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Empreinte du numérique : l'Arcep et l'Ademe tracent son évolution d'ici à 2050

Les émissions liées au numérique pourraient tripler en France d'ici à 2050. L'éviter reviendrait à réduire drastiquement la consommation électrique de nos équipements, à doubler leur durée de vie et à en limiter sérieusement l'usage.

Gouvernance  |    |  F. Gouty
Empreinte du numérique : l'Arcep et l'Ademe tracent son évolution d'ici à 2050

Ce lundi 6 mars, l'Agence de la transition écologique (Ademe) et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ont remis au gouvernement leur troisième et dernier rapport d'évaluation de l'empreinte environnementale du numérique. Cette étude (1) (dont la parution était initialement prévue en avril 2022) conclut un travail entamé en août 2020. Ce dernier avait déjà abouti à un premier état des lieux à date du bilan carbone du secteur en janvier 2022 : entre 16,9 et 17,2 millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone par an (MtCO2e/an), soit environ 2,5 % de l'empreinte nationale en 2020. L'Ademe et l'Arcep se sont, cette fois-ci, attelées à établir les contours de son évolution dans les décennies à venir en fonction de différents scénarios.

« L'analyse des scénarios tendanciels à 2030 et 2050 montre que le secteur du numérique ne s'inscrit pas dans une dynamique de décarbonation et de réduction des impacts environnementaux, en opposition aux engagements pris par la France, interpellent l'Ademe et l'Arcep. L'évolution tendancielle de l'empreinte carbone du numérique à 2050 va être multipliée par trois, faisant ainsi reporter les efforts à faire sur les autres secteurs ou sur la capacité des puits de carbone. » En s'appuyant sur une méthode d'analyse du cycle de vie (ACV) multicritère (à savoir, entre autres, les émissions de gaz à effet de serre, la consommation énergétique et en ressources naturelles), les experts de l'Arcep et de l'Ademe se sont intéressés à établir l'empreinte environnementale du numérique selon la tendance actuelle du secteur et différentes approches alternatives.

Vers une écoconception généralisée ?

“ Le secteur du numérique ne s'inscrit pas dans une dynamique de décarbonation et de réduction des impacts environnementaux ” Arcep et Ademe
D'ici à la fin de la décennie, l'explosion du volume des données, la multiplication des usages (2) et la croissance du parc de terminaux (smartphones, ordinateurs, tablettes, etc.) mèneraient le secteur vers une augmentation tendancielle de 45 % des émissions de gaz à effet de serre (soit 25 MtCO2e/an). Pour s'en écarter, les deux organismes institutionnels proposent trois trajectoires moins émettrices. Miser sur un degré « modéré » d'écoconception des équipements mis sur le marché, haussant leur durée de vie d'un an et atténuant leur consommation électrique, limiterait cette augmentation à 20 % (20,7 MtCO2e/an) en 2030.

Systématiser cette écoconception (en augmentant par ailleurs de deux ans la durée de vie) stabiliserait l'empreinte carbone du numérique à seulement + 5 % en dix ans (18,1 MtCO2e/an). Enfin, ajouter à cela une certaine dose de sobriété (à savoir, de pas installer plus d'antennes au réseau mobile existant et stopper la multiplication des équipements) réduirait même l'empreinte de 16 % (14,4 MtCO2e/an). À cet égard, « les utilisateurs substitueront par exemple leurs équipements pour des terminaux moins consommateurs, les conserveront plus longtemps et adopteront des usages plus sobres, notamment en matière de flux vidéos et de consommation d'équipements numériques », illustre le rapport.

