C'est un texte très technique que le ministère de la Transition écologique s'apprête à soumettre à la consultation du public début février. Ce texte, c'est le principal décret d'application de la loi Asap, promulguée en décembre dernier, pour ce qui concerne les procédures en matière d'environnement.
Le projet de décret, qui a été examiné par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) le 13 janvier, met en œuvre plusieurs dispositions controversées de la loi comme la consultation facultative du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), la possibilité de démarrer une construction avant l'obtention de l'autorisation environnementale ou la restriction du champ des enquêtes publiques obligatoires.
Moins de 6 % des enquêtes publiques sans participation
Ce dernier point consiste à donner au préfet la possibilité de recourir à une consultation électronique du public plutôt qu'à une enquête publique pour les projets relevant d'une autorisation environnementale qui ne sont pas soumis à évaluation environnementale. Cette simplification semble particulièrement importante aux yeux du Gouvernement puisque celui-ci n'avait pas hésité à faire appel à une deuxième délibération pour revenir sur le vote des députés qui avaient, dans un premier temps, refusé cette disposition.
« C'est un scandale démocratique énorme ! », s'était indignée la députée Mathilde Panot (France insoumise) après ce deuxième vote organisé un vendredi en soirée alors que de nombreux députés étaient repartis dans leur circonscription. La Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE), qui voit là son champ d'intervention restreint, avait aussi fait part de son indignation. L'association professionnelle avait pointé le remplacement de l'enquête publique « menée par ce tiers indépendant qu'est le commissaire enquêteur par un préfet, lequel (…) décidera d'un projet sans l'obligation de rendre compte et sans donner un avis motivé expliquant ses choix ».
La simplification concerne 200 à 300 dossiers portant sur des installations comme des silos verticaux, des imprimeries offset, de petites piscicultures ou des usines de fabrication de céramique, avait expliqué Agnès Pannier-Runacher. La ministre chargée de l'industrie avait ajouté que, dans 85 % des enquêtes publiques, il n'y avait aucun retour du public. Piquée au vif, la CNCE avait lancé immédiatement un sondage auprès de ses adhérents qui a révélé que… seulement 5,4 % des enquêtes publiques n'avaient enregistré aucune participation.
Risque de multiplication des contentieux
Le projet de décret ne fait que mettre en cohérence la procédure d'autorisation environnementale pour permettre la nouvelle alternative donnée au préfet par la loi, fait-on valoir au ministère de la Transition écologique. Purement technique, il fixe en effet le point de départ de la phase de consultation du public et celui de la phase de décision faisant suite à cette consultation. Mais il permet aussi la mise en œuvre effective de la réforme, qui a passé sans encombre le contrôle du Conseil constitutionnel en décembre.
Le CSPRT a émis un avis favorable à la majorité sur le texte. Mais il a demandé de prévoir un affichage physique de l'avis de consultation du public sur, ou à proximité, du site sur lequel le projet est envisagé.
L'hostilité ne vient toutefois pas que des ONG mais aussi des inspecteurs de l'environnement. Lorsque le préfet décide de passer par une consultation électronique plutôt que par une enquête publique, ce sont eux qui doivent en effet faire le bilan de la consultation en lieu et place du commissaire enquêteur. Des charges de travail et un coût supplémentaire pour l'État qui pourraient aussi peser dans le choix des préfets sur la procédure de consultation du public la plus appropriée.