre le client et le prestataire, en ne vendant plus un bien ou un service mais le résultat attendu de ce bien ou service. Par exemple, au lieu de vendre une chaudière, un fournisseur vendra du confort thermique. "Le prestataire conservera la propriété de la chaudière et fournira l'énergie. Il aura donc tout intérêt à assurer une maintenance efficace de la chaudière et à garantir une consommation sobre et économique d'énergie", indique l'Ademe.
Un modèle gagnant-gagnant
L'exigence de résultat est au cœur de l'économie de fonctionnalité. Il s'agit donc d'évaluer les besoins, de construire une solution pour y répondre et des outils pour évaluer son efficacité. "Côté bénéficiaire, c'est la garantie d'une consommation plus en harmonie avec son juste besoin et sans propriété ; côté prestataire, ce sont des perspectives de revenus liés aux effets utiles (bénéfices comme par exemple des économies d'énergie chez les clients)... ", note l'Ademe. Cela favorise la durée de vie des produits et leur réemploi, plutôt que l'obsolescence qui est au cœur du système actuel pour pouvoir maintenir un marché du renouvellement. Le fournisseur gagne en valeur ajoutée par rapport à ses concurrents en développant une connaissance fine des besoins de ses clients et une relation de confiance.
Selon l'Ademe, tous les secteurs d'activité (industrie, agriculture, tertiaire...) peuvent s'ouvrir à l'économie de la fonctionnalité. Et de citer quelques exemples. Constatant un mauvais entretien de ses produits par ses clients, le fabricant de couteaux industriels AMV Méca a développé une offre pour limiter la casse rapide du matériel vendu. "La société propose ainsi de remplacer la vente pure et simple par une redevance au nombre de milliers de coupe". Elle fournit, affûte et graisse les lames et forme les futurs utilisateurs à leur bon usage. "Les avantages sont partagés : pour le client, une qualité de coupe constante, une meilleure disponibilité du temps machine, une réduction des rebuts ; pour le fournisseur : une durée de vie des lames plus longue, moins de ressources consommées, une image positive de son matériel".
Le fabricant de systèmes de conservation de produits frais Areco propose également une solution globale comprenant la mise à disposition des systèmes, l'accompagnement dans la gestion des rayons frais, l'information… "A la clef, des effets utiles pour tous : une réduction des pertes en produits frais et une attractivité accrue des rayons pour le magasin, mais aussi une offre de qualité pour les clients du magasin", résume l'agence. La rémunération est calculée en fonction de l'attractivité du rayon et de la réduction des pertes alimentaires, se traduisant par une augmentation du chiffre d'affaires du rayon.
Le développement d'offres de mobilité en libre-service (véhicules électriques, vélos…) participe du même concept. Finalement, l'économie de fonctionnalité replace l'humain et la proximité au cœur de l'échange. Chez les fournisseurs, elle s'accompagne d'une montée en compétence du personnel, d'une dynamique d'innovation et d'une augmentation de la richesse non-matérielle de l'entreprise, analyse l'Ademe. Elle constitue également un levier de développement économique local et durable.
Des bénéfices environnementaux à évaluer
Quid de ses bénéfices pour l'environnement ? "L'économie de la fonctionnalité se démarque du modèle industriel classique, qui s'appuie essentiellement sur les volumes de produits vendus et consommés. C'est une logique différente qui conduit à de vraies potentialités environnementales", estime l'Ademe. Ce modèle conduit à optimiser la durée de vie des produits, l'utilisation des ressources puisque le revenu ne provient plus de la vente de biens matériels mais de leur performance.
Du côté du consommateur, l'offre étant dimensionnée à ses besoins, les économies (d'énergie, des matières…) devraient aussi être au rendez-vous. "Il est toutefois nécessaire de pratiquer des évaluations environnementales sur des cas concrets de projets d'entreprises. Des arbitrages sont nécessaires pour l'évaluation de ces projets : enjeux de court et long terme, effets locaux et globaux, impacts et aménités environnementales... ", prévient l'Ademe.