"Il ne faut pas attendre le vote de la loi sur la transition énergétique pour prendre des décisions sur les énergies renouvelables, car le marché mondial ne nous attendra pas". Alors que la présentation du projet de loi sur la transition énergétique a été repoussée au printemps prochain, le président du syndicat des énergies renouvelables (SER) Jean-Louis Bal a présenté un plan de relance pour les EnR, avec des mesures à très court terme, et d'autres à moyen terme. "Il est exagéré de dire que les mesures d'urgence prises en 2013 par le gouvernement n'ont pas eu d'effets. En revanche, elles sont insuffisantes", a-t-il indiqué.
Si fin 2012, le mix énergétique français comptait 13,7% d'énergies renouvelables, un chiffre proche des 14% fixés par la programmation pluriannuelle des investissements (PPI), il faut regarder ce qui se cache derrière, a insisté Jean-Louis Bal. "L'atteinte de ce point de passage a été possible grâce au respect de la trajectoire des biocarburants et des pompes à chaleur. En revanche, la trajectoire n'a pas été tenue pour l'éolien, la géothermie et, en partie, pour la biomasse collective. L'avance constatée dans le solaire photovoltaïque traduit un objectif initial mal dimensionné dans la PPI". A ce rythme, estime le syndicat, la France devrait atteindre 17% d'EnR en 2020, contre 23% initialement fixés. "Il y a un véritable enjeu. Alors qu'entre 2005 et 2010, les EnR ont créé des emplois, à partir de 2010, il y a eu des destructions d'emplois (de 90.000 à 70.000). Avec 23% d'EnR en 2020, 225.000 emplois sont projetés", a souligné Jean-Louis Bal.
Visibilité, territorialisation et simplification
Dans son plan de relance, le SER propose 23 mesures de court terme (à six mois) pour relancer les filières renouvelables, des mesures maintes fois défendues par le syndicat ces dernières années. La première priorité est d'améliorer le pilotage des EnR, indique le syndicat. Cela passe par une meilleure visibilité à moyen et long terme via une révision des objectifs de certaines filières à 2020 (photovoltaïque, énergies marines, bois énergie, biogaz et déchets ménagers). Des appels d'offres pluriannuels pourraient être lancés pour le solaire.
"Il faut également un pilotage au plus près des territoires", a insisté Damien Mathon, délégué général du SER, reprenant ainsi l'une des conclusions du débat national sur l'énergie. Cette territorialisation pourrait se traduire par une feuille de route par région, qui s'appuie sur les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et qui fixe des objectifs annuels. Le SER souhaite également que la concertation pour la détermination de nouvelles zones en vue des prochains appels d'offres (éolien offshore, hydrolienne, hydroélectricité) soit lancée au plus tard en décembre, et que soit lancé "au plus tôt" l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour les fermes hydroliennes pilotes.
Deuxième priorité : la simplification administrative. Alors que le Président de la République a annoncé un choc de simplification, le SER espère bien que celui-ci va concerner les énergies renouvelables. Il souhaite que soient revues les règles définissant les installations EnR soumises aux schémas régionaux de raccordement des énergies renouvelables (S3RENR) et que soit supprimée l'obligation d'intégration au bâti pour le photovoltaïque dans le bâtiment existant. Il faudrait également prolonger les délais de validité des autorisations environnementales et d'urbanisme, simplifier les procédures d'autorisation pour le renforcement du réseau électrique et garantir le respect des délais de raccordement au réseau. Ces mesures peuvent être prises par voie réglementaire, estime le SER, et ce, rapidement.
Le syndicat demande également que soit créée une procédure d'autorisation unique pour chacune des filières éolienne, biogaz, hydroélectricité et énergies marines, via une expérimentation régionale qui pourrait être lancée début 2014. Enfin, le projet de loi sur la simplification pourrait prévoir la réduction des délais d'instruction des demandes d'autorisation des projets EnR, limiter l'impact des recours contentieux en fixant un délai unique de recours des tiers de deux mois et simplifier le recours au financement participatif.
Economie et fiscalité des EnR
Après l'instabilité tarifaire et réglementaire de ces dernières années, le SER demande également une sécurisation de l'économie des projets. Cela passe par la confirmation des tarifs d'achat (éolien, photovoltaïque, cogénération), un partage équitable des coûts d'adaptation du réseau électrique, le lancement d'un appel d'offres de 1.000 MW pour le photovoltaïque et le solaire thermodynamique et le doublement du Fonds chaleur. Alors que dans les départements et collectivités d'Outre mer (DOM COM), la limite de 30% d'EnR injectées sur le réseau a été atteinte, le SER demande que soit mis en place un tarif photovoltaïque autoconsommation. Pour la métropole, le syndicat a engagé des réflexions avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et ErDF afin d'aboutir à un statut juridique et économique de l'autoconsommation dans le courant de l'année 2014.
Le gouvernement présentera le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 le 25 septembre prochain. Le SER souhaite qu'y soient inscrits un maintien de la fiscalité sur les agrocarburants jusqu'en 2015 (le gouvernement avait annoncé une dégressivité dès 2014), un retour à la TVA à 5% pour le bois énergie (contre 10% prévus pour 2014) et un allègement de la fiscalité pour les nouvelles installation hydroélectriques, dont les stations de transfert d'énergie par pompage (Step). Il demande également le maintien du crédit d'impôt développement durable (CIDD) pour les installations domestiques utilisant des EnR.
Toujours dans le cadre du PLF 2014, le SER souhaite le lancement d'un plan Précarité logement qui équipe d'appareils de chauffage au bois ou de pompes à chaleur 100.000 maisons individuelles du parc social par an sur cinq ans.
Stratégie industrielle à moyen terme
Enfin, le SER souhaite que soient prévus, dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique, un programme Bpifrance ENR sur le modèle allemand et de nouveaux programmes d'investissements d'avenir (stockage d'énergie, R&D…).
Il demande également au gouvernement de mettre en œuvre "au plus vite" les plans industriels, annoncés récemment par François Hollande, sur les EnR, l'industrie du bois, la chimie verte et les agrocarburants. "Un plan industriel peut avoir du sens, à condition qu'il y ait un marché domestique pour l'appuyer", a souligné Jean-Louis Bal.
Pour les DOM COM, dont les objectifs à l'horizon 2020 sont plus ambitieux qu'en métropole (50% d'EnR), le syndicat souhaite que soit défini un véritable plan de développement. "On dit souvent que les EnR pèsent de plus en plus sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE), ce qui est vrai. Mais on oublie que la péréquation tarifaire représente 40% de la CSPE. Alors qu'en 2004, cette part représentait 400 millions d'euros, aujourd'hui elle se situe à 1,4 milliard d'euros", précise Jean-Louis Bal.
A plus long terme, le SER propose d'anticiper l'évolution des mécanismes de soutien en tenant compte de l'amélioration de la compétitivité de chaque filière. Il a d'ores et déjà engagé des réflexions à ce sujet.