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Actu-Environnement

Un nouvel indicateur pour évaluer l'effet cumulé des pesticides dans les lagunes

MAJ le 13/01/2020

L'Ifremer, l'agence de l'eau RMC et l'Université de Bordeaux se sont penchés sur un nouvel indicateur qui révèle le risque écologique lié au cumul de pesticides dans les lagunes méditerranéennes. Huit sites sur dix présentent un risque fort.

Eau  |    |  D. Laperche
Un nouvel indicateur pour évaluer l'effet cumulé des pesticides dans les lagunes

« Nous avons évalué pour la première fois le risque lié au cumul de pesticides : même présents en-deçà de leurs valeurs-seuils individuelles, les pesticides peuvent voir leurs effets s'additionner et nuire au fonctionnement des écosystèmes lagunaires et aux organismes qui y vivent : à leur reproduction, leur développement ou encore leur immunité », pointe Dominique Munaron, chercheur en chimie de l'environnement au laboratoire Environnement Ressources Languedoc Roussillon de l'Ifremer à Sète.

Son équipe, ainsi que des scientifiques partenaires (1) , ont réalisé un suivi d'une sélection de pesticides présents dans l'eau de 10 lagunes méditerranéennes (2) entre 2017 et 2019. L'objectif ? Affiner l'état des lieux réalisé dans le cadre de l'atteinte de l'objectif de bon état des masses d'eau, demandé par la Directive cadre sur l'eau (DCE) et préciser le risque écologique occasionné pour les écosystèmes.

D'une manière générale, dans le cadre du suivi communautaire, la teneur en substances dites prioritaires retrouvées dans les eaux est comparé à une norme de qualité environnementale (NQE). La masse d'eau est considérée en bon état chimique si la teneur de chacun des polluants ne dépasse pas le seuil lui correspondant.

Si, pour les auteurs de l'étude (3) , cette photographie est indispensable pour harmoniser les suivis à l'échelle européenne et permettre de mettre l'accent sur certains polluants, ils pointent la nécessité de compléter cette approche par des diagnostics locaux plus proche de la réalité du terrain. En particulier pour les écosystèmes lagunaires, à la fois exposés aux pesticides (usages agricole et urbain) et aux biocides (par exemple antifouling (4) ).

Les effets des mélanges pas pris en compte aujourd'hui

« Le nombre de pesticides prioritaires disposant de NQE et participant à l'évaluation de l'état chimique est extrêmement limité - 22 substances dont seulement 3 encore autorisées d'utilisation - en comparaison du nombre de matières actives en usage aujourd'hui - 479 à l'échelle Européenne - et du nombre de substances retrouvées dans les eaux lagunaires - jusqu'à plus d'une trentaine simultanément, détaillent-ils dans leur rapport. Ensuite, les effets des mélanges ne sont pas pris en compte à l'heure actuelle par la DCE, enfin, les campagnes DCE sont réalisées une fois tous les 3 ans, alors que la plupart de ces substances sont aujourd'hui hydrophiles et leur transport dans l'environnement est fortement lié au cycle de l'eau et aux précipitations. En climat méditerranéen, celles-ci peuvent induire de fortes variations saisonnières des apports qui ne sont pas non plus pris en compte actuellement ».

Un nouvel indicateur de risques cumulés

Pour mieux prioriser les risques d'exposition aux pesticides (QR) des lagunes, les scientifiques ont élaboré un nouvel indicateur - le quotient de risque. « Pour définir ce nouvel indicateur de risques cumulés, nous avons transposé aux écosystèmes marins les connaissances acquises sur les effets toxiques de ces mélanges sur l'Homme, explique Dominique Munaron. Bien que perfectible, cet indicateur appliqué de la même manière sur l'ensemble des sites permet de préciser et comparer le risque « pesticides » en fonction des lagunes, des groupes d'espèces, des périodes ou années de suivi ». Ce dernier se base sur une liste de substances et une stratégie d'échantillonnage adaptée au contexte régional méditerranéen. « Cet indicateur est en accord avec la règlementation DCE - via l'utilisation des NQE pour les substances prioritaires -, mais permet d'aller au-delà de l'évaluation classique molécule par molécule en prenant également en compte de manière simplifiée et pragmatique, l'effet chronique du mélange de pesticides présents dans l'eau », notent les scientifiques dans leur rapport.

