Le ministère de l'Environnement a adressé mercredi 6 avril le projet d'arrêté relatif à la programmation des capacités de production d'énergies renouvelables (EnR) aux membres du Conseil supérieur de l'énergie (CSE). Quelques heures avant, la ministre de l'Environnement annonçait qu'elle souhaitait avancer sur la partie EnR de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), prévue par la loi sur la transition énergétique, sans attendre les analyses techniques complémentaires pour la production nucléaire. Ségolène Royal indiquait vouloir éviter une démobilisation des filières industrielles et disposer d'une base claire pour lancer de nouveaux appels d'offres.
Toutefois, "sans orientations sur l'évolution de la consommation et sur les autres sources de production, le nucléaire et les énergies fossiles, les objectifs d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique resteront des voeux pieux", réagit Anne Bringault, coordinatrice sur la transition énergétique pour le Réseau Action Climat (RAC) et le Cler. Les ONG rappellent en effet que la PPE doit, conformément à la loi de transition énergétique, offrir une vision globale à moyen terme en partant de scénarios de consommation et en déclinant toutes les sources d'énergie.
Mise à jour des arrêtés de 2009
Que prévoit le projet d'arrêté, qui sera examiné par le CSE le 15 avril prochain ? Le texte actualise les deux arrêtés du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production d'électricité, d'une part, de production de chaleur, d'autre part.
"Au lieu d'une feuille de route donnant le mix énergétique visé d'ici 2023, le projet n'est qu'une mise à jour du précédent arrêté de 2009. En ne donnant ni la trajectoire de consommation d'énergie ni la production d'énergie fossile et nucléaire, il est bien peu crédible", estime le Cler.
Le choix du Gouvernement de publier un seul volet de la PPE pose aussi des questions juridiques. L'avocat Arnaud Gossement estime impossible de publier un volet de la PPE sans scénarios de besoins énergétiques ni étude d'impact globale. C'est sans doute la raison pour laquelle le ministère de l'Environnement choisit de publier un arrêté plutôt que le décret prévu par la loi de transition énergétique. "Le décret PPE est le pilier de la loi de transition énergétique, rappelle toutefois M. Gossement. Y renoncer pour un projet d'arrêté sans aucune valeur juridique est inquiétant", ajoute l'avocat.
Le projet d'arrêté prévoit que les puissances des installations de production électrique à partir d'EnR en métropole seront les suivantes :
Energie | Puissance installée Fin 2018 | Puissance installée Fin 2023 |
---|---|---|
Eolien terrestre | 14.300 MW | Option basse : 21.800 MW Option haute : 23.300 MW |
Solaire | 10.200 MW | Option basse : 18.200 MW Option haute : 20.200 MW |
Hydroélectricité | 25.300 MW | Option basse : 25.800 MW Option haute : 26.050 MW |
Eolien en mer posé | 500 MW | 3.000 MW |
Energies marines (éolien flottant, hydrolien, etc.) | - | 100 MW |
Géothermie électrique | 8 MW | 53 MW |
Bois-énergie | 540 MW | Option basse : 790 MW Option haute : 1040 MW |
Méthanisation | 137 MW | Option basse : 237 MW Option haute : 262 MW |
Le texte précise que pour contribuer à l'atteinte des objectifs fixés en favorisant la production d'énergie, des appels d'offres expérimentaux de soutien à l'autoconsommation/autoproduction seront lancés.
Les objectifs de développement de la chaleur et du froid renouvelables et de récupération, en métropole toujours, sont les suivants :
Energie | Production de chaleur Fin 2018 | Production de chaleur Fin 2023 |
---|---|---|
Biomasse | 12.000 ktep | Option basse : 13.000 ktep Option haute : 14.000 ktep |
Biogaz | 300 ktep | Option basse : 700 ktep Option haute : 900 ktep |
Pompes à chaleur | 2.200 ktep | Option basse : 2.800 ktep Option haute : 3.200 ktep |
Géothermie | 200 ktep | Option basse : 400 ktep Option haute : 550 ktep |
Solaire thermique | 180 ktep | Option basse : 270 ktep Option haute : 400 ktep |
Le projet d'arrêté fixe enfin des objectifs pour le développement du biogaz injecté, du bioGNV et des biocarburants avancés. Pour l'injection de biométhane, l'objectif serait de 1,7 TWh en 2018 et 6 à 8 TWh en 2023. Pour le bioGNV, le texte prévoit de le soutenir à hauteur de 20% des consommations de GNV en 2023 sur des segments complémentaires de ceux des véhicules électriques et des véhicules hybrides rechargeables. Les objectifs d'incorporation de biocarburants avancés dans les carburants sont, quant à eux, de 1,6% en 2018 (3,4% en 2023) pour la filière essence et de 1% en 2018 (2,3% en 2023) pour la filière gazole.
Reste à voir l'accueil que réservera le Conseil supérieur de l'énergie à cette programmation de l'énergie amputée de plusieurs de ses volets.