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La concentration des élevages intensifs en Bretagne exerce une pression environnementale excessive

Près de 70 % des élevages intensifs français sont concentrés en Bretagne et dans les Pays de la Loire, rapporte Greenpeace. L'ONG réclame une meilleure répartition sur le territoire et dénonce le concept des fermes-usines.

Agroécologie  |    |  L. Radisson
La concentration des élevages intensifs en Bretagne exerce une pression environnementale excessive

« Tous les animaux sont en Bretagne et toutes les céréales sont dans le bassin parisien, en caricaturant à peine », expliquait Gilles Billen, directeur de recherche au CNRS, dans une interview à Actu-Environnement en avril 2022. La carte des élevages industriels que Greenpeace publie ce mardi 16 mai corrobore cette déclaration.

L'ONG a analysé la base de données des installations classées (ICPE) que lui a transmise le ministère de la Transition écologique en janvier 2023. Une base de données qui contenait des anomalies, indique-t-elle, portant notamment sur les indications géographiques des installations ou le nombre d'animaux, et qui a nécessité des traitements correctifs. Malgré ces difficultés, Greenpeace a établi une carte de France des « fermes-usines » qui correspondent aux élevages soumis au régime d'autorisation au titre des ICPE, soit les élevages de plus de 2 000 emplacements pour les porcs de production (+ 30 kg), 40 000 emplacements pour les volailles, 400 vaches laitières et 800 animaux pour les élevages de veaux de boucherie et/ou bovins à l'engraissement.

L'analyse de l'ONG révèle qu'il existe 3 010 élevages de ce type en France, susceptibles de contenir plus de 200 millions d'animaux, répartis dans 84 départements. Mais la répartition est loin d'être homogène. Près de 70 % de ces élevages sont concentrés dans deux régions, la Bretagne et les Pays de la Loire. Le département des Côtes-d'Armor décroche la palme, avec 468 élevages intensifs, soit un ratio de 50 animaux par habitant, mais il est suivi de très près par le Finistère et le Morbihan.

« Plus les fermes-usines sont nombreuses à l'échelle d'un territoire, plus la pression environnementale y est importante. La simplification extrême des productions animales (l'hyperspécialisation des régions) et l'apparition de monocultures sont à l'origine de graves dégradations environnementales et sociales, au profit d'une poignée d'agro-industriels », explique l'ONG.

L'emblématique porcherie de Landunvez

L'exemple de l'élevage industriel Avel Vor, à Landunvez (Finistère), est emblématique de ce système, explique l'ONG. Cet établissement, situé dans une commune de 1 500 habitants, produit chaque année 26 000 porcs charcutiers. Greenpeace dénonce les dégradations de l'environnement qu'une telle concentration animale occasionne : production de plus de 18 000 m3 de lisier chaque année ; dégradation de la qualité des eaux ; fermeture de plages connaissant des phénomènes d'algues vertes ; émissions de 33 tonnes d'ammoniac dans l'environnement chaque année ; nuisances dans le bourg situé à moins de 500 mètres, etc.

“ Il est crucial d'amorcer une sortie de l'élevage industriel en instaurant un moratoire sur tous les nouveaux projets de création ou d'extension de fermes-usines en France ” Sandy Olivar Calvo, Greenpeace
L'avis rendu par la mission régionale d'autorité environnementale en février 2021 sur le projet de régularisation de l'établissement pointait un certain nombre d'insuffisances à travers l'analyse de son évaluation environnementale. « La justification de l'absence d'impact se limite souvent à une conformité aux exigences réglementaires, qui ne garantit ni l'absence d'impact sur les milieux, notamment en cas d'effets de cumul, ni l'absence de gêne pour les riverains vis-à-vis des nuisances », indiquait l'autorité indépendante.