8 lagunes sur 10 présentent un risque fort écologique lié aux pesticides

Durant trois semaines à trois périodes de l'année, grâce à des échantillonneurs passifs (5) - capables de détecter les composés présents à de faible concentration - les scientifiques ont recherché 72 substances actives et métabolites d'intérêts pour les lagunes. Ils ont ensuite passé leur résultat au crible du nouvel indicateur, le quotient de risque.  « Les 72 substances suivies ont été sélectionnées parmi les 325 pesticides détectés dans les cours d'eau de la région lors d'une précédente étude, précise Karine Bonacina, directrice régionale de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Nous nous doutions que leur impact écologique devait s'aggraver en aval des cours d'eau mais nous ne pensions pas que le risque dû à leur cumul serait aussi élevé pour les écosystèmes lagunaires ».

“ Cette étude modifie notre regard ; elle met en lumière l'urgence de prendre en compte les cocktails de pesticides et leurs effets sur ces milieux naturels ” Karine Bonacina, directrice régionale de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse.

Au final, huit lagunes sur dix présentent un risque écologique chronique fort pour toutes les périodes suivies au cours de l'étude. Parmi les sites considérés comme les plus à risque vis-à-vis de la problématique des pesticides figure en premier plan, l'étang de l'Or (Mauguio) suivi de celui de l'Ayrolle (Gruissan) et Méjean (Montpellier). A l'inverse ; les étangs de La Palme (Narbonne) et de Biguglia (Bastia) ont présenté des périodes de risque chronique peu préoccupant.

En moyenne entre 15 et 39 pesticides sont retrouvés dans chaque lagune. En supprimant l'effet lié aux dépassements individuels des valeurs seuil des molécules, l'effet des mélanges de substances entraînerait encore un risque chronique pour 84% des prélèvements.

« Aucune substance « prioritaire », n'a dépassé sa valeur-seuil au cours de l'étude, constate l'Agence de l'eau Rhône méditerranée Corse. En revanche, 10 substances considérées (6) comme « non prioritaires » l'ont franchi, occasionnant chacune un risque pour les écosystèmes lagunaires. Deux herbicides inquiètent particulièrement les scientifiques : le s-métolachlor et le glyphosate ».

La prise en compte de « drivers » de pesticides

Les scientifiques les considèrent comme des "drivers du risque pesticide" en lagune : sans tenir compte de l'effet lié au mélange, ces substances entrainent un risque chronique pour les écosystèmes. Outre la limitation de leurs usages, des doses homologuées ou de leurs transferts dans l'eau par la mise en place de mesures agro-environnementales, les scientifiques conseillent leur inscription comme des substances spécifiques de l'état écologique de la DCE voir comme substances prioritaires.

« Cette étude modifie notre regard ; elle met en lumière l'urgence de prendre en compte les cocktails de pesticides et leurs effets sur ces milieux naturels. Grâce à ces nouvelles données, nous disposons d'informations concrètes pour agir en amont sur les usages des pesticides qu'ils soient d'origine agricole, urbaine ou industrielle », pointe Karine Bonacina.

Selon les partenaires, ce protocole de suivi devrait être reconduit sur l'ensemble des 10 lagunes de Méditerranée ces prochaines années et pourrait être appliqué à l'avenir aux lagunes et estuaires des autres façades maritimes françaises.

1. L'Ifremer, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse et l'Université de Bordeaux 2. Les étangs de Canet, de Bages-Sigean, de l'Ayrolle, de la Palme, de Thau, de Vic, du Méjean, de l'Or, de Berre, et de Biguglia. 3. Télécharger les résultats de l'observatoire des lagunes (Obslag) méditerranéennes (Bilan 2017-2019)
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-36442-observatoire-lagunes-Obslag-ifremer-agence-eau-rmc-universite-bordeaux-pesticides-effets-cumules.pdf
4. Lire Biocides : quelles alternatives possibles ?<br /><br /><br />
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/biocides/alternatives.php
5. Lire Bon état chimique : quel suivi des substances prioritaires ?<br /><br /><br />
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/metrologie-eau/bon-etat-chimique-suivi-substances-prioritaires.php
6. 5 herbicides (chlorotoluron, ametryn, métolachlor et ses deux métabolites, métolachlor ESA et OA), 4 fongicides (propiconazole, azoxystrobine, carbendazim et tebuconazole) et 1 insecticide (imidacloprid)

Réactions1 réaction à cet article

Notez que le mot cocktail n'est jamais utilisé dans l'étude ou par les chercheurs. Seules Madame Bonacina, directrice de l'agence et Madame Laperche dans le titre de l'article, s'y sont osé.
L'étude ne parle pas d'effet cocktail mais simplement de la somme des effets. Les pesticides ont une NQE propre mais il existe aussi des seuils pour la somme des pesticides. C'est ce dont il s'agit ici. L'effet cocktail quant-à lui est encore très peu documenté mais on estime que sa toxicité peut dépasser largement (d'un facteur 10 ou plus) celle de la somme des molécules le composant.

bIBU | 09 novembre 2020 à 11h07 Signaler un contenu inapproprié

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