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Actu-Environnement

Autorisation environnementale : le gouvernement porte un coup aux enquêtes publiques

L'exécutif met en place une expérimentation permettant de remplacer l'enquête publique par une simple consultation du public par voie électronique. Une décision critiquée comme portant atteinte à la démocratie participative.

Gouvernance  |    |  L. Radisson

Est-il opportun de supprimer l'enquête publique préalable à certains projets en pleine crise de la démocratie participative ? C'est le pari que fait le gouvernement en publiant mercredi 26 décembre un décret d'application de la loi pour un Etat au service d'une société de confiance (Essoc) promulguée l'été dernier et qui prévoyait cette simplification.

Le texte met en place une expérimentation permettant de remplacer l'enquête publique des projets soumis à autorisation environnementale par une simple participation du public par voie électronique. Les projets concernés sont les installations classées (ICPE) ainsi que les installations relevant de la loi sur l'eau (Iota) soumises à autorisation. L'expérimentation est prévue pour une durée de trois ans dans les régions Bretagne et Hauts-de-France. Des régions connues pour abriter de nombreux élevages et receler un fort potentiel éolien.

Ne peuvent toutefois bénéficier de cette dérogation que les projets ayant fait l'objet d'une concertation préalable avec garant. Une procédure mise en place en 2017 dans le cadre de la réforme du dialogue environnemental. Le décret prévoit également une publication des avis sur la participation du public par voie électronique dans des journaux régionaux ou locaux, ou dans des journaux nationaux lorsque les projets ou les plans sont d'importance nationale. Pour le ministère de la Transition écologique, ce renforcement des modalités d'information du public permet "d'assurer au public des garanties équivalentes à celles dont il aurait bénéficié dans le cadre d'une enquête publique".

Près de 3.000 contributions publiques

Ce point de vue est contesté par de nombreuses observateurs, comme le prouve la consultation du public organisée sur le projet de décret, qui a donné lieu à près de 3.000 contributions. Même si le ministère n'a pas mis en ligne la traditionnelle synthèse des observations formulées dans ce cadre, il apparaît qu'une grande majorité de ces réactions sont négatives. Une forte participation des opposants aux éoliennes terrestres, concernées par l'expérimentation puisque soumises à autorisation environnementale, est à noter.

Le texte a également suscité les critiques des associations de protection de l'environnement. "Concertation préalable et enquête publique n'interviennent pas au même moment dans la vie d'un projet, et cette nouvelle procédure ne doit pas servir à alléger la participation au cours du projet", réagit Denez L'Hostis, président d'honneur de France Nature Environnement (FNE). Le garant, ajoute-t-il, ne rend pas d'avis mais dresse un bilan des remarques et propositions. "Si ce travail est important, il ne remplace cependant pas celui du commissaire enquêteur, qui est un animateur direct de la participation en organisant des réunions publiques, auditions de personnes, suspension de procédure en cas d'évolution du dossier... et surtout rédaction de conclusions motivées avec un avis", explique M. L'Hostis.

L'argument de la fracture numérique est également mis en avant. "La généralisation des procédures publiques uniquement par internet organisent purement et simplement l'exclusion d'une fraction significative de la société qui n'a pas accès au débat public et à la défense de ses intérêts", estime le dirigeant de FNE. Un avis partagé par la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE). "L'enquête publique est bien par essence le cœur battant du fonctionnement de notre démocratie participative et le meilleur moyen de faire remonter aux décideurs ce que ressent véritablement le terrain, au travers du filtre qu'est le commissaire enquêteur, qui n'a aucun lien avec quelque partie que ce soit", réagit Brigitte Chalopin, présidente de la CNCE.

"Subrepticement, par petites touches"

La colère de la fédération des commissaires enquêteurs est d'autant plus grande que ce coup porté aux enquêtes publiques n'est pas isolé. Madame Chalopin pointe aussi la dispense d'enquête pour les constructions nécessaires aux Jeux olympiques de 2024, de même que pour la construction d'établissements pénitentiaires prévue par la loi de réforme de la justice en cours de discussion au Parlement.

"La méthode utilisée est habile. Sous couvert de simplification et de diminution des délais, c'est subrepticement, par petites touches, lors de la sortie de nouveaux projets de loi, que la participation du public aux décisions ayant une incidence environnementale est en train de muter pour se résumer à une simple consultation par voie électronique", dénonce la présidente de la CNCE.

Certes, l'expérimentation ne porte que sur deux régions et la loi prévoit que le gouvernement transmette une évaluation de cette expérience au Parlement au moins six mois avant son terme. Mais, "l'historique des dernières expérimentations de ce type montrent qu'elles sont généralement généralisées avant même la fin de la période d'expérimentation", pointe FNE Pays-de-la-Loire. "Nous ne pouvons qu'être très sceptiques quant à la possibilité de revenir en arrière une fois l'expérimentation lancée", ajoute l'association. Or, celle-ci est bel et bien lancée puisque le décret entre en vigueur dès le 27 décembre.

