Mercredi 19 février, l'Elysée a publié en fin de journée le relevé des décisions prises lors du 16ème conseil des ministres franco-allemand. Le document de 16 pages précise les annonces faites le jour même par François Hollande et Angela Merkel lors de leur conférence de presse commune.
Au chapitre énergétique et climatique, un thème qui occupe une place conséquente dans le relevé des décisions, le couple franco-allemand retient trois axes pour coordonner les transitions énergétiques engagées dans les deux pays : l'accroissement de la compétitivité des systèmes énergétiques, la décarbonisation progressive des mix énergétiques et le renforcement de la sécurité d'approvisionnement.
Pour y parvenir, ils annoncent vouloir élaborer conjointement une feuille de route concernant l'ensemble des enjeux liés à la transition énergétique. Ce travail sera effectué par un groupe de haut niveau franco-allemand mis en place par les deux gouvernements.
Limiter les fuites de carbone
Au niveau européen, les deux pays détaillent leur vision commune du paquet climat énergie pour 2030. Tout d'abord, ils "expriment leur souhait que le Conseil européen se mette d'accord lors de sa réunion de mars 2014 sur les orientations et les objectifs de la proposition de la Commission européenne sur le cadre 2030".
Pour leur part, France et Allemagne souhaitent "un cadre ambitieux pour l'énergie et le climat à l'horizon 2030" afin de "garantir une énergie à des prix abordables, la compétitivité industrielle, la sécurité des approvisionnements et la réalisation de nos objectifs en matière de climat et d'environnement".
Par ailleurs, les deux pays jugent "primordial" d'envoyer "le bon signal à d'autres acteurs importants dans le monde [afin de] contribuer à la conclusion de l'accord de Paris en 2015".
Concrètement, cela signifie que la France et l'Allemagne soutiennent la proposition de la Commission de fixer un objectif contraignant de réduction d'au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l'Union européenne d'ici à 2030, par rapport au niveau de 1990.
Dans une optique de "maintien de compétitivité", fil rouge du document, la France et l'Allemagne se félicitent d'un possible maintien jusqu'en 2020 de la liste actuelle des secteurs exposés à un risque de fuite de carbone. Pour 2030, les deux pays réclament "un système crédible" de prévention de ce risque. Et précisent que "des mesures sont spécifiquement nécessaires pour les industries très consommatrices d'énergie".
Dans l'esprit du couple franco-allemand, ces mesures ne seront pas nécessairement uniformes au niveau européen : "les Etats membres devraient être autorisés à [les] fixer", propose le duo, concédant cependant qu'il faudra "[veiller] à ce qu'elles soient compatibles avec la législation de l'Union européenne (…) [et] ne créent pas de distorsions en Europe".
Pas d'objectifs nationaux pour les renouvelables
En matière d'énergies renouvelables, les deux partenaires reprennent aussi l'objectif de la Commission, à savoir 27% d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie européenne en 2030.
Par contre, ils ne souhaitent pas le voir décliné en objectifs nationaux, comme ce fut le cas avec le paquet énergie climat de 2008. "La souveraineté des Etats membres pour leur bouquet énergétique doit être respectée et la flexibilité pour leur stratégie nationale en matière d'énergies renouvelables garantie", avancent-ils, expliquant que "nous avons besoin d'un cadre européen favorable, y compris des règles en matière d'aides d'Etat permettant la promotion des énergies renouvelables et en même temps garantissant la compétitivité internationale de notre industrie".
S'agissant des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, ils "doivent être progressivement rapprochés dans l'Union européenne avec l'objectif d'améliorer leur efficacité sur le plan économique". Des mécanismes de capacité s'avèrent nécessaires afin de renforcer la sécurité d'approvisionnement tout en développant largement les énergies renouvelables, estiment les deux pays.
Vers un objectif d'efficacité énergétique ?
Quant à l'efficacité énergétique, France et Allemagne se disent "convaincues" qu'elle est "essentielle pour réussir la transition énergétique".
