La France s'est engagée à atteindre le facteur 4, c'est-à-dire à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2050. Mais aujourd'hui, le respect de cet objectif "reste délicat [et] n'est pas garanti" car "l'essentiel des efforts reste encore à faire", explique le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) qui a publié un point d'étape mi-avril. En ligne de mire : la réglementation et l'adoption "de comportements différents".
Le rapport (1) , daté de février, est une actualisation de la précédente évaluation de la politique française en matière de réduction des émissions de GES à l'horizon 2050 publiée il y a quatre ans. En 2013, les experts du ministère de l'Environnement estimaient déjà que "la France respecte formellement ses engagements au titre du protocole de Kyoto, mais [qu']il s'agit d'un résultat en trompe l'œil". Ils déploraient alors que la France était sur un rythme de réduction de ses émissions de deux ou 2,5 entre 1990 et 2050, plutôt que quatre.
Du retard dans tous les secteurs
En quatre ans, les politiques de lutte contre les émissions de CO2 ont sensiblement évolué. L'Accord de Paris "traduit la volonté de tous les pays de lutter contre le changement climatique" et l'Europe s'est doté d'un objectif de réduction de 40% de ses émissions entre 1990 et 2030. Parallèlement, les coûts de technologies clés dans les renouvelables et le stockage énergétique ont sensiblement diminué. Cette chute "[n'avait pas été] anticipée dans de telles proportions il y a quatre ans". Pourtant, les émissions mondiales restent à la hausse et les objectifs nationaux "sont insuffisants".
Qu'en est-il en France ? Le contexte "semble plus favorable" avec l'adoption de la loi relative à la transition énergétique, la publication de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). De plus, la consommation énergétique stagne et les émissions reculent. Mais ce recul se fait "à un rythme encore insuffisant". En 2014, les émissions de GES se situent autour de 450 millions de tonnes en équivalent CO2 (MtCO2éq), contre 550 millions en 1990. Si la France veut respecter son engagement climatique à l'horizon 2050, elle doit accélérer l'allure, explique le CGEDD. D'autant que les scénarios de réduction des émissions françaises de GES "restent fragiles".
L'analyse sectorielle montre que les principaux secteurs émetteurs de GES ont peu progressé. L'agriculture "reste difficile à décarboner". Le secteur du bâtiment "est très en retard par rapport aux ambitions affichées en matière de rénovation". Il souffre par ailleurs "de l'insuffisance de données fiables sur l'effet des rénovations effectuées". Du côté de la production d'énergie, "le déploiement des énergies renouvelables intermittentes/déconcentrées ou des nouveaux vecteurs énergétiques n'est pas aisé". L'industrie doit pour sa part "évoluer vers encore plus d'efficacité (…) et travailler sur le stockage du carbone". Enfin, le secteur des transports "évolue lentement".
Faible transformation des mentalités
Les hauts fonctionnaires du ministère de l'Environnement donnent surtout le sentiment que quatre années ont été perdues : "La plupart des recommandations du rapport de 2013 (…) restent valables", déplorent-ils. La liste est longue : "observatoire du facteur 4, contribution carbone, taux d'effort régulier jusqu'en 2050, lutte contre la périurbanisation, gestion active des forêts, action dans le bâtiment visant les diminutions de GES en s'appuyant sur les grands opérateurs, pédagogie pour faire comprendre à l'opinion la nécessité d'une action locale, etc".
En outre, le rapport regrette la "faible évolution des mentalités" susceptible de remettre en cause les scénarios de réduction des émissions. Il pointe en particulier l'absence d'évolution de l'alimentation, de la consommation et du mode de vie, ainsi que le refus de la fiscalité carbone. Cet aspect n'est pas négligeable. En 2013, le CGEDD constatait déjà que les scénarios de prospective considéraient comme acquise l'évolution des comportements. "L'opposition locale à certaines technologies (par exemple EnR, stockage géologique) montre qu'il n'en est rien", constate-t-il. Le CGEDD reprend et élargit ses recommandations de 2013 en matière de recherches sur les comportements réels vis-à-vis des paramètres environnementaux et de sensibilisation des "corps intermédiaires" des professionnels en contact avec le public.