La recherche d'un approvisionnement énergétique sécurisé et à un coût maitrisé pour le consommateur figure en bonne place à l'agenda du nouveau gouvernement et l'été a été mis à profit pour lancer des ballons d'essai. La poursuite de la prospection au large de la Guyane, la réouverture du dossier gaz de schiste et la polémique sur le coût du nucléaire sont ainsi revenues sur le devant de la scène au fil des déclarations des ministres, industriels et représentants d'ONG.
Faute de solution miracle et dans l'attente d'une solution pérenne, du débat national sur l'énergie et d'une loi sur la tarification progressive de l'énergie, le gouvernement a annoncé une baisse provisoire des prix du carburant. Une stratégie qui n'aura probablement qu'un effet transitoire ponctuel, sauf à renoncer à une part croissante des revenus fiscaux au fur et à mesure de la hausse, que d'aucuns jugent inexorable, des prix des carburants.
"Les prix des carburants ont atteint un niveau exceptionnel, le plus élevé jamais atteint auparavant", note le document, mais "Toutes taxes comprises (TTC), les prix du gazole et de l'essence demeurent inférieurs aux moyennes de la zone euro et de l'Union européenne, même dans l'épisode actuel".
Quant à la concurrence entre distributeurs, elle "apparait forte", analysent les ingénieurs des Mines, même si "il existe (…) certaines zones géographiques où la concurrence semble très imparfaite, ce qui se traduit dans les prix".
Hasard du calendrier ou non, le Commissariat général au développement durable (CGDD) du ministère de l'Ecologie a publié mercredi 29 août 2012 une note sur un sujet connexe : les avantages et coûts des tarifications sociales dans les transports collectifs urbains et régionaux (hors Ile-de-France). Le document de quatre pages devrait apporter des arguments aux cinq ONG environnementales qui estimaient le 28 août que "la meilleure façon de protéger [l'automobiliste français] des effets de cette hausse structurelle [des prix du carburant] consiste à l'orienter vers des modes de transports collectifs et plus doux", lorsque ces derniers existent.
La tarification sociale favorise-t-elle la mobilité des foyers modestes ? "Globalement, sur les réseaux de transports collectifs urbains et de trains express régionaux, hors Ile-de-France, sur lesquels a porté l'étude, la tarification sociale atteint bien ses objectifs en bénéficiant aux publics auxquels elle est destinée et en facilitant l'accès aux transports des publics les plus défavorisés", répond le document. Par ailleurs, il rappelle que pour les trajets interurbains, la tarification sociale de la SNCF constitue une "participation de l'Etat aux déplacements domicile-travail". Participation qui constitue un des enjeux de la baisse temporaire des prix du carburant.
Concrètement, le CGDD estime que le bilan coûts bénéfices socioéconomiques de ces tarifs est un profit pour la société allant de 601 millions à 2 milliards d'euros pour les transports collectifs urbains. Quant au bilan pour les trains express régionaux (TER), il est plus nuancé et est compris entre un déficit de 29 millions d'euros et un bénéfice de 119 millions d'euros.
Quatre scénarios de financement des transports publics
En complément, le CGDD publie, ce jeudi, une seconde note de six pages sur le financement durable des transports publics urbains. Résumant les conclusions d'une étude menée par le programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres (Predit), la note pointe "une diminution du taux de couverture moyen des dépenses par les recettes (R/D), passé aux environs de 35 % en 2010 (pour les 100 réseaux [étudiés]), au lieu de près de 45 % en 2000, et même à 31 % seulement pour l'ensemble des 130 réseaux. En Allemagne, à l'inverse, il a crû en moyenne de 55 à 75 % de 1990 à 2010".
Afin d'éviter "une crise de financement", les chercheurs proposent quatre scénarios : maintenir la progression de l'offre tout en assainissant la situation financière des réseaux "au prix d'une déréglementation et d'une hausse des tarifs" ; maintenir le rapport R/D au niveau de 2005 en stabilisant la dépense par agent au niveau de 2005 et en accroissant les recettes commerciales ; stabiliser la part du coût public dans le total des ressources à son niveau de 2005 ; intégrer l'objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, avec une importante réduction de la part de l'automobile dans les déplacements urbains.
