L'impact des pics de consommation
Le parc français a de plus en plus de difficultés à répondre à ces évènements. Les centrales nucléaires, qui fournissent près de 77 % de l'électricité française, ne répondent que partiellement aux besoins de pointe. Une centrale fonctionne en effet de manière quasi continue. Il est donc nécessaire de recourir à des moyens de production de pointe. Ceux-ci fonctionnent actuellement près de 3.000 h par an, contre 5.000 pour les centrales nucléaires. Ces solutions sont coûteuses et fortement émettrices de gaz à effet de serre. Il s'agit de s'appuyer sur des centrales au fioul ou au gaz mais aussi d'acheter de l'électricité aux voisins européens, l'Allemagne en tête. De ce fait, depuis 1990, la part des énergies fossiles dans la production d'électricité française a augmenté de près de 25 %. Les pics de consommation pourraient à long terme mener à des investissements dans des turbines à combustion fonctionnant au fioul ou au gaz afin d'éviter les risques de défaillance.
D'autres solutions sont développées pour mieux gérer l'équilibre entre l'offre et la demande. Tarification incitative, nouvelles technologies et effacement pourraient permettre de limiter les pics. Toutefois, ces solutions ne sont pas encore développées à grande échelle et il est difficile aujourd'hui de dire quelle sera leur contribution à l'équilibre du système. De plus, réduire la demande de pointe ne signifie pas forcément réduire la consommation mais seulement reporter la consommation avec un risque : le report de pointe.
Inciter l'effacement diffus
Outre la mise en place d'une tarification incitative visant à favoriser la consommation hors période de pointe, il est souvent nécessaire de recourir au dispositif dit d'effacement lors des pics de consommation.
Le gestionnaire de réseau demande à certains industriels de s'effacer, pour jouer les variables d'ajustement lors des périodes de pointe. Un contrat d'effacement de jour de pointe a été mis en place en 1994 avec certains industriels de la sidérurgie, de l'automobile ou de la chimie. Ceux-ci bénéficient d'un tarif très réduit auprès d'EDF, à condition de s'effacer 22 jours par an entre novembre et mars en période de pointe. Les entreprises sont prévenues la veille et sont organisées pour s'effacer. Elles peuvent mettre certaines usines en veille ou s'appuyer sur des groupes électrogènes. En 2008, la capacité d'effacement était de 2 GW.
Cette stratégie d'effacement est également développée auprès des particuliers. Le tarif Tempo a été mis en place par EDF en 1996. Il concerne aujourd'hui 1,2 % des clients résidentiels et 3,4 % des clients professionnels. Cela a permis une diminution des consommations de 60 % les jours rouges (jusqu'à 300 MW d'effacement cumulés) et de 24 % les jours blancs (jusqu'à 150 MW d'effacement cumulés).
L'effacement diffus, portant essentiellement sur des installations de chauffage et les équipements électroménagers, devrait se développer davantage dans les années à venir : ''il y a un potentiel énorme d'effacement chez les particuliers et dans le secteur tertiaire. Toutefois, certains usages captifs échappent à l'effacement, comme la lumière par exemple'', note Jacques Percebois, spécialiste de l'énergie et professeur d'économie à l'université Montpellier I.
Pour faciliter ces effacements, de nouvelles technologies sont développées. Le déploiement annoncé des compteurs intelligents devrait faciliter l'effacement diffus. ERDF, gestionnaire de réseau, prévoit de tester Linky à partir de 2010, un compteur communiquant à Lyon (200.000 clients équipés) et en Indre-et-Loire (100.000 clients équipés) avant le déploiement, à l'horizon 2016, de 33 millions de compteurs intelligents.
Des clarifications juridiques nécessaires
Plusieurs sociétés se sont spécialisées aujourd'hui dans l'effacement diffus. Via des boîtiers installés chez les consommateurs, elles peuvent activer à distance des effacements. Cela peut se traduire par un arrêt, pendant 15 minutes, des systèmes de chauffage.
Sous réserve qu'elles puissent activer une baisse de consommation globale d'au moins 10 MW, ces sociétés peuvent valoriser ce service sur le Mécanisme d'Ajustement qui permet à RTE de compenser les déséquilibres entre injections et soutirages sur le réseau français.
Cependant, une réelle difficulté à été identifiée : la question de la rémunération des producteurs d'électricité dont la consommation a été effacée. Une délibération de la commission de régulation de l'énergie (CRE) publiée le 17 juillet dernier, a estimé que ''la loi du 10 février 2000 impose, dans le cadre du mécanisme d'ajustement, que l'opérateur d'effacements diffus rémunère les fournisseurs dont les clients se sont effacés pour l'énergie injectée par ces fournisseurs et valorisée par l'opérateur d'effacements diffus''. Ce qui ne favorise pas l'effacement diffus, bien au contraire.
Les offres d'ajustement soumises à RTE sont sélectionnées sur le principe de la préséance économique : RTE sélectionne en priorité les offres les moins chères. Or, l'augmentation de la production apparaît aujourd'hui plus avantageuse sur le plan financier que l'effacement.
Le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer a pris connaissance de la délibération de la CRE mettant en évidence l'existence d'obstacles juridiques et financiers au développement d'offres innovantes d'économies d'énergie. Un groupe de travail a été mis en place le 3 juin dernier. Sa mission sera de formuler des propositions sur ce sujet. Le groupe de travail devra notamment identifier la façon de favoriser les offres d'effacement en période de pointe. Ses conclusions sont attendues avant la fin de l'année 2009.