Réactions6 réactions à cet article

S’il est vrai qu’on peut mettre tout et n’importe quoi derrière la formulation « Démocratie participative », cette dangereuse décision  ouvre la porte à tous les abus avec la complicité éventuelle d’une administration sous-informée ou aux ordres, voire corrompue.

Tout en étant conscient que « L’erreur ne devient pas vérité parce qu’elle est approuvée par beaucoup » (M.G) et que « Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont forcément raison » (M.C), des citoyens plus ou moins directement concernés plus informés que d’autres doivent pouvoir faire connaître leurs sources et les qualités et les compétences des spécialistes ou experts sur lesquels ils s’appuient pour s’opposer pacifiquement à un projet.

Sagecol | 27 décembre 2018 à 05h44 Signaler un contenu inapproprié

Et cela en même temps qu'on nous "bassine" avec un grand débat dont la transition écologique constituera soit-disant le cœur et que les mêmes s'appitoient hypocritement sur la fracture territoriale....
Et on s'étonnera après ça que quelques symboles de la République soient éborgnés par l'exaspération et la colère....

adjtUAF | 27 décembre 2018 à 10h16 Signaler un contenu inapproprié

Cette dernière " loi de justice et d'amour "entre dans un programme politique cohérent qui consiste à écarter toute possibilité de critiquer des programmes portés par un lobby aménageur .
La loi ainsi faite s'appuie sur les positions habituelles des tribunaux administratifs et du Conseil d'Etat le plus souvent hostiles à tout ce qui ressemble à une contestation .
Quant à la participation publique tous les acteurs associatifs en connaissent l'inanité ,les diverses commissions ne sont jamais écoutées des préfets si elles s'avisent d' avancer des conclusions gênantes .

sirius | 03 janvier 2019 à 09h54 Signaler un contenu inapproprié

Le lobby aménageur dont parle sirius est plus que jamais à l'oeuvre et profite des oreilles toutes disposées à l'écouter de nos dirigeants, tous bords confondus. Les derniers simulacres de démocratie tombent les uns après les autres...il est simpliste de s'imaginer que les Français se tairont car "on" ne leur donnera plus les moyens de s'exprimer: au contraire, cela va les pousser définitivement à la révolte. Ces nouvelles dérives autoritaires sont dangereuses pour le pouvoir lui même, mais il est trop bête (ou trop présomptueux) pour le comprendre.

gaia94 | 05 janvier 2019 à 22h44 Signaler un contenu inapproprié

Il faudrait se décider à admettre, avant toute réflexion sur le fonctionnement de nos sociétés, la française en particulier, que nous ne vivons pas en démocratie, mais en oligocratie ploutocratique.

« Dès que nous disons le mot « démocratie » pour nommer notre mode de gouvernement qu’il soit américain, allemand ou français, nous mentons. La démocratie ne peut jamais être qu’une idée régulatrice, une belle idée dont nous baptisons promptement des pratiques très diverses. Nous en sommes loin, mais encore faut-il le savoir et le dire. » (A.E)  
« Nous sommes victimes d'un abus de mots. Notre système (les « démocraties » occidentales) ne peut s'appeler « démocratique » et le qualifier ainsi est grave, car ceci empêche la réalisation de la vraie démocratie tout en lui volant son nom. »  (S-C.K)

« La démocratie, c'est le nom volé d'une idée violée . » (J-P.M).

"L'erreur ne devient pas  vérité parce qu'elle est approuvée par beaucoup. " (M.G)

« Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont forcément raison. » (M.C)

«  Ceux qui regardent le vote universel comme une garantie de la bonté des choix se font une illusion complète. » (A.T)

« Qui trouve globalement rationnelles et louables nos organisations et pratiques sociétales, en particulier sur le plan politique et économique et a fortiori sur le plan environnemental, ne l'est guère.  » (I.I)  

NB. Même il y a longtemps à Athènes ce n'était de la démocratie

Sagecol | 07 janvier 2019 à 07h52 Signaler un contenu inapproprié

Alors ce serait "bien" de shunter l'avis du public pour accélérer l'éolien (notamment en mer) et ce serait "mal" pour les autres projets (les méchants agriculteurs) ?
Quelle cohérence ? La "vertu" des citoyens "éclairés" ?
Je n'ai pas de "copié-collé" à fournir pour faire la leçon. Merci de bien vouloir m'en excuser...
Belle année à tous, cependant !

Albatros | 08 janvier 2019 à 13h46 Signaler un contenu inapproprié

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