Éviter une multiplication par quatre du bilan carbone

Pour poursuivre leurs projections jusqu'en 2050, échéance à partir de laquelle la France doit avoir atteint la neutralité carbone, les experts de l'Arcep et de l'Ademe se sont basés sur les quatre récits prospectifs formulés par cette dernière dans son rapport « Transition(s) 2050 » paru en novembre 2021. À travers le scénario « Génération frugale », l'option la plus sobre, une réduction de 20 % du nombre de smartphones neufs mis sur le marché (au sein d'une division par deux du nombre de tous les types d'équipements), une prolongation moyenne de deux ans de la durée de vie des équipements, une consommation électrique unitaire divisée par trois et une hausse des usages (et donc du volume de données en circulation) limitée à 10 % conduiraient à des baisses du bilan carbone de 45 %, des ressources métalliques extraites de 78 % et de la consommation électrique de 73 %. En comparaison, la tendance esquissée par l'Arcep et l'Ademe se dirige vers des hausses respectives de 187 %, de 59 % et de 79 %.

En suivant le scénario « Coopérations territoriales », un parc de terminaux semblable à celui de 2020 (soit un peu moins de 800 millions d'équipements) avec une division par deux de la consommation électrique et une durée de vie allongée d'un an seulement entraîneraient une augmentation de 32 % des émissions de gaz à effet de serre mais des réductions de la consommation électrique de 36 % et des ressources extraites de 24 %. À l'inverse, en laissant s'opérer une croissance tendancielle du nombre d'équipements (une multiplication par cinq) dotés d'une durée de vie moyenne identique à celle d'aujourd'hui (dix-huit à vingt-quatre mois), le scénario « Technologies vertes » vers lequel le numérique français se dirige s'approcherait d'une multiplication par quatre de son bilan carbone (+ 183 %, par rapport à 2020, pour 49 MtCO2e/an). Le secteur exigerait alors 58 % de ressources (soit 1 508 tonnes d'équivalent antimoine, tSbe/an, au lieu de 952 tSbe/an) et 78 % d'électricité consommée en plus (soit 93 térawattheures, TWh, au lieu de 52 en 2020).

Ne pas sous-estimer l'impact des usages

Le nombre et le type d'équipements numériques ne sont pas les seuls paramètres à prendre en compte du côté des utilisateurs en bout de chaîne. Dans une étude réalisée en marge de ses travaux avec l'Arcep, l'Ademe montre que la taille de l'écran, la résolution du contenu audiovisuel diffusé et les conditions d'usage en réseau (entre un film/jeu-vidéo téléchargé ou utilisé en « streaming » ou « cloud gaming », par exemple) peuvent considérablement augmentés les impacts environnementaux liés au numérique.
Poussé à l'extrême, le scénario « Pari réparateur », qui apporterait certes des innovations technologiques moins gourmandes, mais aussi une explosion du parc de terminaux (14 fois plus grand, avec une multiplication par 40 du nombre d'objets connectés) et du volume de données (+ 25 %), entraînerait des hausses de 372 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur (64 MtCO2e/an), de 120 % de ressources métalliques utilisées et de 163 % d'électricité consommée. Autrement dit : « un scénario difficilement compatible avec une quelconque forme de neutralité carbone », atteste un membre de l'Ademe.

Des travaux traduits en une feuille de route

« Pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris en 2050, le numérique doit prend la part qui lui incombe : un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes est donc nécessaire », conclut le rapport. Les mesures à la hauteur de cet effort seront décidées par le nouveau Haut Comité pour le numérique écoresponsable (HCNE). Celui-ci a désormais la tâche d'établir, d'ici au mois de juin prochain, une feuille de route de décarbonation. L'instance installée en novembre dernier doit également intégrer les travaux de l'Arcep et de l'Ademe aux réflexions du nouveau groupe de planification écologique consacré au numérique « dans les semaines qui viennent ». L'ensemble déterminera ainsi les objectifs du secteur à fixer au sein de la prochaine Stratégie nationale bas carbone (SNBC).

1. Télécharger le rapport de l'Arcep et de l'Ademe
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41295-etude-arcep-ademe-volet3-2023.pdf
2. Télécharger l'étude de l'Ademe sur l'impact environnemental de la digitalisation des usages culturels
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41295-synthese-ademe-digitalisation-culturelle-2022.pdf

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