Parmi eux, figure une modulation de la norme d'émission de CO2 en fonction du poids du véhicule. Ce critère serait pris en compte à hauteur de 60 % dans le calcul de la norme applicable à chaque véhicule. La méthode de calcul utilisée devrait garantir que les constructeurs des voitures plus grosses devront effectuer des réductions plus importantes proportionnellement que les fabricants de plus petits véhicules.
Pour tenter d'équilibrer l'impact sur tous les constructeurs, la Commission a souhaité intégrer de la flexibilité dans son projet. Ainsi, il sera possible de continuer à fabriquer des voitures avec des niveaux d'émissions supérieurs à la courbe de valeurs limites à condition que cela soit compensé par des automobiles dont le niveau d'émission est inférieur à la courbe.
En revanche, la Commission envisage des pénalités financières en cas d'infraction. Les amendes seront progressivement introduites sur une période de quatre ans après l'entrée en vigueur de la législation, en commençant par 20 € par gramme de CO2 pour chaque émission par voiture supérieure à l'objectif de 2012, puis augmenteront à 95 € en 2015.
Mais malgré les modifications apportées, ce nouveau projet de loi fait toujours débat.
Même si cette nouvelle version du projet de loi avait vocation à ménager les constructeurs de berlines, Gouvernement, industriels et syndicats allemands ont exprimé leur indignation, estimant que ces mesures pénalisaient plus lourdement leurs véhicules traditionnellement plus lourds.
Inversement les associations de protection de l'environnement comme Agir pour l'Environnement, France Nature Environnement et le Réseau Action Climat France déplorent quant à elle la prise en compte du poids des véhicules. Greenpeace estime plus clairement que ce projet privilégie les intérêts de l'industrie automobile européenne au lieu de relever le défi des changements climatiques.
L'association Transport et Environnement (T&E) souligne également que les objectifs à plus long terme évoqué à plusieurs reprises par la Commission ont totalement disparu du projet.
Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables, et Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'Écologie ont eux aussi exprimé, dans un communiqué leurs réserves sur le projet. Selon eux, en vertu du principe pollueur-payeur et pour des raisons d'équité sociale, les efforts doivent porter d'abord sur les plus gros véhicules, et l'augmentation relative des prix doit être d'autant plus importante que le véhicule est lourd et polluant. Par ailleurs, la forte prise en compte du poids constituerait, selon eux, une incitation à l'augmentation du poids des véhicules, alors même que la réduction du poids est un levier efficace de réduction des émissions de CO2. Moduler la norme en fonction du poids, c'est récompenser les véhicules lourds et polluants par rapport aux petits véhicules peu polluants. C'est contraire au principe pollueur-payeur et contraire à l'équité sociale, puisque ce sont les acheteurs de petits véhicules, qui sont en général les plus modestes, qui vont être pénalisés, a précisé Jean-Louis Borloo dans un communiqué.
Finalement la Commission a abouti à un projet qui ne satisfait personne et relance des discussions houleuses.
Ainsi dans un rapport adopté il y a quelques jours, le Parlement européen (PE) évoque son inquiétude face à la réglementation CO2 qu'est en train de préparer la Commission. Les députés y soulignent l'importance de l'industrie automobile européenne, qui produit 19 millions de véhicules par an, représente 2,3 millions d'emplois directs et plus de 10 millions d'emplois dans les secteurs connexes. Aussi, même s'ils ne remettent pas en cause la nécessité de réglementer les émissions de CO2, les députés craignent qu'elle n'affaiblisse le secteur et estiment que des ajustements de la politique européenne sont nécessaires afin de garantir que les réglementations n'entraînent pas de pertes d'emplois.
Rappelant que le développement de nouveaux modèles de voitures nécessite cinq à sept ans, les parlementaires demandent à la Commission de ne pas fixer d'objectifs obligatoires en matière d'émissions de CO2 avant 2015. Les députés notent également que les systèmes de sécurité supplémentaires pourraient augmenter le poids des voitures particulières, entraînant ainsi une hausse des émissions de CO2. Par conséquent, ils demandent à la Commission d'élaborer un système autorisant les constructeurs automobiles à produire des émissions de CO2 supplémentaires si elles sont justifiées par des mesures de sécurité.
Le PE estime en outre que les objectifs contraignants en matière d'émissions de CO2 doivent être accompagnés par une augmentation du financement public consacré à la recherche et au développement et suggèrent que l'Institut européen de technologie se consacre à la réduction des émissions de CO2 par la technologie automobile.
Toutes ces réflexions avaient déjà été exposées par les députés en octobre dernier mais comme ceux-ci estiment que les éléments présentés par la Commission fin décembre ne les avaient pas pris en compte, le Parlement a réitéré aujourd'hui ces recommandations. Celles-ci devraient faire globalement ravir les constructeurs automobiles notamment ceux d'outre-Rhin, grands producteurs de grosses berlines.
Ces derniers jours, à l'ouverture des salons de l'automobile de Bruxelles et de Vienne, Greenpeace a d'ailleurs interpellé les constructeurs automobiles européens afin qu'ils prennent leurs responsabilités en matière de réduction des émissions de CO2. Les constructeurs automobiles s'évertuent à véhiculer une image verte. Mais derrière les prototypes et autres voitures modèles qui sont mis en avant, se cache un véritable lobby visant à entraver toute législation protégeant le climat, estime Karine Gavand, chargée de campagne climat à Greenpeace France. Le climat n'est pas une opportunité pour des campagnes de publicité, c'est une obligation à agir dont ne peuvent se dispenser les constructeurs automobiles, ajoute-t-elle.
Rappelons qu'il y a 10 ans, les constructeurs automobiles européens avaient promis, via un accord volontaire, de réduire la moyenne de leurs émissions à 140g/km d'ici à 2008. Mais les progrès des constructeurs pour réduire ces émissions ont été très insuffisants puisque l'on est en seulement à 150 g par exemple en France. Ces résultats placent pourtant la France en bonne position par rapport à ses voisins européens. Seuls le Portugal, l'Espagne et l'Italie ont fait mieux selon les données 2005.