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Elections américaines : Barack Obama face au déni de crise climatique

Alors que le cyclone Sandy a durement frappé la région de New York, le président Obama, réélu le 7 novembre, n'a pas fait du réchauffement une priorité de son prochain mandat, alors que l'opinion est de plus en plus inquiète pour l'avenir climatique du pays.

Décryptage  |  Gouvernance  |    |  A. Sinaï

Les Américains seraient de plus en plus inquiets : 70% d'entre eux, selon une enquête de l'université Yale croient dans la réalité du changement climatique, contre 57% en janvier 2010. Et plus de la moitié l'attribuent aux activités humaines. Depuis le passage de Sandy, les médias s'animent. Bloomeberg Businessweek du 1er novembre titre : "C'est le changement climatique, idiot!". Pourtant, les mots "changement climatique" n'ont pas été prononcés par le président Obama, réélu le 7 novembre, lors des trois débats télévisés qui ont ponctué la campagne. Pour Barack Obama et son adversaire républicain Mitt Romney, les mots "changement climatique", "réchauffement planétaire" ou "gaz à effet de serre" sont virtuellement inconnus, notait l'agence AP, à l'issue des trois débats présidentiels. Sur les cinquante mille mots qu'ont prononcés les deux candidats, ils ont réussi à passer ceux-là à la trappe. Le candidat démocrate s'est lui-même étonné ingénuement, lors d'un entretien sur la chaîne MTV le 26 octobre, que la question du réchauffement climatique n'ait pas été abordée dans les débats. Le président sortant a dressé un bilan plutôt positif de son administration en matière environnementale tout en reconnaissant "ne pas aller aussi vite qu'il le faudrait". "C'est un problème que les générations futures devront gérer bien plus encore que la vieille garde", a-t-il reconnu.

Quatre jours plus tard, l'ouragan Sandy, cette tempête monstre d'un type inconnu, qualifiée de "Frankenstorm" par les médias américains, frappait la côté Est et dévastait le New Jersey, comme un signal que ce sont non seulement les générations futures, mais des dizaines de millions d'habitants des Caraïbes et de la façade Est des Etats-Unis qui ont rendez-vous avec une époque climatique extrême. Ce ne sont pas les signes avant-coureurs qui ont manqué. En 2012, tous les records de température ont été battus aux Etats-Unis. Une sécheresse exceptionnelle a affecté le Midwest. "L'augmentation du nombre de catastrophes naturelles n'est nulle part ailleurs aussi évidente qu'en Amérique du Nord", indiquait un rapport de Münich Re, l'une des plus grandes firmes de réassurance, publié le 17 octobre dans l'indifférence générale. Selon cette enquête, qui porte sur la période 1980 à 2011, le continent nord-américain est celui qui a connu le plus grand accroissement dans ce que l'institut appelle les "pertes financières dues à des événements météorologiques". Dans cette période, 30.000 personnes ont perdu la vie du fait de ces catastrophes, dont le coût s'est élevé à 1.060 milliards de dollars (820 milliards d'euros). Le rapport note que le nombre de ces événements a quintuplé alors qu'il n'était que multiplié par deux en Europe. Si divers facteurs ont contribué à ce phénomène, dont l'augmentation du nombre de personnes qui habitent des zones inondables, l'étude incrimine au premier chef le changement climatique.

Du déni au déclic ?

Pour la spécialiste de l'environnement du New Yorker, Elizabeth Kolbert, le déni américain sur le climat est stupéfiant. "Qu'est-ce qu'il faudra pour que la politique américaine accepte la réalité du changement climatique ?", note-t-elle dans son blog. "Une semaine avant le jour de l'élection, le passage de Sandy rend encore plus grotesque le fait que le changement climatique ait été complètement ignoré pendant cette campagne". Dans sa chronique du New York Times, le journaliste Andrew Revkin s'interroge sur ce déni et cite George Marshall, expert de la communication sur le climat : "La conscience du changement climatique est complexe et façonnée par des attitudes socialement construites. Il est important de reconnaître que bien des obstacles sociaux et culturels à la croyance ne sont pas annulés par des impacts majeurs, voire peuvent en être renforcés". L'auteur évoque son séjour au Texas après les incendies sans précédent de 2011, qui n'ont pas, selon lui, accru la sensibilité de la population au changement climatique, mais en revanche, ont consolidé un fort sentiment de cohésion sociale et l'affirmation d'un défi collectif face à ces événements, qui, au final, ont stimulé la croissance de cette région du centre du Texas, peut-on lire sur le blog Climate Change Denial. Au final, le changement climatique et les situations de catastrophe renforceraient les récits de cohésion de la collectivité, qui tend d'abord à vouloir survivre et persévérer dans son modèle.

Au cours de son mandat à la Maison Blanche, Barack Obama n'a fait que de modestes progrès sur les questions climatiques. Les standards d'efficacité des carburants vont cependant permettre de réduire de moitié les émissions des voitures neuves et des camions d'ici à 2025. La Californie, en pointe sur le sujet, avait essayé d'entraîner le gouvernement fédéral à agir, mais l'administration Bush était restée indifférente. L'administration Obama, s'appuyant sur l'Agence nationale de protection de l'environnement, l'EPA, et ses agences fédérées, a utilisé la législation sur la qualité de l'air, adoptée en 1990, pour mettre en œuvre un début de limitation des gaz à effet de serre dans les principales sources industrielles d'émission. Les régulations pour réduire le mercure, le carbone et les autres émissions issues des centrales à charbon ont contraint les industriels à fermer les installations les plus polluantes. Par ailleurs, la production d'électricité renouvelable a doublé dans le pays grâce aux investissements dans les filières solaire et éolienne. Les énergies renouvelables ne représentent que 15% du mix énergétique national. Le stimulus package de 2009 a déboursé quelque 90 milliards de dollars dans les énergies et les emplois verts, ce qui représente le plus grand investissement jamais accordé dans ce domaine aux Etats-Unis.