"Un cadre européen et les instruments nécessaires dans le domaine de l'efficacité énergétique devraient être développés en 2014, y compris la possibilité de fixer un nouvel objectif pour l'efficacité énergétique", avance le couple franco-allemand, "[soulignant] l'importance de mobiliser des investissements privés et se [félicitant] de la proposition de la Commission de consacrer des fonds européens comme les fonds structurels et des institutions comme la BEI pour élaborer un plan d'investissement en matière d'efficacité énergétique".
Enfin, pour conclure le volet européen, les deux pays jugent qu'il convient d'introduire des mécanismes "pour protéger le [marché carbone européen] contre des événements imprévus". La proposition de la Commission, basée sur la mise en place d'une réserve de stabilité "constitue une base intéressante", estiment-ils, ajoutant qu'"une gouvernance appropriée devrait permettre d'assurer un processus de prise de décision efficace et rapide pour ces mécanismes".
Priorité à la compétitivité industrielle
En matière de politique industrielle, le couple franco-allemand espère l'adoption par le Conseil européen "d'un Pacte industriel fondé sur la mobilisation et l'adaptation en faveur de l'industrie de toutes les politiques pertinentes", et notamment celle de l'énergie. "L'encadrement des aides d'Etat devra être simplifié", estiment les deux partenaires qui annoncent une intensification de leur collaboration afin de rendre la législation européenne "plus favorable à la compétitivité de nos entreprises".
S'agissant plus spécifiquement de la coopération industrielle en matière de transition énergétique, le conseil des ministres conjoint a été l'occasion de retenir trois thématiques prioritaires. Il s'agit des réseaux de transport d'électricité (les gestionnaires français et allemands étant invités à examiner les possibilités de coopération pour renforcer le marché unique), le stockage de l'électricité (un plan scientifique et technologique franco-allemand pour la recherche devrait être proposé "d'ici l'été 2014") et le développement des technologies hydrogène et solaire (avec la mise en place d'un partenariat franco-allemand sur la base des synergies industrielles déjà existantes).
Quant aux acteurs concernés, le document évoque la collaboration entre les deux agences nationales à l'énergie (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et la Deutsche Energie-Agentur (Dena)), l'Office franco-allemand pour les énergies renouvelables, les organismes de recherche (le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen), l'Institut technologique de Karlsruhe, Helmholt et l'Université technique de Münich) ainsi que les institutions financières (la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW)).
A noter que la CDC et la KfW se voient confier deux missions : proposer, d'ici l'été, des solutions de financement de la transition et contribuer conjointement à la réflexion sur les instruments visant à favoriser les investissements privés bas carbone, en vue de la Conférence de Paris sur le climat en 2015.
Préparation du 4ème paquet ferroviaire
Au chapitre transport, le conseil des ministres a validé la préparation d'un agenda industriel et technologique conjoint visant à promouvoir la mise en place d'infrastructures de recharges sur le territoire des deux pays. Le projet Crome, développé en Alsace et dans le Baden-Wüttemberg, est cité en exemple. De même, le développement de batteries électriques performantes figure à l'ordre du jour.
Dans le cadre de la négociation du 4ème paquet ferroviaire, une position commune sera présentée pour favoriser le développement du transport ferroviaire. Elle s'appuiera sur quatre axes : le développement de l'interopérabilité, via la coopération entre opérateurs et autorités nationales compétentes et l'extension progressive des responsabilités de l'Agence ferroviaire européenne, l'accès non discriminatoire aux réseaux, le respect des spécificités de contrat de service public dans les cas d'ouverture à la concurrence, ainsi qu'une industrie innovante et compétitive à l'image de l'initiative technologique européenne Shift2Rail.
En matière de transport aérien, les deux partenaires "reconnaissent l'importance du développement de l'industrie aéronautique" et "soutiennent (…) l'initiative technologique européenne Clean Sky, qui a pour objectif de réduire de moitié les émissions de C02 du secteur aérien".