"En raison de la sécheresse exceptionnelle", Eric Besson, ministre de l'Energie, a activé jeudi 26 mai "une cellule de veille sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France", rapporte le ministère. Cette cellule, qui rassemble "les administrations compétentes en matière d'énergie" et Réseau de transport d'électricité (RTE), rendra compte au gouvernement de l'équilibre de l'approvisionnement électrique en fonction de la demande et des moyens de production disponibles. En l'occurrence, la baisse des débits des cours d'eau "entraîne une diminution de la production hydroélectrique, et touche également les moyens nucléaires et thermiques qui sont refroidis par ces cours d'eau."
Vers des dérogations pour le parc nucléaire ?
Le ministère rappelle que "les autorisations de rejets de ces centrales, tant en matière de température de l'eau que d'effluents, sont définies par rapport aux exigences de protection des milieux aquatiques." Lorsque le débit des fleuves est faible et que leur température est élevée, la diminution de la puissance de certaines centrales, ou leur arrêt peuvent s'imposer pour respecter les critères environnementaux.
Sur l'ensemble du parc nucléaire français, 44 réacteurs situés en bord de rivière pourraient être affectés, alors que les 14 réacteurs en bord de mer permettent "d'assurer une base d'approvisionnement non affectée par la baisse de débit des rivières."
Cependant, "des dispositions dérogatoires peuvent éventuellement être prises, lorsque cela est justifié, pour équilibrer l'offre et la demande d'électricité", prévient le ministère. Une annonce contradictoire avec le discours tenu par Nathalie Kosciusko-Morizet, le 16 mai, qui assurait que la réglementation prévoit l'arrêt des réacteurs concernés "sans dérogation possible."
En 2003 et 2006, EDF avait obtenu des dérogations aux limites thermiques des rejets de certaines centrales nucléaires afin de garantir la production électrique de son parc.
D'autre part le ministère explique que "ce n'est pas un sujet de sûreté nucléaire [car] une éventuelle pénurie d'eau ne survient pas soudainement et peut être anticipée, et les besoins de refroidissement d'un réacteur nucléaire à l'arrêt sont très faibles."
La Loire sous surveillance…
À la date du 26 mai, 50 départements sont concernés par au moins un arrêté préfectoral et cinq départements sont en vigilance.
Dans ce contexte, l'AFP annonce que des mesures ont été prises par la préfecture de la région Centre pour garantir le débit de la Loire, qui assure le refroidissement de quatre centrales nucléaires (Belleville-sur-Loire dans le Cher, Dampierre-en-Burly dans le Loiret, Saint-Laurent-des-Eaux dans le Loir-et-Cher et Chinon en Indre-et-Loire).
Ces mesures s'adressent aux gestionnaires des barrages le long du fleuve et de certains de ses affluents afin d'assurer un débit d'étiage suffisant durant l'été. Ainsi, les objectifs de débit des barrages de Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme) sur l'Allier et de Gien (Loiret) sur la Loire ont été abaissés afin d'"économiser l'eau" à titre préventif. L'objectif de débit est passé de 60 à 50 m3 par seconde à Gien, rapporte l'agence de presse.
Quant aux barrages de Naussac (Lozère) et de Villerest (Loire), construits spécifiquement pour soutenir le débit d'étiage du plus long fleuve hexagonal, les retenues sont actuellement proches de leur remplissage maximal et la sécurité des centrales ou l'alimentation en eau potable ne sont pas menacées à ce stade.
… comme la plupart des fleuves français
Par ailleurs, l'autorité de sûreté nucléaire suit "de très, très près" la situation a indiqué Patrice Russac, le délégué de la division Sud-Ouest de l'ASN, cité par le quotidien Sud-Ouest.
S'agissant des centrales nucléaires de cette zone, les situations sont contrastées. Si la centrale du Blayais (Gironde), située à l'estuaire de la Gironde, ne devrait pas manquer d'eau, la situation est plus critique pour Golfech (Tarn-et-Garonne), située elle aussi le long de la Garonne, et Civaux (Vienne) située au bord de la Vienne. Néanmoins, des arrêts de certaines tranches, planifiés de longue date, réduisent les besoins en eau de ces centrales, a indiqué l'ASN.
Même crainte en région Rhône-Alpes, ou le prefet de région, cité par Le Progrès, a indiqué "surveiller de près le nucléaire." "La température du Rhône est actuellement de 17°C à Lyon [et] le maximum autorisé en aval du rejet est de 24°C", a-t-il indiqué, précisant que "les pluies d'orage sont intéressantes car, si elles n'arrosent pas la terre, elles terminent toutes dans le Rhône et le rafraîchissent." Dans ce contexte, la centrale du Bugey (Ain) régule déjà sa puissance pour moins solliciter le fleuve.