La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté le 19 septembre la proposition de loi de François Brottes (SRC – Isère) instaurant une tarification progressive de la consommation d'énergie des ménages. Le texte initial a fait l'objet de plusieurs amendements. Parmi ceux-ci : l'extension du dispositif à l'eau ou encore la prise en compte de l'âge des occupants. L'examen du texte en séance publique débute le 25 septembre.
Système de "bonus-malus"
Le système vise à faire payer davantage les gros consommateurs d'électricité, de gaz ou de chaleur. En bref, un système de "bonus-malus" visant à inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation. Pour cela, la proposition de loi prévoit un volume de base par ménage, calculé de façon individuelle en fonction du nombre de personnes occupant le logement, de sa zone d'implantation géographique et du mode de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire. Un service sera mis à disposition des consommateurs domestiques "afin de leur permettre de vérifier que les volumes de base attribués à leur résidence principale correspondent à la situation de leur foyer fiscal", prévoit le texte.
Le tarif de base est appliqué à ce volume. Il s'agit d'un bonus qui sera compris entre – 10 et 0 €/MWh, et entre – 20 et 0 €/MWh pour les bénéficiaires des tarifs sociaux. Les surconsommations par rapport à ce tarif de base seront pénalisées par un malus à deux niveaux correspondant à une consommation respectivement "de confort" (entre 100 et 150% du volume de base) et "de gaspillage" (au-delà de 150% du volume de base). Ce malus sera compris entre 0 et 3 €/MWh pour le premier niveau (entre -3 et 3 €/MWh pour les bénéficiaires des tarifs sociaux), et entre 0 et 10 €/MWh pour le second niveau (entre 0 et 5 €/MWh pour les bénéficiaires des tarifs sociaux). Il est prévu également une progressivité dans le temps, ces fourchettes, valables pour l'année 2013, étant élargies en 2014 puis en 2015.
Chaque année, la Commission de régulation de l'énergie proposera pour l'année à venir le niveau des bonus et des malus qui sera arrêté par le ministre chargé de l'énergie dans ces fourchettes légales.
La proposition de loi prévoit aussi des sanctions pénales : " quiconque se soustrait frauduleusement à l'application du bonus-malus (…) est passible de six mois d'emprisonnement et de 50.000 € d'amende", prévoit le texte.
Prise en compte de l'âge des occupants
Parmi les principaux amendements retenus lors de la discussion en commission figure la prise en compte complémentaire de l'âge des occupants du logement ainsi que l'utilisation d'équipements spécifiques. L'idée est de ne pas pénaliser les personnes âgées qui ont besoin de vivre dans des logements plus chauds et qui utilisent des appareils respiratoires ou des fauteuils roulants par exemple. Ces éléments seront précisés par voie réglementaire.
Dans le cas d'immeubles à chauffage collectif, il est prévu d'attribuer aux copropriétés ou bailleurs sociaux des volumes de base calculés en fonction de la surface chauffée et de la zone climatique dans laquelle est situé l'immeuble. La loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application du bonus-malus à ces immeubles. Se pose en effet la question de sa répercussion sur chaque occupant, en particulier en l'absence de compteur individuel.
La proposition prévoit que les données permettant de calculer les volumes de base individuels seront mises à disposition des fournisseurs d'énergie par l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale. Souhaitant éviter que ces données ne soient vendues par les fournisseurs d'énergie, le texte prévoit qu'elles ne pourront être transmises à des tiers. Par ailleurs, en cas de déménagement, la tarification progressive s'appliquera à compter de la première année calendaire fiscale suivant la date de souscription du contrat.
Afin d'inciter les propriétaires à engager des travaux de rénovation énergétique, "le locataire peut déduire du montant du loyer une fraction du malus déterminée en fonction de la performance énergétique du logement", prévoit également la proposition de loi. Là aussi, les règles de répartition des malus entre les locataires et les bailleurs devra être précisée par décret.
Service public de la performance énergétique de l'habitat
La proposition de loi prévoit aussi de créer "un service public de la performance énergétique de l'habitat" chargé d'assurer "l'accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique". Ce service "les assiste dans la réalisation des travaux d'isolation de leur logement et leur fournit des informations et des conseils personnalisés".
Lorsqu'un consommateur bénéficiant des tarifs sociaux se voit appliquer un malus dépassant un plafond qui sera fixé par décret, le fournisseur d'électricité ou de gaz informera de sa situation l'Agence nationale de l'habitat, sauf opposition de sa part.
Extension du champ de la loi au domaine de l'eau
Autre amendement important adopté en commission, celui prévoyant d'étendre à l'eau le champ de la loi, initialement circonscrit au gaz, à l'électricité et à la chaleur.
La proposition prévoit ainsi que "les services d'eau et d'assainissement peuvent (…) définir un tarif spécifique pour les abonnements d'immeubles à usage principal d'habitation, pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite ou à prix réduit, et tenant compte du revenu ou du patrimoine des usagers".
Le texte prévoit une expérimentation d'une duré de cinq ans pour mettre en œuvre cette tarification sociale. "L'expérimentation peut inclure la définition de tarifs tenant compte de la composition ou du revenu du foyer, l'attribution d'une aide au paiement des factures d'eau ou d'une aide à l'accès à l'eau", prévoit la proposition. Cette expérimentation sera engagée par les collectivités qui le demandent.
Le Comité national de l'eau sera chargé du suivi et de l'évaluation de ces expérimentations, et devra remettre deux rapports au Gouvernement, l'un fin 2014 et l'autre fin 2016. La proposition prévoit que les agences de l'eau apportent des aides aux études de définition et de suivi de l'expérimentation dans la limite de 50% des dépenses.
Symbolique enfin, se voulant en phase avec le débat sur la transition énergétique qui se prépare, un amendement du PS a changé le titre de la proposition de loi maintenant intitulée "loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre".