Derrière l'annonce d'une réactivation du dispositif de la consigne par la secrétaire d'Etat à la Transition écologique se cachent de gros enjeux techniques et financiers pour les parties prenantes, qu'il s'agisse des industriels, des collectivités locales ou des professionnels du déchet.
Le rapport provisoire sur les filières REP réalisé par Jacques Vernier, sur lequel la secrétaire d'Etat s'est appuyée pour faire ses annonces et qu'Actu-Environnement a pu consulter, permet de se faire une idée des conséquences d'une telle réforme. Le président de la commission des filières REP a analysé six études étrangères, portant sur l'Allemagne, l'Angleterre, la Catalogne et l'Ecosse qui ont traité du coût de gestion des déchets dans un système de consigne.
"Ramener au bercail des emballages rejetés dans la nature"
Les recettes finançant le dispositif de consignes se répartissent globalement en trois tiers, révèlent les études. Le premier tiers vient des consignes non réclamées. "Cette recette, propre au système de consigne, en réduit sensiblement le coût net !", relève M. Vernier, tout en précisant qu'elle serait versée par les consommateurs "non-citoyens". Le deuxième tiers vient des ventes de matériaux recyclés. Le dernier, enfin, provient des contributions demandées aux producteurs.
Une interférence avec les filières REP est à noter sur ce dernier financement, les metteurs sur le marché étant alors exonérés de leur contribution aux éco-organismes. Ce qui explique sans doute l'opposition virulente de l'éco-organisme allemand DSD au système de la consigne. Selon une des deux études catalanes examinées, la contribution au système de consigne représenterait 1,5 fois celle de la contribution antérieure au système municipal, rapporte l'ancien président de l'Ademe, précisant toutefois que "le calcul devrait être fait pour la France". Mais, dans le même temps, Jacques Vernier relève que les éco-organismes pourraient "le cas échéant gérer aussi le circuit de la consigne". Il signale, par ailleurs, que "certains producteurs de boissons sont très tentés" par le système de la consigne.
Des effets discutés sur les collectivités locales
Quant aux collectivités locales, les incidences financières semblent difficiles à évaluer, les effets de la consigne étant controversés, rapporte Jacques Vernier. L'idée première selon laquelle cette dernière permettrait de diminuer le coût de la collecte et du traitement du reste des déchets n'est pas partagée par l'Ademe, relève M. Vernier. Selon l'établissement public, priver les centres de tri non amortis de tonnages "renchérira le coût de traitement du reliquat et serait très mal vécu par les collectivités qui ont fait des investissements". Dès l'annonce de la secrétaire d'Etat, l'association de collectivités Amorce a effectivement fait part de son inquiétude, dénonçant la soustraction d'emballages sources de revenus tandis que les collectivités conserveraient le traitement des seuls emballages en résines non recyclables. Brune Poirson estime de son côté que l'extension des consignes de tri à l'ensemble des plastiques (films, barquettes, pots de yaourt) compensera les baisses de volume de collecte dans la poubelle jaune.
La secrétaire d'Etat a également mis en avant une diminution du budget de nettoyage des rues pour les collectivités, la mise en place de la consigne faisant disparaître les emballages de l'espace public. Cinq des dix études passées en revue par le rapport Vernier concluent effectivement à une économie substantielle pour les collectivités, "précisément, pour l'élimination des déchets sauvages, la gestion des poubelles publiques et pour le nettoyage des rues et des lieux publics".
Opportunité pour une filière de machines de déconsignation
Se pose aussi la question du financement des machines destinées à recueillir les emballages collectés. Brune Poirson a en effet proposé que les citoyens rendent leurs bouteilles "dans des machines installées ou ambulantes qui se trouveraient dans les lieux où ils les achètent et dans les lieux où ils les consomment". "Ces machines sont chères (10 à 15.000 €) et représentent le principal coût d'investissement du système de consigne", précise M. Vernier dans son rapport.
La secrétaire d'Etat propose des expérimentations du dispositif de la consigne, suivies, en cas de succès, d'un déploiement sur l'ensemble des territoires où cela se révèle pertinent dans un délai de deux ans. Cette étape sera "une véritable opportunité pour qu'une filière française innovante de machines de déconsignation soit développée par les entreprises françaises", souligne Brune Poirson.