
Si certains voient dans ces réflexions une tentative de marchandisation de la diversité biologique, les scientifiques s'en défendent, à l'image de Jean-Michel Salles, chercheur au CNRS et vice-président du groupe du rapport Chevassus-au-Louis, à l'occasion d'une conférence de presse organisée par le CNRS le 7 janvier dernier : ''l'idée d'évaluer la biodiversité n'a pas de lien avec sa marchandisation. Dans ce second cas, les prix seraient fixés par le marché ! Il s'agit au contraire d'évaluer les services rendus par les écosystèmes pour permettre des arbitrages lors de projets autoroutiers par exemple… C'est une demande qui vient du social, du politique. (…) Il est clair que la biodiversité est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls économistes !''.
L'idée est de démontrer l'importance des services rendus par la nature, le coût d'une perte de biodiversité et de son éventuelle compensation.
Mesurer la biodiversité : une nécessité pour lutter contre son érosion
Depuis le sommet de la terre de Rio et la conférence de Johannesburg en 2002, le suivi de la biodiversité est considéré comme une urgence. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la moitié des espèces de mammifères sont en déclin et un quart sont menacées d'extinction. La biodiversité représente la diversité de toutes les formes du vivant : les gènes, les espèces et les écosystèmes. 1,7 million d'espèces vivantes ont été recensées en 2006. Selon les scientifiques, au cours des 65 derniers millions d'années, la moyenne portait à une extinction par an pour un million d'espèces. Aujourd'hui, ce taux se situerait entre 50 et 560 fois le taux d'extinction attendu pour une biodiversité stable.
Lors du sommet de la Terre de Johannesburg, les dirigeants de la planète s'étaient engagés à ''ralentir significativement'' d'ici 2010 l'érosion de la biodiversité. Cet objectif n'a pas été tenu mais la biodiversité a été placée comme un enjeu majeur du siècle.
Les services écologiques fournis par la nature sont indispensables à l'espèce humaine. La hausse démographique, le développement de nouvelles technologies et activités, la surexploitation des ressources, les pollutions chimiques… pèsent de plus en plus sur les écosystèmes. Ces pressions, en fragilisant les écosystèmes, mènent à l'altération ou à la disparition des services fournis par ces milieux. L'épuisement des sols et leur pollution conduisent à une altération de leur capacité à filtrer l'eau, à une perte de leurs rendements agricoles, à une incapacité à lutter contre les intempéries… Mesurer l'ampleur des services rendus par la nature et leur donner une valeur économique permet de souligner l'utilité de la biodiversité et l'importance de la protéger.
De la difficulté d'évaluer la biodiversité
Mais l'évaluation pose des questions de subjectivité et de méconnaissance de la biodiversité. La vision des services rendus par la nature est anthropocentrée (utilité du point de vue humain) et forcément incomplète. De plus, la disparition ou la dégradation d'un milieu peut nuire à certaines espèces et profiter à d'autres, d'où la complexité d'appréhender cette problématique.
Donner une valeur économique à la biodiversité revient à poser la question de son utilité, de son éventuelle substitution. Que valent les services rendus par les insectes pollinisateurs et combien coûterait un éventuel remplacement de ce rôle par la technologie ? La question paraît surréaliste mais est en outre celle que posent les différents travaux d'économie de la biodiversité.
Cependant, ces initiatives visent à fournir une idée réaliste de l'état de la biodiversité, des pressions qu'elle subit et des réponses éventuellement apportées. Elles permettent également la mise en place d'un langage et d'un référentiel communs.