Le Conseil d'Etat a rejeté le 24 avril une requête en référé, fondée sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative, visant à la suspension de l'arrêté du préfet de l'Aude déclarant d'utilité publique le projet d'extension de l'aire de Vinassan-Nord sur l'autoroute A9.
Annulation de l'ordonnance de référé
Par un arrêté du 9 août 2011, pris sur le fondement de l'article L. 126-1 du code de l'environnement, le préfet de l'Aude a déclaré d'intérêt général le projet d'extension d'une aire d'autoroute près de Narbonne. Saisi par l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, par une ordonnance du 13 décembre 2011, suspendu l'exécution de l'arrêté.
La Société Autoroutes du sud de la France s'est pourvue en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d'Etat. La Haute juridiction lui donne raison : elle annule l'ordonnance du juge et rejette la demande de suspension de l'association.
La condition d'urgence doit être appréciée concrètement et globalement
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision".
Selon le Conseil d'Etat, le juge des référés ne pouvait déduire du seul fait que le commissaire enquêteur avait donné un avis défavorable à l'opération projetée que la condition d'urgence de l'article L. 521-1 était satisfaite. Il lui appartenait "d'apprécier concrètement et globalement si la condition d'urgence était satisfaite, au regard, notamment, de l'atteinte grave et immédiate à la sécurité publique constituée par l'absence de réalisation de l'opération projetée". D'où l'annulation de l'ordonnance.
Pas de doute sérieux sur la légalité de l'arrêté préfectoral
Pour l'association requérante, le projet ne présentait pas un caractère d'intérêt général, au sens de l'article L. 126-1 du code de l'environnement. Or, il ressort des pièces du dossier, selon le Conseil d'Etat, que l'opération vise à remédier à un important déficit de places de stationnement pour poids lourds sur cette portion de l'autoroute A9 et que le stationnement anarchique des camions en résultant pose de graves problèmes de sécurité publique. De plus, souligne la Haute juridiction administrative, malgré l'avis défavorable du commissaire enquêteur, "les incidences alléguées du projet sur l'environnement et les riverains apparaissent très limitées".
Elle en déduit que le moyen tiré de l'absence d'intérêt général du projet "n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du préfet".
Un autre fondement possible
Pour Carl Enckell, avocat spécialisé en droit de l'environnement, en cas d'avis négatif du commissaire enquêteur, l'action des requérants a toutefois beaucoup plus de chance d'aboutir si elle est fondée sur l'article L. 554-12 du code de juridiction administrative plutôt que sur son article L. 521-1. Dans cette hypothèse, le requérant n'a pas à démontrer l'urgence mais seulement un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Toutefois, en l'espèce, le Conseil d'Etat relève que cette condition n'est pas remplie.
De plus, cette position doit maintenant être nuancée au regard de la décision du Conseil du 16 avril dernier par laquelle il a rejeté la demande de suspension de l'arrêté modifiant la circulation aérienne en région parisienne. Par cet arrêt, la Haute juridiction administrative a affirmé que même si les conditions de l'article L. 554-12 étaient réunies, le juge des référés pouvait écarter la demande de suspension si celle-ci était de nature à porter à l'intérêt général "une atteinte d'une particulière gravité".