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Actu-Environnement

Élections américaines : Obama et Mac Cain, entre société post carbone et perpétuation des énergies fossiles

Au-delà du consensus entre les deux candidats en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis à l'horizon 2050, les clivages entre leurs programmes révèlent deux visions fondamentalement divergentes de l'avenir énergétique. Analyses.

Décryptage  |  Energie  |    |  A. Sinaï
Au cours de sa vie, chaque Américain né en 2008 consommera 310.000 litres de pétrole. Les Etats-Unis demeurent le pays du monde où la consommation d'énergie primaire par habitant est la plus élevée : deux fois plus que celle d'un Européen, quatre fois celle d'un Chinois. En 2003, les Etats-Unis ont importé près de 485 millions de tonnes de pétrole brut, soit environ 10 millions de barils par jour.
La guerre d'Irak a permis aux Américains de contrôler les vastes réserves pétrolières du pays en écartant les compagnies chinoises, russes et européennes. La forte présence américaine en Asie centrale et dans le Caucase sert à protéger l'accès aux réserves d'hydrocarbures de la mer Caspienne et l'acheminement du pétrole et du gaz vers l'Occident. Destinée à répondre à l'augmentation des besoins en pétrole des Etats-Unis au cours des vingt-cinq prochaines années, cette stratégie a été formulée par le vice-président Dick Cheney, dans un rapport du National Energy Policy Developement Group (Groupe de développement de la politique nationale de l'énergie) : « You've got to go where the oil is » (« Allez là où est le pétrole »), voilà en résumé l'histoire matérielle du XXème siècle et la stratégie éprouvée de l'administration républicaine.

Addiction pétrolière

Le programme du candidat Mac Cain affiche une image plus écologique que celle de son prédécesseur George Bush, sur fond d'éoliennes et de technologies propres. Mais, selon le Sierra Club, la plus ancienne association de protection de l'environnement des Etats-Unis (fondée en 1892), qui rassemble 1,3 million d'adhérents dans le pays, John Mac Cain soutient la même politique que celle de George Bush : sa campagne a reçu plus deux millions de dollars de la part des pétroliers, en récompense du vote de John Mac Cain contre la taxation des compagnies pétrolières au Sénat : Il s'est opposé à la suppression des 13 milliards de subventions d'Etat accordées aux compagnies pétrolières, il entend même les augmenter de 3,8 milliards de dollars et accorder des allègements fiscaux supplémentaires au secteur pétrolier, selon le Sierra Club1, qui en appelle à voter Obama. Le candidat démocrate, a contrario, propose de taxer les compagnies pétrolières pour aider les ménages modestes à faire face à la hausse du prix de l'énergie en leur versant une compensation de 1.000 dollars. Son programme met l'accent sur le lancement d'une filière nationale des énergies renouvelables, sur la base d'investissements publics massifs : il promet de débloquer quelque 150 milliards de dollars pour soutenir leur développement et investir dans les économies d'énergies, les biocarburants, le tout dans la perspective de créer cinq millions d'emplois. Les deux candidats sont en désaccord sur la fixation d'un objectif fédéral chiffré en matière d'énergies renouvelables. Barack Obama vise un objectif de 10% de l'énergie finale d'ici à 2012. Le sénateur Mac Cain s'oppose à un tel objectif, préférant instaurer des allègements fiscaux pour soutenir le secteur des énergies renouvelables. John Mac Cain a déjà voté à huit reprises contre l'adoption d'une norme fédérale d'électricité renouvelable, les subventions aux énergies nouvelles et a voté contre les dispositifs d'incitation au développement du solaire et de l'éolien. Son programme aux allures écolos, à première vue semblable à celui de son adversaire, serait-il de la poudre aux yeux à base de cosmétique verte, ingrédient bien connu du greenwashing ?

