
La politique énergétique européenne est en mutation, non pas tant en raison du sommet de Copenhague, dont on connaît les faibles résultats politiques, que parce que, selon Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l'énergie, ''il s'agit d'intégrer les marchés nationaux dans un marché unique de l'électricité et du gaz naturel ; d'assurer la sécurité d'approvisionnement de l'Europe ; d'atteindre les objectifs en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique'', ces objectifs ayant été fixés aux 27 membres de l'Union européenne par le paquet climat-énergie en décembre 2008. L'intégration européenne sur un marché unique de l'électricité sollicite l'interconnexion des réseaux et le couplage des marchés, en particulier avec l'Allemagne, la péninsule ibérique et les pays nordiques. Aujourd'hui, l'indépendance énergétique ne concerne pas seulement la France, qui s'inscrit désormais dans un marché européen dans lequel la question des transports et des réseaux de l'énergie devient cruciale. Le 3ème paquet européen sur le marché intérieur de l'énergie sera effectif en mars 2011 – le calendrier est donc serré. Une Agence de régulation est mise en place au niveau européen, qui harmonisera les responsabilités des différents régulateurs.
Cette nouvelle donne a évidemment un impact sur le marché de l'électricité en France, dont les tarifs réglementés vont entrer en collision avec la règle de la concurrence. Comme l'explique Jacques Percebois, directeur du CREDEN et professeur à l'Université de Montpellier I, les tarifs réglementés de l'électricité (fixés par le Gouvernement) restent calés sur les coûts de production du parc français, majoritairement hydraulique et nucléaire, alors que les prix en offre de marché sont corrélés aux prix de gros de l'électricité, lesquels sont calés sur le coût de production des centrales thermiques, plus élevé. La commission Champsaur a proposé que les prix réglementés d'accès au nucléaire historique correspondent à des coûts économiques et tiennent compte du coût de prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires : ces prix doivent, en tendance, rejoindre le coût en développement du nucléaire en France (construction des EPR).
Directeur exécutif du groupe EDF, Jean-Louis Mathias, n'est pas hostile à la compétition internationale, dans laquelle EDF s'inscrit comme un acteur majeur : ''pas un seul groupe n'a survécu sans être à la fois producteur et commercialisateur''. Pour autant, la loi doit permettre le développement de la compétition dans un cadre sécurisé basé sur des critères de prix, de volume et de durée de la concession. En outre, il faut envisager ''une gestion intégrée du parc de production et ne pas séparer de façon intrusive le parc nucléaire du reste'' afin de maintenir la sécurité d'approvisionnement en cas de pics de consommation. EDF ''réclame la capacité d'allonger la durée de vie du parc nucléaire, qui revient moins cher qu'un renouvellement, outre la dimension patrimoniale''. La question de la régulation des prix demeure sensible, et la loi NOME, attendue pour 2010, devra s'y atteler, en respectant l'article 29 du Traité de Rome sur la libre circulation des marchandises, qui implique que le kilowattheure produit par EDF ne soit plus subventionné, sous peine d'entrave à la concurrence. Dans un avenir proche, seul le régulateur européen sera habilité à fixer un prix. M. Mathias estime qu'il faudra être suffisamment précis sur la régulation des coûts, ''vérifier que les prix reflètent bien les coûts auxquels EDF est exposé''.
Un « game changer » : le gaz non conventionnel
Les pratiques d'indépendance énergétique sont en pleine mutation. Président de l'IFP (anciennement Institut français du pétrole), Olivier Appert, constate que la demande gazière mondiale a baissé de 5% en 2009 en raison de la crise. Du jamais vu. Qui coïncide avec la formation d'une bulle gazière, en raison du boom de l'industrie du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) consécutive à la mise en service de nombreux projets au Qatar, en Indonésie, en Russie et au Yemen. Parallèlement, le développement de la filière des gaz non-conventionnels aux Etats-Unis a connu un essor sans précédent, qui n'a fait qu'aggraver la bulle gazière. Les ''shale gas'', récusés par de nombreuses associations de protection de l'environnement, sont le principal moteur de cette expansion. Leur production aurait plus que doublé ces deux dernières années et reste promise à un fort potentiel de croissance. Cette bulle gazière a un impact mécanique sur le prix du pétrole, dont la baisse ralentit les investissements dans la prospection pétrolière. Pour l'environnement, ce pourrait être un bonne nouvelle, selon Jean-Marie Dauger, directeur général adjoint chez GDF Suez : ''le gaz reste la transition vers une économie verte''.
1/ Gisements de gaz de type non conventionnel issu de schiste argileux