Tandis que le recyclage figure parmi les 34 plans de reconquête de l'industrie française, un nouveau ministère s'est invité aux débats des 12èmes Assises bisannuelles des déchets organisées à Nantes début octobre, celui du Redressement Productif. Le ministère de l'Ecologie n'est donc plus seul représentant gouvernemental en lice dans la gestion opérationnelle des déchets en France. La filière intéresse au regard de son potentiel d'emplois non délocalisables et de reconversion d'activités.
Renforcer les filières pour soutenir l'innovation
"Si cette filière a vocation à devenir une filière d'excellence... Quelle tactique adopter ?", s'est interrogé Marc Dufau, chargé de mission économie circulaire au sein de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS). La réglementation peut être incitative pour soutenir les activités de recyclage mais elle a ses limites : "Dans la construction navale, qui est une des treize industries soutenue par un Contrat de filière stratégique (CFS), nous avons décidé de ne pas imposer de seuil d'incorporation de matières premières de recyclage (1) . Car parmi les utilisateurs potentiels, il y a une constellation d'entreprises dont certaines en difficulté", explique-t-il.
Obliger à une telle substitution implique en effet de faire évoluer la chaîne de production, et donc une prise de risque pour les industriels (grands groupes et PME) dont le corps de métier ne s'inscrit pas dans la filière déchets. Ce qui implique des partenariats solides entre industriels, exploitants dans le secteur du déchet, fournisseurs de technologies et financiers. Le fonds d'investissement Demeter Partners 3 de 350 millions d'euros, a voté l'an dernier un treizième fond destiné au capital-risque dans le secteur de l'environnement : 2 Mds€/an pour les PME et 200 M€ pour les Cleantech. "Sur les 1.500 entreprises qui nous sollicitent chaque année, de 100 à 150 sont dans le secteur des déchets, précise Grégoire Aladjidi, directeur du fond d'amorçage. Mais les innovations envisagées manquent de perspective des filières et des dynamiques de gisements".
Mieux répondre à la demande en matières premières
Ce n'est pas simple de passer d'une logique de déchets à une logique de ressources ni même d'oeuvrer dans une logique d'économie circulaire où la notion de proximité, née du besoin de gestion locale pour éviter les transports de déchets, prend une dimension mondiale lorsqu'il s'agit d'exportation de déchets pour valorisation... "Nous sommes face à un commerce international des déchets qui a crû de 7% par an en volume de 2003 à 2011, et de 25% par an en valeur dans un contexte d'écroulement du marché financier en 2009 et d'augmentation du prix des matières premières", a précisé Matthieu Glachant, professeur d'Economie à l'École des Mines Paris Tech.
Ce commerce de la matière première de recyclage participe au commerce mondial global qui a doublé en dix ans. Le plus gros poste est la ferraille (43% des flux de déchets à valoriser), puis viennent le papier, le plastique, l'aluminium et le cuivre. La Chine importe le quart des volumes échangés. Les Etats-Unis exportent le quart des volumes échangés. La France serait exportatrice nette de déchets (5% des volumes). "Si cela nous conduit à importer plus de matière première vierge, ce n'est pas bon pour la balance commerciale", a souligné Matthieu Glachant. Mais avec la disparition de la sidérurgie, la France n'a quasi plus besoin de ferrailles.
Massification des flux versus économie locale
"Les 10 millions de tonnes d'emballages usagés qui quittent l'Europe pour l'Asie chaque année ne pourraient ils pas être transformés en produits neufs ?", s'interroge Noël Mangin, administrateur délégué de l'organisme de reprise et de recyclage des emballages ménagers Revipac. Pour Carlos de Los Llanos, directeur du département recyclage d'Eco-Emballages, cela implique avant tout une prévisibilité de l'offre et la traçabilité des matériaux. "Le déchet est un produit fatal par nature hétérogène. S'il varie d'une transaction à l'autre, ça ne marchera pas", a-t-il averti.
Les papetiers par exemple attendent beaucoup des conventions volontaires de récupération des papiers de bureaux à un prix maîtrisé avec garantie de gisement, depuis l'affichage de la volonté politique. "Il faut provoquer une massification des flux de déchets à mettre sur le marché et pouvant être recyclés, dans une logique de la demande industrielle française", a souligné le député Dominique Potier, président du groupe d'études sur l'économie verte et l'économie circulaire de l'Assemblée Nationale. Mais pour la Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l'Environnement (FNADE), la taille des centres de tri présente un paradoxe : le besoin de massifier les flux et de faire des économies justifie des grands centres, tandis que les petits offrent des emplois locaux, dans un souci d'économie circulaire à boucles courtes. Autre avantage de la massification des flux : les investissements possibles dans les nouvelles technologies. "Certes, les machines coûtent cher, mais elles permettent la création de nouveaux flux, de nouveaux débouchés, de nouveaux métiers à plus forte valeur ajoutée", a assuré Thierry Gosset, directeur adjoint à la direction du développement industriel de SARP Industries.