Drill now !2

Le programme énergétique de John Mac Cain est formulé dans son Projet de Lexington pour l'indépendance énergétique (The Lexington Project for Energy Independance). Nucléaire et charbon « propre » sont les deux ingrédients de sa doctrine. John Mac Cain est un farouche partisan d'une relance du nucléaire, stoppée aux Etats-Unis depuis trente ans : il en appelle à la construction de 45 nouveaux réacteurs d'ici à 2030. À long terme, il propose la construction de 100 centrales. Plus modéré sur ce point, le Sénateur Obama n'exclut pas l'option nucléaire, car il est peu probable que nous parvenions à des réductions sévères de nos émissions si nous éliminons l'option nucléaire. Pour autant, le candidat en appelle à une sorte de principe de précaution : avant d'envisager une extension du recours au nucléaire, il faut prendre en considération des enjeux cruciaux tels que la sûreté, la gestion des déchets et la prolifération.
Les deux candidats sont en faveur de la séquestration du CO2 sur les sites des futures centrales à charbon, une technologie controversée que soutiennent également Al Gore et le climatologue de la Nasa James Hansen. John Mac Cain plaide pour une subvention de deux milliards de dollars par an afin de soutenir le charbon dit « propre », alors que Barack Obama propose de recourir à des partenariats public-privé et de consacrer l'essentiel des subventions aux énergies renouvelables et à la maîtrise de l'énergie. John Mac Cain est prêt à offrir un prix de 300 millions de dollars à celui qui inventera la batterie du véhicule électrique du siècle, une mesure « gadget » selon Barack Obama, qui pointe les incohérences de John Mac Cain : d'un côté des mesures d'affichage, de l'autre ses votes contre le solaire au Sénat …
Lors d'un meeting à Houston (Texas), John Mac Cain s'est prononcé en faveur de la reprise des forages offshore, malgré le moratoire sur ce type d'exploitations en raison des marées noires provoquées par la succession des ouragans Rita et Katrina. Il a ainsi donné satisfaction au lobby des industries pétrolières, qui réclament la reprise des exploitations offshore et scandent le slogan « Drill Now ! » lors d'une conférence donnée en juin 2008 par le sénateur Mac Cain devant un parterre de directeurs exécutifs de sociétés pétrolières américaines. Sa colistière Sarah Palin fait en outre campagne en faveur de la reprise des forages dans les réserves naturelles protégées de l'Alaska.
Lors d'un sommet sur le climat, à Miami (Floride), en juin 2008, le gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, s'est opposé à John Mac Cain, pourtant du même parti, en arguant que la reprise des forages n'entraverait en rien la hausse des carburants à la pompe, mais causerait des dégâts écologiques supplémentaires, à la grande satisfaction de Barack Obama, qui n'a pas manqué de souligner la discordance des points de vue au sein du camp républicain.

Défi climatique

Depuis que l'ouragan Katrina a frappé la Nouvelle Orléans, le changement climatique a commencé à devenir une réalité aux Etats-Unis. Alors que George Bush tenait des propos niant la problématique climatique, et bridait les scientifiques américains en les contraignant à atténuer leurs propos3, le déni n'est plus à l'heure du jour, balayé par les tempêtes. Les alertes lancées par le climatologue de la Nasa James Hansen mettent en garde les politiques sur la nécessité d'infléchir drastiquement les émissions du plus gros émetteur planétaire de CO24. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) aux Etats-Unis ont, de fait, augmenté de 20% entre 1990 et 2006. Les émissions par habitant y représentaient en 2004 quatre fois celles de la Chine, même si, la même année, les émissions chinoises ont rejoint le niveau des Etats-Unis, jusqu'alors premier émetteur mondial de GES. Le déni climatique n'est plus de mise, tient à préciser Jason Grumet, conseiller de Barack Obama en matière d'énergie : Il ne se permettra pas d'insérer des jugements politiques pour entraver les recommandations lancées par la communauté scientifique.
Le sénateur Mac Cain et son adversaire Obama sont d'accord sur un point majeur : la nécessité d'infléchir les émissions des Etats-Unis et d'instaurer un système d'échange de permis d'émission dans le cadre d'un marché plafonné (cap and trade). Le sénateur George Mc Cain mérite d'être reconnu pour sa participation de la première heure aux législations sur le réchauffement climatique, reconnaît le directeur du Sierra Club, Carl Pope. Pour autant, son programme est dépassé et ne résoudra pas les problèmes de demain. Les ONG environnementales réclament l'application de préconisations scientifiques actualisées : une réduction de 80% des GES d'ici à 2050 par rapport à leur niveau de 1990, avec un seuil intermédiaire de -20% en 2020. C'est l'objectif du programme d'Obama, tandis que John Mac Cain vise une réduction de 60% d'ici à 2050 par rapport à 1990. Reste le débat sur la mise aux enchères des quotas de CO2. Dans une déclaration datée du 8 octobre 2007, Barack Obama annonçait qu'aucune industrie ne serait autorisée à émettre gratuitement des gaz à effet de serre. Le monde des affaires n'est pas propriétaire du ciel, qui est un bien public, et si nous voulons que les pollueurs cessent de le polluer, nous devrons donner un prix à toute pollution. Et d'en appeler à poser les fondations de la prochaine génération de protocoles climatiques, dans le cadre d'un nouveau Forum global sur l'énergie.



1/ « A Clean Energy Future : Now is the Time »
http://www.sierraclub.org/politics
2/ « Des forages maintenant ! »
3/ Cf. Union of Concerned scientists and Government Accountability Project, February 2007. Atmosphere of Pressure: Political Interference in Federal Climate Science.
http://www.ucsusa.org/assets/documents/scientific_integrity/Atmosphere-of-Pressure.pdf
4/ Global Warming Twenty Years Later: Tipping Points Near.
http://www.columbia.edu/~jeh1/2008/TwentyYearsLater_20080623.pdf
5/ Bloomberg News, 16/10/2008

Réactions1 réaction à cet article

Un peu d'espoir dans un monde de BRUT

l'espoir donne par la Californie doit se mutilplier par autant d'états. Mais les Red Neck seront dur à bouger

nicopoum | 03 novembre 2008 à 20h36 Signaler un contenu inapproprié

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