
Pas de déstabilisation des dépenses publiques
Les mesures du Grenelle, dans le domaine du bâtiment, des transports et des énergies renouvelables notamment, participeront à la relance de l'économie de manière substantielle, en générant une activité sur 12 ans d'environ 450 milliards d'euros, financés à hauteur de 170 Md€ par l'Etat et les collectivités territoriales et à 40/45% par autofinancement, précise le rapport*, présenté le 16 juin en présence de Jean-Louis Borloo. Cette croissance atteint un pic à 46 Md€ pour l'année de 2015. À cette date, la dépense de l'Etat s'élèvera à 11 milliards, soit 4% de sa dépense actuelle. BCG chiffre à 0,9 % du produit intérieur brut (PIB) l'effort annuel de financement public des mesures vertes. Il ne semble pas que ce plan soit de nature à déstabiliser les dépenses publiques, juge Marc Benayoun, directeur associé du BCG à Paris.
Selon le cabinet, sur la base d'un baril à 65 dollars, le programme permettrait une réduction d'un quart de la consommation d'énergie thermique (pétrole, gaz) à l'horizon 2020, dont 19% uniquement liés à l'impact Grenelle. Le gain, au terme du plan : un impact d'une quinzaine de milliards d'euros sur la balance commerciale de la France.
En termes d'emplois, le cabinet de conseil évalue à plus de 600.000 les emplois créés en moyenne sur la période 2009-2020, principalement grâce aux projets d'infrastructure, dans le secteur du BTP et en comptant les intérimaires.
Selon le BCG, bien que les politiques menées précédemment aient permis de réduire les pollutions et les émissions de GES, la France devrait encore réduire de 24% ses émissions de gaz à effet de serre entre 2007 et 2020. Les mesures du Grenelle contribueront à cette réduction à hauteur de 14%, soit environ 75 millions de tonnes
Vers un programme Post-Grenelle dès 2011 ?
Cependant ces efforts seront encore insuffisants pour atteindre l'objectif fixé de diviser par quatre les émissions polluantes de la France d'ici 2050 par rapport à 1990. Cet objectif nécessitera la mise en place de mesures supplémentaires, commente Marc Benayoun. Il faut lancer un deuxième programme au plus tard d'ici 2011. Donc commencer à y travailler dès l'an prochain, avertit Jean Louis Borloo.
Mais avant cela, le succès du Grenelle actuel implique un décollage très rapide et repose sur quatre conditions : la mobilisation des acteurs sur une vision commune, une gestion centralisée de l'ensemble des mesures, le développement d'une véritable politique industrielle et la gestion au fur et à mesure des difficultés spécifiques à chaque programme. Il faudra s'assurer que tous les acteurs [entreprises, administration et recherche] sont alignés et conserver la dynamique du Grenelle pendant 10 ans, insiste Marc Benayoun. La France, partie en outre particulièrement tard sur les renouvelables, doit absolument susciter des champions industriels, prévient-il.
Des champions industriels
Concernant les filières industrielles justement, le rapport préconise notamment d'accompagner le développement de la voiture électrique, de structurer et développer la filière biomasse en amont et de mettre en place les conditions favorables au développement de la filière aval collectif (créer des écosystèmes locaux, former les agriculteurs, simplifier les procédures administratives…). Concernant la biomasse individuelle, le cabinet conseil estime nécessaire le développement d'une offre française en appareils à haut rendement et d'accélérer le remplacement du parc ancien. Dans le domaine de l'éolien Offshore, le rapport suggère la mise en place d'une politique de stimulation de l'offre afin de permettre aux acteurs français de démontrer leur savoir-faire pour se développer à l'export. Il faudra pour cela financer la R&D sur les nouvelles technologies off-shore et financer des démonstrateurs de grande envergure à forte composante technologique, commente Marc Benayoun. Enfin pour soutenir l'industrie française du CCS à l'export et élargir le marché disponible pour les industriels français, il s'agira de développer un centre d'ingénierie en France de dimension mondiale et d'évaluer l'opportunité de contribuer au financement d'un pilote de CCS sur un site industriel fortement émetteur de CO2. Cela nécessitera de participer à des programmes internationaux de pilotes industriels et de finaliser la directive européenne.
Une évaluation qui tombe à point nommé…
Cette évaluation ne pouvait pas tomber mieux ! Premièrement elle étaye quasiment point par point les axes stratégiques définis par le Ministère qui… en est le commanditaire. Aurait-il pu vraiment en être autrement ? Mais surtout, elle a été rendue publique au moment où l'examen en seconde lecture du projet de loi-programme du Grenelle à l'Assemblée nationale vient de se terminer et avant que la première lecture du Grenelle 2 passe en séance publique. Une manière pour Jean Louis Borloo de montrer les bénéfices d'une économie verte à l'opinion publique et aux députés.
Pourtant, pour Fédération France nature environnement (FNE), le gouvernement slalome entre relance grise et relance verte. D'un côté le plan de relance présenté en janvier dernier qui investit dans la route et le nucléaire, réduit le contrôle environnemental des activités industrielles et préconise la réduction des enquêtes publiques. De l'autre, le Grenelle de l'environnement dont le Boston Consulting Group démontre l'intérêt écologique et économique. Il est temps d'y voir clair ! Le Gouvernement […] doit investir clairement dans les programmes du Grenelle de l'environnement, avertit Bruno Genty, responsable de la mission « économie verte » à FNE.
De son côté, Corinne Lepage, présidente de Cap 21 et Vice-présidente du Mouvement Démocrate, regrette un manque de cohérence des politiques et rappelle qu'il faut urgemment changer de paradigme et faire de l'économie un sous-ensemble de l'environnement et non l'inverse. Tout en se réjouissant que l'économie verte fasse son chemin, elle se dit inquiète des dérives que cela entraîne. Cette évolution soutenable doit permettre un développement des PME en France. Rien ne serait plus grave que de voir ce secteur subtilisé par les seules multinationales qui choisiraient en fonction de leur seul profit de court terme, les technologies et évolutions souhaitables pour l'ensemble de la société et au rythme qui leur conviendrait, argumente-t-elle.
Enfin, les Verts parlent de gouvernement schizophrène. Les députés écologistes ont déjà annoncé qu'ils s'abstiendraient lors du vote final du Grenelle 1 considérant que les amendements adoptés ont consisté à raboter et à réduire l'ambition initiale du texte. Yves Cochet, député Vert de Paris, déplore de nombreuses orientations inacceptables : les niveaux de performance exigés pour la rénovation thermique et la construction des logements ont été très nettement abaissés, la taxe poids lourds est affaiblie, les centrales à charbon sont relancées, les pesticides bénéficient de dérogations pour échapper aux objectifs de réduction, les projets d'autoroutes sont confirmés, le nucléaire est passé sous silence.
Sans oublier le nouveau régime simplifié pour les installations classées adopté dans le cadre du plan de relance. Quant à la taxe carbone, la mise en œuvre hypothétique est repoussée en 2011, écrivent dans un communiqué, les portes-parole du parti écologiste.
*Rapport : réflexions sur le portefeuille de mesures du Grenelle environnement