Addiction fossile et luttes environnementales

Le pays est loin d'être sorti de son addiction aux énergies fossiles. Alors que la Silicon Valley est en quête du Graal des biocarburants de 3ème génération à base de micro-algues transgéniques, les gaz et huiles de schistes restent le moteur à court terme de l'autonomie énergétique du pays. Les Américains ont découvert ces dernières années qu'ils disposaient d'un stock abondant de ces ressources fossiles, exploitées dans plusieurs Etats américains grâce à une technologies nouvelle, la fracturation hydraulique. Réélu, le président Obama va-t-il confirmer le projet d'oléoduc Keystone XL, qui a suscité une vaste mobilisation, soutenue par la campagne 350.org et le climatologue américain James Hansen ? Ce dernier prône inlassablement une taxe carbone plutôt qu'un marché de quotas. Dans un éditorial paru le 9 mai dans les pages débat du New York Times, il affirme que le développement des schistes bitumineux signifie "la fin du jeu" ("game over") pour le climat. A cette analyse, le président Obama répond que les Etats-Unis ne peuvent pas influencer le choix du Canada de développer les schistes bitumineux. Et ne renonce pas à subventionner les énergies fossiles, face à son adversaire républicain Mitt Romney, dont la campagne est en partie financée par les industries du pétrole. Une décision récente de la Cour Suprême a, de fait, rétabli la possibilité pour les compagnies pétrolières et fossiles de financer la campagne présidentielle. A la mi-septembre, elles avaient déboursé 150 millions de dollars pour diffuser des publicités contre les énergies vertes et pour financer la campagne pro-énergies fossiles du candidat républicain Mitt Romney.

Un nouvel ennemi intérieur

En 2009, la Chambre des Représentants a adopté une importante législation sur le climat, mais le Sénat ne l'a jamais entérinée, du fait de l'opposition virulente des conservateurs du Tea Party, mais aussi de certains démocrates. L'administration Obama a abandonné le projet, préférant concentrer ses efforts sur une autre bataille, celle de la réforme de l'assurance sociale de l'Obama Care. En 2010, les Républicains ont obtenu le contrôle de la Chambre, rendant encore plus difficile la poursuite des réformes engagées par Barack Obama. Dans ces conditions, il paraît peu probable que le Président puisse remettre sur la table le dossier climatique, tant qu'il ne peut s'appuyer sur aucune majorité parlementaire. Pour l'heure, la récession du pays est le facteur numéro un de ses réductions d'émissions : celles-ci ont chuté de 6,6% entre 2008 et 2009 en raison de l'effondrement de l'économie.

Dans les années à venir, le Président réélu devra sans doute s'atteler à remettre en état les infrastructures vétustes du pays, de moins en mois résilientes à des inondations de plus en plus récurrentes. Le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, et le maire Michael Bloomberg ont récemment plaidé pour l'édification de digues de protection de la ville et de systèmes d'étanchéité pour le métro new yorkais. Pour David Rothkopf, directeur de Foreign Policy, les financements de ces travaux pourraient provenir de redéploiement de crédits jusqu'à présent dédiés aux bureaucraties du département de la sécurité intérieure créé après le 11 septembre 2001. Le changement climatique risque bel et bien d'être le nouvel ennemi intérieur.

Réactions4 réactions à cet article

Le réchauffement climatique n'était pas très présent dans la campagne. Par contre Obama l'a cité dans son court discours à Chicago juste après sa victoire (3 défis dans la même phrase : dette, inégalités et réchauffement climatique)

pablo | 08 novembre 2012 à 09h24 Signaler un contenu inapproprié

Ibid to Pablo.

Extrait du discours de "BO" : "Nous voulons que nos enfants vivent dans une Amérique qui n’est pas plombée par la dette, affaiblie par les inégalités, qui est menacée par le pouvoir destructeur d’une planète en réchauffement".

GGGreen | 08 novembre 2012 à 11h11 Signaler un contenu inapproprié

Pour avoir voyagé souvent aux USA, il m'est arrivé un jour de me trouver nez à nez avec une stèle à la mémoire des Amérindiens (entre l'Arkansa et le Texas). Il était écrit "We deeply regret to . . ." je ne me souviens plus du texte exact, mais le message était clair: ils regrettaient d'avoir fait disparaître ces peuples. Il est vrai que cela n'engage plus beaucoup de l'écrire, une fois le forfait accompli.
Mais ils sont comme ça, les américains. Et j'imagine qu'un jour ils seront tentés d'ériger des stèles où, à propos de la catastrophe écologique bien installée, ils inscriront leurs regrets de n'avoir pas su comprendre à temps qu'il fallait se modérer.
Il y a juste que très, très, rares seront les personnes qui liront ces messages de regret.
Ainsi vont les choses chez l'oncle Sam (n'en tirons pas orgueil, nous ne sommes pas sortis d'affaire non plus).

Aloyse | 08 novembre 2012 à 22h32 Signaler un contenu inapproprié

La « croissance verte » est quant à elle un miroir aux alouettes. Le « verdissement » de grands groupes financiers comme Goldman Sachs ou Deutsche Bank tend à me convaincre que la « croissance verte » a été une belle escroquerie visant à instrumentaliser l'écologie pour promouvoir une « bulle » verte de pure spéculation sans le moindre souci réel pour l'environnement

Antoine WS | 08 octobre 2013 à 20h12 Signaler un contenu inapproprié

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