« Depuis près de dix ans, nos associations, aujourd'hui regroupées en collectif, se battent pour faire la lumière sur les sources de ces multiples pollutions, explique l'association Eau et rivières de Bretagne. Mais, malgré nos victoires sur le plan juridique (deux annulations obtenues), le préfet préfère fermer les yeux. Il a, malgré des avis négatifs, régularisé trois fois cette mégaporcherie (2008, 2013, 2016). En novembre dernier, il a aussi autorisé, a posteriori, l'agrandissement de la ferme usine. » Ces régularisations seraient facilitées selon les associations par la position de l'exploitant, par ailleurs président de la coopérative Evel'up, deuxième producteur de porcs français, avec 830 éleveurs adhérents, et président de la section porcine de la fédération des coopératives agricoles françaises.

En novembre 2022, le collectif contre la mégaporcherie de Landunvez a déposé une plainte contre X pour mise en danger de la vie et de la santé d'autrui. Le pôle régional spécialisé en matière d'atteintes à l'environnement a ouvert une enquête préliminaire en janvier dernier.

Planifier une meilleure répartition de l'élevage

« Au-delà des conditions ignobles subies par un grand nombre d'animaux, l'accumulation des fermes-usines sur le territoire français a des conséquences environnementales, sociales et sanitaires désastreuses. Pollution de l'air, de l'eau, des sols, développement des algues vertes, déforestation, antibiorésistance, zoonose ou encore disparition du monde paysan : autant d'éléments qui doivent nous alerter et nous pousser à agir », alerte Greenpeace.

Les dérèglements climatiques pourraient aussi très vite rappeler les limites du modèle intensif. « Le changement climatique, ce n'est pas seulement des vagues de chaleur. Ce sont aussi des tensions importantes sur les ressources alimentaires des animaux, ainsi que sur l'environnement sanitaire des élevages, avec possiblement des maladies à vecteurs, émergentes ou réémergentes. Il vaut donc mieux ne pas avoir tous les élevages dans la même zone et les déconcentrer. Avec la fièvre porcine africaine, si un élevage est touché, il faut abattre tous les animaux dans un périmètre donné. En Bretagne, ce serait catastrophique pour l'ensemble de la filière », a confié un chercheur de l'Inrae à Actu-Environnement sous couvert d'anonymat.

La concentration des élevages industriels dans une même région appelle à « planifier une meilleure répartition de l'élevage sur tout le territoire », estime Greenpeace. Pour favoriser une déspécialisation, l'ONG réclame la mise en place de systèmes de quotas et de minima par filière et par région, couplés avec des incitations financières. Mais l'ONG souhaite aller plus loin en remettant en cause le modèle même de l'élevage intensif, comme elle l'avait déjà fait dans le passé.

« Il est crucial d'amorcer une sortie de l'élevage industriel en instaurant un moratoire sur tous les nouveaux projets de création ou d'extension de fermes-usines en France », explique Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace. Cette sortie ne signifie pas pour autant une remise en cause de l'activité d'élevage en tant que telle par l'ONG.

« Il faut aujourd'hui remettre de l'agronomie dans nos systèmes agricoles en favorisant les systèmes de polyculture-élevage, explique Sandy Olivar Calvo. La diversification est la clé pour des systèmes résilients, c'est pourquoi le Gouvernement doit subventionner l'élevage écologique et soutenir davantage la production de fruits et légumes frais biologiques, tout en développant la production de légumes secs pour l'alimentation humaine. »

Réactions6 réactions à cet article

Trop de cochons en Bretagne (où il y a 5 cochons pour 1 habitant) ? Ça alors, pour une nouvelle !
J'ai pour ma part surnommé la N24, qui relie Lorient à Rennes, la 4 voies de la mort des animaux d'élevage : les norias de camions bétaillères remplis à ras-bord de cochons, dindes ou poulets entassés (et souvent cassés) à destination de l'abattoir y croisent les camions vraquiers "d'aliments" pour bétail. Quelle belle économie circulaire !
Les algues vertes se portent très bien en Bretagne, même en hiver désormais.
Ne pas hésiter à se documenter notamment avec la BD "Algues vertes, l'histoire interdite" d'Inès Léraud et l'enquête "Silence dans les champs - Système agro-industriel : violence et omerta - Sept ans d'enquête en Bretagne" de Nicolas Legendre.

Pégase | 17 mai 2023 à 14h22 Signaler un contenu inapproprié

"Il faut aujourd'hui remettre de l'agronomie dans nos systèmes agricoles en favorisant les systèmes de polyculture-élevage"
C'est exactement ce qui se fait dans les pré alpes chez nous.Mais cela n'est pas aussi simple car la aussi les ONG tapent sur le pastoralisme pour envisager l'ensauvagement de nos terres.
Sans compter le retour du loup soutenu par ces mêmes ONG
Le retour du loup a lieu dans un contexte économique difficile pour les petites structures en polycultures. Il est un facteur d’aggravation de la situation de l’élevage, sans oublier les impacts psychologiques pour les éleveurs.
Les éleveurs touchés ont presque tous fait le choix de garder les brebis en bâtiments. C’est compréhensible, mais non-souhaitable en termes environnemental et paysager. Il est donc important de soutenir les éleveurs et d'informer l'opinion publique.
Pas de structure industrielle et pas de structure traditionnelles extensives pour les militants écolos qui sont le bras armés des usines à bouffes.

ouragan | 18 mai 2023 à 19h46 Signaler un contenu inapproprié

Un abus de langage que chacun saura discerner, évidemment : Greenpeace claironne son slogan habituel en comptabilisant chaque exploitation d'élevage comme une ferme usine. Mais quel est ce combat ? Il serait temps d'aller voir ce qui se passe ailleurs dans le monde pour éviter de finir de scier notre branche alimentaire française. Les élevage bretons sont gérés par des exploitations familiales qui produisent la plus grande partie des céréales nécessaires à leurs animaux. Les cheptels ont diminué et le schéma hors sol des années 1980 est révolu. La politique agricole mérite mieux que ces coups de projecteur aussi spectaculaires que caricaturaux.

Aurélien | 19 mai 2023 à 11h35 Signaler un contenu inapproprié

@ Aurélien : ne serait-ce pas plutôt le modèle d'élevage intensif (breton mais partout ailleurs de la même façon) qui constitue en lui-même une caricature de la politique agricole ? Quant à la mise en avant des "exploitations familiales", il ne s'agit plus guère désormais que de l'un de ces multiples écrans de fumée dont ce modèle agro-industriel raffole pour tromper le citoyen. Un peu comme les coopératives agricoles, qui le furent effectivement à leur création, mais qui sont depuis devenues pour la grande majorité d'entre elles des multinationales cotées au CAC 40 pilotées par des financiers et des actionnaires avides de juteux dividendes pris sur le dos des exploitants agricoles via la manne de la PAC...
Je suis d'ailleurs surpris (pas tant que ça en réalité...) que certains grands défenseurs derrière leur écran de "structures traditionnelles extensives" ne s'en émeuvent pas plus que cela.

Pégase | 19 mai 2023 à 13h55 Signaler un contenu inapproprié

@Pégase :
Tromper le citoyen (sic) ... qui cherche une alimentation au plus bas coût possible. Ou tromper le citoyen en présentant tout ce qui est agricole conventionnel comme une suspicion voire un scandale d'Etat ? A méditer.
Dans le registre de la caricature, n'êtes-vous pas perturbés à l'idée d'évoquer des "multinationales cotées au CAC40" s'agissant de coopératives agricoles dont, par définition, le capital est constitué à 100% de ses agriculteurs adhérents ? Désolé mais si vous voulez éclairer le débat, revoyez vos bases et trouvez d'autres sources que les belles histoires de Legendre & Co.

Aurélien | 19 mai 2023 à 15h06 Signaler un contenu inapproprié

la politique agricole française qui malgré tous ses défauts reste quand même un exemple mondial pour la prise en compte de la durabilité et le respect des consommateurs. Elle mérite mieux que les coups de buttoirs des grands esprits ailés.
Le pire c'est d’être montré du doigt par ceux qui en définitive font sans le savoir le jeu des laboratoires qui rêvent de créer la pilule alimentaire.

ouragan | 19 mai 2023 à 15h27 Signaler un contenu inapproprié

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