Le quatrième scénario "en net contraste avec les précédents" se traduit par une forte progression annuelle du coût public pour les collectivités organisatrices, souligne l'étude. Il n'est pas évident qu'il ait les faveurs des pouvoirs publics en période de rigueur budgétaire.
"Ce n'est que si l'offre fait un bond en avant en quantité et en qualité que les automobilistes feront la comparaison entre le prix des transports en commun et le coût d'usage de leur voiture et laisseront leur véhicule au garage, comme dans certaines métropoles européennes", conclut l'étude qui rappelle que "Berlin a réorganisé son réseau en 2005, après comparaison des temps mis par les automobilistes et les usagers des transports en commun pour parcourir divers itinéraires".
Les Français prêts à changer
Reste qu'un recours accru aux transports en commun ne répond pas à l'ensemble des questions soulevées par les enjeux énergétiques. Cette fois-ci, c'est le Service de l'observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l'Ecologie qui apporte un éclairage sur les souhaits des Français en matière énergétique à l'occasion de la publication, mercredi, d'une note intitulée les Français et l'énergie.
Basée sur trois enquêtes menées en 2011 et 2012, la note de quatre pages indique que "face à la perspective d'une augmentation du prix de l'énergie dans les prochaines années, une personne sur deux déclarait en juin 2011 qu'elle réduirait sa consommation, soit cinq points de plus que début 2010". Le coût reste donc déterminant dans les choix énergétiques des Français, même s'ils se disent "prêts à faire des efforts pour limiter le réchauffement climatique". Autre signe révélateur, "les deux tiers des Français déclaraient connaître le montant de leur dernière facture d'électricité à 10 euros près, dont la moitié à l'euro près". Concernant le coût du carburant la note avance que "les véhicules électriques semblent perçus comme un moyen de limiter les frais : les plus modestes, mais aussi les personnes qui réduiraient leur consommation en cas de hausse des prix de l'énergie, les auraient choisis davantage, en part relative". Des chiffres qui viennent appuyer les mesures de soutien à la filière automobile renforçant le bonus malus écologique depuis le 1er août.
Quant aux grands choix énergétiques la note souligne que "les Français [sont] favorables aux énergies renouvelables et toujours partagés sur le nucléaire". En matière de nucléaire, la note relève que "pour la première fois depuis 2008, le coût faible du kilowattheure de l'électricité d'origine nucléaire n'est plus le principal avantage cité". Il apparait en deuxième position (38%) derrière l'argument de l'indépendance énergétique du pays (39 %).
Vers la tarification progressive
Dans ce contexte, la tarification progressive du gaz et de l'électricité annoncée par le gouvernement pourrait répondre à certains enjeux, notamment pour les ménages se disant prêt à "faire des efforts" et anticipant avec crainte la hausse des prix énergétiques. "Passé un certain forfait de nécessité pour s'éclairer, pour se chauffer, plus on consomme, plus on paye" a résumé Delphine Batho, la ministre de l'Ecologie, mercredi matin au micro de BFM TV. Le système devrait tenir compte de la composition du foyer et de l'isolation thermique du logement, sur laquelle son ministère travaille avec les services du ministère du Logement de Cécile Duflot.
Début juillet, François Brottes, le député PS de l'Isère qui devrait rapidement déposer une proposition de loi sur le sujet, apportait quelques détails supplémentaires dans les colonnes du Journal du dimanche. La mesure, qui devrait être opérationnelle en janvier 2013, pourrait s'articuler autour de trois paliers de consommation avec un premier niveau de consommation garanti à bas tarif. Il précisait par ailleurs, qu'au delà de la composition du foyer et de l'isolation du logement, la zone géographique (inspiré des quatre zones des tarifs d'achat photovoltaïque) ainsi que le mode de chauffage (gaz, fioul ou électrique) seraient pris en compte.
Enfin, l'objectif étant d'encourager les travaux d'isolation, la proposition de loi pourrait prévoir une réduction progressive du volume de consommation supplémentaire à bas coût accordé aux logements les plus mal isolés. Un mécanisme de partage des économies réalisées entre propriétaires et locataires ou un investissement direct des fournisseurs d'énergie pourrait être associé pour inciter les propriétaires bailleurs à réaliser des travaux d'isolation. "Nous avons un objectif écologique", soulignait alors François Brottes.